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Après s’être lentement dépliée, elle fit un bref check-up. Douleur dans le dos, à l’épaule droite. Mais rien de très grave, apparemment. Le genou était sain et sauf. Elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle. Les flics lui avaient assuré qu’il n’y avait pas de chien de garde. Pourtant, elle s’attendait à voir surgir des fourrés un rottweiler ou tout autre molosse de la même espèce.

Elle se faufila jusqu’au perron de la maison, se mira dans l’objectif quelques instants. Pour bien qu’on la reconnaisse, une fois encore. Pulvérisa la caméra, une fois encore. D’après Franck, les images étaient enregistrées sur une bande que la police ne manquerait pas de visionner. Elle composa ensuite le code pour désactiver l’alarme. Maintenant s’introduire dans la maison. Si elle avait eu les clefs, c’eût été simple. Elle tenta tout de même sa chance, tourna la poignée, sans résultat.

Suivant les conseils de ses commanditaires, elle partit à droite pour trouver l’entrée du garage. Une balle suffit à forcer la serrure. À l’intérieur, elle alluma sa torche. Une Mercedes dormait non loin d’un gros 4×4. Ça puait le fric et l’huile de vidange.

Elle trouva rapidement le passage entre le garage et la maison. Avant de pousser la porte, elle pria pour que l’alarme soit réellement désactivée… Aucune sirène ne vint ameuter le quartier, son cœur se remit à battre. Elle déboucha dans une sorte de vestibule, plus grand que sa cellule en taule.

Elle se remémora le plan dessiné par Franck. À gauche, salle à manger, salon. À droite, cuisine, cellier. En face, l’escalier qui menait aux chambres et salles de bains. Elle entendit quelque chose, tendit l’oreille. On aurait dit des gémissements. Comme si le proc’ était en galante compagnie.

Putain ! Manquait plus que ça !

Elle se plaça en bas des marches, écouta encore. Oui, c’était bien une fille au septième ciel. Sauf que ce n’était pas une vraie. Voix un peu synthétique, cris un peu exagérés. Ça ne pouvait être ce débris qui faisait autant d’effet !

Elle grimpa lentement vers l’étage, avec la discrétion d’une lionne avant l’assaut. La chambre des époux Aubert était la dernière au fond du couloir. Une clarté faible et vacillante en émanait. Il était donc là, en train de mater un film de cul. Un truc avec des mômes, sans doute. Elle eut un haut-le-cœur, se concentra sur sa mission. Elle avança sur la pointe des pieds, essayant de contrôler sa respiration capricieuse. Elle se colla à la cloison, jeta un regard éclair dans la pièce. Il était assis sur son plumard, face à la télé. En train de se palucher. Elle faillit lâcher son arme tellement sa main paniquait. Je pourrai jamais !

Son cœur enchaînait les doubles saltos. Ses jambes menaçaient de renoncer.

Pense à Daniel… Tu es là pour lui. Pense à toi… Aux gosses qui n’auront plus à endurer les horreurs de ce pervers…

Elle parvint à se maîtriser mais s’accorda encore un instant pour actionner la machine de guerre.

Enfin, elle se décida. Il était tellement occupé qu’il ne la vit pas fendre la pénombre. Surtout, ne pas le tuer avant d’avoir le dossier. Sinon, Franck serait furieux.

— Bonsoir, monsieur l’avocat général…

Un sursaut grotesque l’éjecta du lit. Il s’écrasa sur la moquette avec un bruit sourd. Marianne bondit sur le matelas, le mit en joue.

— Debout !

Il avait la bouche ouverte. Une terreur grandissante enlaidissait son visage déjà ingrat.

— Allez, lève-toi ! ordonna-t-elle.

Il se redressa, tendit les bras devant lui. La bouche toujours ouverte. Ça devait faire courant d’air avec sa braguette. D’ailleurs le pyjama glissa jusqu’à ses chevilles.

— Rhabille-toi ! ajouta Marianne avec dégoût.

