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Philippe entra dans la cuisine, guidé par son estomac trop vide. Il commença à se confectionner un sandwich jambon-beurre.

— Marianne avait l’air déterminée, hier soir, murmura-t-il.

— C’est du bluff ! affirma Laurent. Tu crois qu’elle va accepter de crever pour ce type ?

— Ce type est un cadeau du ciel, affirma Franck.

— Un cadeau ? Je pige pas…

— J’étais en train de chercher comment la tenir sous contrôle… Maintenant, je sais.

Marianne avait peu dormi. Elle avait attendu en vain son café-croissants, mais les flics avaient visiblement décidé de la mettre à la diète. Me priver de petit-déj’ ! Sacrée punition !

Des pas dans le couloir. Elle quitta le lit en vitesse pour affronter ses visiteurs. Trio au complet. Sa jolie prestation de la veille les avait rendus extrêmement prudents.

— Salut Marianne, dit Franck.

Elle ne répondit pas. Il déposa le plateau sur le bureau, elle attendit sagement qu’ils repartent pour se sustenter. Mais ils s’incrustaient, ayant sans doute des choses à dire. Elle espéra la reddition des adversaires, croisa les doigts dans le dos.

— Tu as réfléchi, depuis hier soir ? attaqua le commissaire.

— Réfléchi ? Je vous ai dit mes conditions, elles ne changeront pas.

Laurent et Philippe veillaient, près de la porte. Franck se planta devant elle.

— Tu sais, Marianne, le jour approche où il faudra payer ta dette…

— Ma dette ? répéta-t-elle en souriant. Mais de quelle dette parlez-vous, commissaire ?

— Nous t’avons sortie de taule, tu ne t’en souviens pas ?

— Pour me refoutre en cellule. Merci du cadeau !

— Tu n’es pas en cellule, tu es en transit. Dès que tu auras accompli ta mission, tu seras libre.

— Vous êtes bouché ou quoi, commissaire ? Je ne tuerai personne tant que Daniel sera incarcéré…

— Ça, ça m’étonnerait fort.

— Vous avez manigancé tout ça pour que je bute un type ! Vous n’allez pas y renoncer maintenant, pas vrai ? Alors, vous allez faire le nécessaire pour le sortir de là… Quand il sera libre, j’exécuterai ma part du contrat. C’est pas compliqué ! Même le dernier des crétins comprendrait !

— Non, Marianne. Ça ne va pas se passer comme ça. Si tu nous trahis, si le moment venu tu refuses de faire le travail, tu vas regretter de m’avoir connu…

— Je regrette déjà de vous avoir connu !

— Écoute-moi bien, Marianne, si tu refuses d’obéir, je m’occuperai de ton mec.

Une boule de feu explosa dans sa poitrine, grimpa jusque dans sa tête. Elle s’accrocha au rebord de la fenêtre. Fonctions vitales en arrêt.

— Je me débrouillerai pour le sortir de taule et je lui ferai subir les pires choses, jusqu’à ce que tu capitules.

Bien sûr, Marianne ne put se contenir plus longtemps. Se dépliant telle une panthère, elle se jeta sur lui, griffes en avant, avec un rugissement effrayant. Le commissaire érigea un bouclier avec ses bras, tandis que ses adjoints se ruaient à son secours, l’empoignant chacun par un bras. Laurent reçut un coup de pied vicieux en plein tibia mais resta stoïque. Ils la tenaient solidement, elle cessa de gesticuler. Franck prit son visage entre ses mains, bloqua sa nuque.

— T’as pas intérêt à le toucher ! Si tu t’approches de lui, je te tue !

Elle rua de nouveau dans les brancards, Philippe et Laurent peinèrent à la contenir.

— Faut pas jouer avec moi, Marianne ! ajouta Franck. Alors tu vas être une gentille fille, faire ce qu’on attend de toi et il n’arrivera rien à ton beau surveillant, tu piges ?

Laurent lui tordit un bras dans le dos, elle cria de douleur. Puis il lui fit plier un genou d’un coup de talon, elle toucha le parquet.

