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— Si tu ne me donnes pas ce que je veux, je te jure que je vais exercer mes talents sur toi… Il est où, ce dossier ?

Elle lui emprisonna la main gauche, commença à plier son index dans le mauvais sens. Puis accentua la torsion, avec force. Il hurla de douleur, elle venait de lui briser le doigt.

— Tu veux vraiment que je continue ? Tu as dix doigts, mon vieux… Ça peut durer longtemps…

Elle attrapa son majeur, il s’égosilla à nouveau.

— Arrêtez ! Je vais vous le donner ! Arrêtez !

Elle recula un peu, le laissa se remettre debout.

— Où il est ?

— Dans… Dans… mon… mon… bégaya-t-il en tenant son doigt désarticulé.

— Dans ton quoi ?!

— Mon jardin…

— Ton jardin ? Tu te fiches de moi ou quoi ?

— Non ! Je l’ai caché dans la serre, au fond du jardin…

— OK, on y va… Si jamais tu as menti… Passe devant !

Il posa les mains sur le haut de son crâne. Seul un de ses doigts restait en l’air. Elle l’incita à accélérer la cadence en plantant le Glock dans son dos.

Dehors, pieds nus, il se dandina comme s’il marchait sur des braises. Après la traversée du parc, ils arrivèrent à destination. Il poussa la porte, alluma la lumière. Marianne s’émerveilla malgré les circonstances. Plantes magnifiques, fleurs multicolores, exotiques. Parfums enivrants.

— J’ai enterré le dossier, là…

— Alors déterre-le et vite !

— Vous ne savez pas dans quoi vous mettez les pieds, Marianne… Je ne sais pas pourquoi vous le voulez, mais vous serez en danger tant que vous l’aurez…

— T’inquiète, c’est pas pour moi. Je suis juste payée pour le récupérer… File-moi ce putain de dossier avant que je m’énerve !

Elle le garda dans son viseur, tandis qu’il creusait la terre de sa main valide. Il fut obligé de déraciner quelques plantes puis exhuma enfin un sac poubelle noir.

— Vide-le par terre…

Il obéit, une pochette et une cassette vidéo en tombèrent. Tout en le braquant, elle consulta le fameux dossier. Cherchant désespérément le nom. Charon. Mais elle avait soudain du mal à lire. Les lettres se mélangeaient, n’avaient plus aucun sens.

Elle continua de tourner les pages. Sans vraiment regarder ce qui s’étalait sous ses yeux. Jusqu’à ce qu’enfin, elle décode les six lettres. CHARON. Juste en haut d’une page. Puis elle sortit la cassette de sa boîte. Le même nom inscrit dessus. Elle poussa un soupir de soulagement.

— OK, on retourne chez toi, maintenant.

— Pourquoi vous ne partez pas ?

— Avance, magne…

Ils retournèrent à l’intérieur. Marianne suivait les conseils de Franck. S’il a un coffre chez lui, pique des trucs dedans, ça fera plus vrai. Elle le poussa dans le salon.

— Il est où ton coffre ?

— Mon coffre ?

— Ouais, ton coffre ! Où il est ?

— Là, indiqua-t-il en pointant son doigt vers une croûte infâme.

— Ouvre-le…

Il retira le tableau, essuya la transpiration sur son front. Composa la combinaison.

— Mets-toi à genoux, ordonna-t-elle. Garde les mains sur la tête.

— Je vous en prie…

— Obéis ! hurla-t-elle.

Il s’agenouilla à côté de la table. Elle alla fourrer son nez dans le coffre ; une liasse de billets, une montre, un écrin à bijoux, des lettres. Elle jeta tout ça dans une mallette en cuir, y ajouta le dossier Charon.

— Les clefs du portail… ?

— Elles… Elles sont accrochées dans l’entrée… Juste à côté de la porte… Prenez-les et partez.

Elle ferma la mallette. Il fallait en finir. Maintenant. Ou jamais.

Lui ou elle. Lui ou Daniel.

Tirer sur un homme. À genoux. Au-dessus de ses forces. Peut-être que debout, elle y arriverait.