Il remonta son pantalon. Oublia encore de refermer la bouche. Leva les mains à nouveau.

Elle descendit du lit et, tout en le gardant dans sa ligne de mire, recula jusqu’à l’interrupteur. La lumière inonda la scène.

— Tu me reconnais ? Non ?… Regarde-moi bien, monsieur l’avocat général…

Il plissa les yeux dans une mimique affreuse. Son menton, ses bras tremblèrent. Elle crut qu’il allait s’évanouir.

— Ça y est, je vois que tu te rappelles ! dit-elle avec un sourire féroce.

Elle ne pouvait s’empêcher de jouir de la terreur qu’elle lui inspirait…

Je requiers la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de vingt-deux ans. Comprenez-moi, mesdames et messieurs les jurés… Il faut nous assurer que Marianne de Gréville ne pourra plus jamais perpétrer de telles horreurs

— Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda le procureur d’une voix chancelante.

Elle eut un tressaillement. Retomba brutalement dans le présent.

— J’ai eu envie de rendre visite à mes anciens amis… Ceux qui m’ont aidée quand j’étais dans la merde… Comme toi.

Nous ne pouvons lui accorder la moindre circonstance atténuante

Elle se prenait au jeu. Comme réellement là pour exécuter sa propre vengeance. Le monstre était sorti de l’ombre. Il tenait l’arme. La braquait sur celui qui avait grandement contribué à lui donner naissance. La vie est si espiègle, parfois…

Le film continuait, des gémissements ridicules de femelle en chaleur qui sonnaient faux. Elle tourna la tête vers la télé, Aubert aussi. Une fille très jeune avec cinq types. Cinq. Comme dans le cachot. Les intestins de Marianne se nouèrent.

— Ça te plaît de voir ça ? cracha-t-elle avec violence.

Il ne répondit pas malgré sa bouche continuellement béante.

— Coupe-moi cette merde tout de suite ! Tout de suite, sinon…

Il marcha en crabe jusqu’au poste. Le silence s’abattit sur le décor, avec juste le bruit du lecteur DVD qui tournait dans le vide. Un immense soulagement pour Marianne.

— Maintenant, tu vas me rendre un petit service, Xav’… Je cherche un dossier… Le dossier Charon.

Sa bouche s’ouvrit encore plus. On aurait dit un poisson-lune en pyjama.

— Je sais pas de quoi vous…

— Joue pas à ça avec moi ! Tu vois ce que j’ai dans les mains ?

Elle baissa le canon, visa son entrejambe.

— Tu veux y goûter ? Je serais curieuse de voir les dégâts que ça causerait dans ton slip… À mon avis, tu pourrais plus jamais te branler devant tes films débiles. Alors file-moi ce dossier, et vite !

— Je ne comprends pas ! Je vous jure que…

— Arrête de faire le con, Aubert ! Ce joujou est hyper sensible et mon doigt a une crampe… Et là, tu commences à me gonfler ! Je sais que tu as la copie de ce dossier ici…

— Non !

Elle s’avança, il recula. Se heurta à une commode qui abrégea sa retraite. Marianne lui fila un coup de pied entre les jambes, il s’écroula à genoux en miaulant de douleur. Elle l’attrapa par le haut du pyjama, le plaqua sur le lit. Lui immergeant la tête dans l’édredon. Avant d’écraser le canon du Glock contre sa nuque.

— Tu vois, Aubert, y a deux ans, tu as démoli ma vie… Tu peux pas savoir comme c’est dur la taule… T’imagines même pas…

— Je vous en prie ! implora-t-il d’une voix étouffée.

— Tu te souviens de quoi je suis capable ? C’est toi-même qui l’as dit, pendant le procès : capable des pires horreurs, Xavier… Je n’ai aucune conscience…

Un individu tel que cette jeune femme n’a pas sa place dans notre société. Il faut l’empêcher de nuire, l’en empêcher pendant longtemps. Aussi longtemps que la loi nous y autorise

Elle lui administra un coup de pistolet sur le crâne, il bava à nouveau sur la couette.