— Tu as compris, Marianne ? asséna Franck.

Elle cessa de se débattre pour échapper à la douleur, le commissaire s’accroupit, se mettant à la portée des yeux noirs transformés en lance-flammes.

— Je veux une réponse, ma jolie. Tu as compris ?

— Oui ! cracha-t-elle.

Il adressa un signe à ses hommes qui la libérèrent enfin. Elle se releva en s’agrippant à la fenêtre.

— Bande de fumiers !

— Du calme ! Je suis sûr que tu vas te montrer intelligente et que je ne serai pas obligé de massacrer ce type… Après tout, je n’ai rien contre lui. Mais puisque tu as voulu le mêler à ça…

Elle massait son épaule douloureuse, le dévisageait avec une haine cristalline.

— Tu sais, Marianne, je ne suis pas un enfant de chœur. Faut pas jouer avec moi… Ce que tu m’as dit hier soir m’a ennuyé. C’est vrai… Depuis le début, tu me prends pour un con et ça, ça a vraiment tendance à me mettre hors de moi. Dès la sortie de l’hosto, t’as essayé de nous rouler… Ensuite, ta lamentable tentative avec ce pauvre Didier…

Il souriait, elle fulminait. Il prenait un malin plaisir à jouer avec ses nerfs.

— Et puis hier matin, aussi… Non, décidément, je regrette de t’avoir choisie et je commence à te détester. Et ça, c’est pas bon du tout… Alors je vais te serrer la vis, désormais. Il y a encore quelques jours à patienter avant que nos chemins se séparent et si tu continues à m’emmerder, ces quelques jours vont être très durs pour toi. Tu vois ce que je veux dire ?

Toujours rien en face. Juste un visage blessé, dur, fielleux. Elle imagina des supplices dans sa voix. Mais ce n’était pas ça le plus dur. Elle imaginait Daniel, torturé par ce flic qui continuait à lui enfoncer des pieux dans le cœur.

— T’avais raison, j’ai le pouvoir de sortir ton mec de prison. Mais prie pour que ça n’arrive pas… Tu as commis une erreur, Marianne. En me révélant ton amour pour lui. Parce que tu m’as livré ta seule faiblesse… avec la came, bien sûr. Or, il ne faut jamais révéler ses faiblesses à l’ennemi… Jamais. On t’a pas appris cela ?

— Salaud !

Il prit la liberté d’effleurer son visage, elle n’osa pas se rebiffer, surveillée de près par les deux autres.

— Il en a eu de la chance, ce maton… Comment il a réussi à t’apprivoiser, hein ?… Mais la chance tourne. Il se pourrait qu’il regrette les bons moments passés avec toi… Alors fais en sorte que non, Marianne.

Elle avait envie de le tuer ; de les tuer, tous les trois. Envie de pleurer, aussi. Ses lèvres tremblaient, de rage, de peur. Une profonde terreur, une qu’elle n’avait jamais connue auparavant.

— Je te souhaite un bon appétit, Marianne… Prends des forces, tu vas en avoir besoin…

*

19 h 00 — Cellule 213

Daniel avait siesté une bonne partie de l’après-midi. Car cette nuit, Portier serait de garde. Alors, il ne dormirait pas beaucoup. Peut-être pas du tout. Il contemplait avec dégoût son repas. Écuelle nauséabonde qu’un chien galeux aurait rechigné à ingurgiter. Il mangea le pain, avala deux verres d’eau par-dessus, histoire de berner son estomac. Puis il s’allongea, dévora deux barres de céréales en bénissant Justine.

Marianne, j’espère que tu es loin d’ici. J’espère que tu es seule. Autant que moi.

Il n’arrivait pas à se défaire de cette idée. Le type du parloir. Son complice, sans doute. Un beau mec aux yeux verts qu’il avait aperçu une fois. Comment l’avait-elle connu ? Qui était-il ? Un ex ?

Et si elle était avec lui, en ce moment ? Si tous les deux, ils… Trop douloureux d’imaginer la scène.