— Lève-toi…

Il se redressa avec l’agilité et l’élégance d’un pachyderme rhumatisant. Se mit à trembler comme un parkinsonien en phase terminale. Marianne le fixait droit dans les yeux. Le doigt sur la gâchette. Les nerfs en éruption.

Non, jamais elle n’y arriverait. Pense à Daniel. Pense à toi. Pense à ces enfants… Il fallait qu’elle entende ses aveux. Pour trouver la force de tirer.

— Paraît que t’aimes bien les gosses, Aubert… Au point de t’en servir pour tout un tas de saloperies…

Il écarquilla les yeux. Des giboulées de sueur descendaient de son cuir chevelu jusque dans son cou.

— Je suis au courant de tout, tu vois… Je sais que t’es un pédophile !… PÉ-DO-PHI–LE !

— Mais jamais de la vie, Marianne !

— Ne m’appelle pas Marianne ! hurla-t-elle d’une voix hystérique. Je sais ce que tu infliges aux enfants ! Toi et ta copine la juge !

Il semblait abasourdi. Sacré bon comédien, le proc’ !

— Mademoiselle de Gréville, je vous jure que…

— T’es qu’un salaud ! Tu vas payer !

Il tremblait de plus en plus, la suppliait du regard. Elle serrait la main sur la crosse du pistolet. Hésitait. Et si c’était Franck qui avait menti ? De toute façon, il le faut, pour Daniel. Elle fit quelques pas dans le salon. Lui tourna le dos un bref instant.

Ne jamais tourner le dos à l’adversaire. On le lui avait pourtant appris !

Un choc violent à l’arrière du crâne fit exploser une lumière rouge dans son champ visuel. Elle desserra les doigts avant de s’écrouler tête la première sur le canapé. Elle pivota en gémissant de douleur. Vit étinceler les débris du projectile, un cendrier en cristal, mais, surtout, Aubert qui se baissait pour ramasser l’arme.

Elle se releva avec une vélocité prodigieuse et, dans un cri de guerre, le percuta de plein fouet alors que ses doigts effleuraient le Glock. Ils roulèrent ensemble sur le carrelage, elle se sentit étouffer sous les quatre-vingts kilos en furie. Il martelait son visage de ses poings, avec une énergie décuplée par la peur et le désespoir. Succession de chocs violents qui malmenaient son cerveau. Elle parvint enfin à bloquer ses bras, le repoussa avec force avant de se remettre debout. Le décor classieux valsait, elle s’accrocha à la table. Dorures et marqueteries s’unissaient dans une farandole infernale.

Mais il lui restait assez de lucidité pour discerner Aubert qui rampait jusqu’au flingue. Une nouvelle fois, il l’effleura du bout des doigts. Alors Marianne lui sauta dessus, l’écrasa à plat ventre et se plaça à califourchon sur son dos. Le pistolet glissa sur le carrelage. S’éloigna.

— Ordure ! Fumier !

Elle saisit sa tête entre ses mains, lui tapa le visage contre le sol. À plusieurs reprises. Avec une frénésie macabre. Il gémissait, ses bras se tordaient dans le vide.

Marianne de Gréville a eu sa chance. Elle a grandi dans un milieu aisé, n’a manqué de rien.

Elle lâcha sa tête, lui donna des coups de poing sur la nuque. Elle frappait avec une violence inouïe, hurlait en même temps.

— J’ai manqué d’amour, connard ! J’ai manqué d’amour ! Manqué d’amour !

Il cessa de gémir. De bouger. Pourtant, elle continua.

— T’avais pas le droit de me faire ça ! T’avais pas le droit !

Elle arrêta enfin de s’acharner. Les poings serrés, la bouche déformée, les yeux exorbités. Elle se leva d’un bond, manqua de chuter à nouveau tellement ça tournait. Les larmes se mélangèrent au sang sur son visage. Elle empoigna l’arme, resta quelques instants immobile. Face au spectacle de cet homme inconscient, la figure baignant dans une petite flaque rouge.

Vérifie qu’il est mort, Marianne… La voix de Franck continuait à lui intimer des ordres. Franck…