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— Très drôle ! répliqua enfin Franck. Tu es une petite marrante, toi ! Quand tu n’essaies pas de nous la jouer criminelle repentie et bien sage…

— Je la préfère comme ça ! avoua Laurent. Au moins, on sait qui on a en face, maintenant…

— De toute façon, j’en m’en balance de ce qui est arrivé à l’autre crétin… T’as qu’à aller le consoler si ça te chante.

Le commissaire s’approcha, elle ne bougea pas d’un centimètre.

— Je vais avoir du mal à le consoler, murmura-t-il. Il est mort.

Marianne, abasourdie, continua à le fixer.

— Il n’a pas supporté le mélange qui tu lui as filé ! asséna Laurent avec brutalité.

— Impossible ! J’ai jamais vu un détenu crever avec ce mélange ! C’est juste pour endormir, ça ne peut pas tuer…

— Sauf les gens fragiles du cœur, mentit le capitaine. Didier l’était, justement…

— Tu as peut-être eu la main trop lourde, Marianne, poursuivit Franck en allumant une Camel.

— Il est mort d’autre chose ! Et après tout, rien à foutre ! Il peut aller au diable, je vais pas pleurer un flic…

— Ça ne te fait rien d’avoir tué un mec ?

— C’est pas la première fois, rappela-t-elle avec un regard terrifiant. C’est pas mon premier flic.

— Exact, acquiesça le commissaire. Tu as déjà tué quatre fois…

— Cinq. J’ai refroidi une détenue il y a quelques semaines, mais c’est pas encore sur mon CV.

Ses mains tremblaient, elle les cacha dans son dos. Il se posta devant elle.

— De toute façon, tu as raison… Ce n’est pas une grosse perte. Didier n’était qu’un faible. S’il n’était pas mort, je l’aurais tué moi-même.

Cette voix sans émotion, ces yeux, comme durcis par une couche de gel, infligèrent à Marianne un douloureux frisson dans les reins.

— C’était tout de même un flic… Et un flic, même pas très futé, ça vaut toujours mieux qu’une criminelle de la pire espèce…

— Question de point de vue.

— C’est mon point de vue. Tu dois payer pour ça… Tu n’as pas envie d’aller prendre l’air, Marianne ? C’est l’heure de ta promenade…

Elle calcula rapidement ses chances de sortir vivante de cette nouvelle épreuve.

— Qu’est-ce que tu vas me faire ?

Sa gorge était aussi sèche que le Sahara en été. Il afficha un sourire qui finit de la terroriser.

— On a eu plusieurs idées, mes potes et moi… Laurent voulait qu’on te punisse par où tu as péché mais ce n’était pas très élégant.

— Ouais, mais très agréable ! Une petite tournante avec la demoiselle, moi, ça me branche bien…

Marianne sentit son cœur se gonfler d’effroi. Son ventre se tétaniser.

— Moi, ça me tente pas, enchaîna Franck avec une sorte de détachement. On pourrait choper une saloperie. Va savoir ce que les matons lui ont refilé en taule… Philippe, lui, a eu une autre idée. Il aimait bien Didier, remarque. Ce qui explique sa haine… Il a suggéré qu’on te balance dans la rivière la plus proche pieds et poings liés… Quant à moi, j’ai une autre envie. Tu vois, tu es une source d’inspiration pour nous tous, Marianne… Moi, j’ai repensé au cauchemar que tu m’as raconté hier…

Elle arrivait tout juste à respirer.

Laurent approcha à son tour, elle décida de prendre la fuite. Elle bouscula le commissaire, bondit sur le lit avant de s’engouffrer dans le couloir à la vitesse de la lumière. Là, elle tomba nez à nez avec Philippe. Le temps qu’elle réagisse, Laurent et Franck la saisirent par derrière. Elle envoya des coups à l’aveuglette. Percuta une tête, des corps et parvint même à se dégager.

Mais au bout de trois pas, ils s’emparaient à nouveau d’elle. Plaquée au sol, poignets menottés. Laurent la remit debout sans ménagement. Franck avait été touché au visage. Il saignait abondamment, l’arcade sourcilière explosée. Ça allait décupler sa fureur. Mais de toute façon, trop tard pour revenir en arrière. Elle descendit l’escalier sans même toucher terre. Fut jetée dans la salle à manger.

Franck épongea le sang qui inondait son visage et sa chemise blanche impeccable. Marianne avait reculé jusqu’au mur, attendait le châtiment en essayant de maîtriser sa peur.

— Alors, les gars ? s’enquit le commissaire. Qu’est-ce qu’on décide pour elle ?

— On en reste à ton idée, dit Philippe. C’est la mieux… Qu’elle paye. C’est tout ce qui compte…

Elle fut à nouveau empoignée et traînée jusqu’au jardin. Elle se remémora la tombe de son cauchemar, sentit le goût de la terre dans sa bouche. Mais ne prononça pas un mot. Elle n’avait pas eu le temps d’enfiler ses baskets, les pierres blessaient ses pieds nus.

Ils contournèrent la maison, s’arrêtèrent devant une porte métallique. Franck sortit un trousseau de clefs de sa poche, en essaya plusieurs avant de trouver la bonne. Grincement lugubre. Un air brûlant s’exhala de ce qui n’était qu’un minuscule local, une remise de vieux outils de jardin. Philippe dégagea les râteaux, les pioches et balança tout ça un peu plus loin. Il pesta contre les toiles d’araignées qui s’étaient invitées sur son polo.

— Vous n’allez pas me foutre là-dedans ? murmura Marianne avec effarement.

— Voilà ta nouvelle demeure ! annonça Franck. Ta dernière demeure… Au moins, je suis sûr que tu ne vas pas mourir de froid ! Et puis tu ne seras pas seule…

Elle lorgna vers les araignées suspendues au plafond. Une sorte de scolopendre s’évada à la vitesse de l’éclair de ce cloaque nauséabond. Et finit écrasé sous la semelle du commissaire.

— Un de moins ! plaisanta-t-il. Mais il y en a des centaines à l’intérieur. C’est dommage, tu pourras pas les admirer puisque tu seras dans le noir…

Il effleura son bras nu avec ses doigts. Ça lui procura un frémissement immonde.

— Mais tu pourras les sentir sur ta peau… Tu auras tout le temps de penser à ce pauvre Didier…

Laurent la poussa, elle souleva ses pieds du sol, résista au maximum.

— Déconnez pas ! hurla-t-elle.

— Allez, un peu de cran, Marianne ! lança le capitaine en la portant à bras-le-corps.

Il lui ôta les menottes et la précipita au fond du réduit où elle percuta le mur. Elle s’effondra sur le sol, se releva immédiatement. Se heurta à la porte qui se refermait. Elle se retrouva dans le noir complet.

Souffle coupé. Terrorisée. Peurs d’enfant.

Elle cogna contre le métal bouillant.

— Laissez-moi sortir !

La voix du commissaire se moqua d’elle, de l’autre côté.

— Ne gaspille pas tes forces, Marianne… Sinon, tu tiendras pas longtemps. Tu vas te déshydrater en moins de deux…

— Ouvre cette porte ! gémit-elle.

— Là, au moins, je suis sûr que tu ne pourras pas t’évader… En attendant, je vais prendre tout le temps nécessaire pour décider comment se débarrasser de toi…

— Laisse-moi sortir ! supplia-t-elle.

Les pas s’éloignèrent, elle s’acharna encore contre la porte à grands coups d’épaule. Jusqu’à ce qu’elle renonce, se fige dans la solitude. Ses yeux s’habituaient à la pénombre, un rai de soleil criard au-dessus de la porte lui procurait un faible éclairage. Elle était enfermée dans un rectangle d’un mètre sur trois. Pas plus. Une sorte de cercueil où la température devait dépasser les quarante degrés.

Elle suffoquait de peur. Tenta de se contrôler. C’est juste une punition. Ils vont venir me chercher dans une heure, tout au plus…

Elle n’osait ni s’asseoir par terre, ni s’appuyer au mur. De crainte d’être attaquée par une bestiole de film d’horreur. Sueurs froides, bien que dans une sorte de four où elle allait cuire à l’étouffée.