Выбрать главу

— Il s’est tué ! C’est à cause de moi ! C’est à cause de moi !

— Non ! Ce n’est pas ta faute, Marianne. Tu ne dois pas te sentir coupable de ça… Tu dois vivre avec…

— J’arriverai pas à vivre sans lui ! Je préfère crever !

Elle capitulait, arrêta de se débattre. Il la récupéra dans ses bras, la laissa déverser le flot nerveux. Fleuve de peine, d’angoisses. Langage du corps ; pleurs et tremblements. Il restait encore tant d’abcès à crever.

— Je te jure que je regrette qu’il soit parti, Marianne. Mais on ne peut rien contre la mort… Il t’aimait, il aurait voulu que tu sois libre. Que tu aies une deuxième chance… Et c’est ce que je veux aussi…

— J’ai tellement peur ! avoua-t-elle enfin. Je veux pas aller à l’autre bout du monde ! Je serai perdue !

— C’est normal d’avoir peur, Marianne. Mais tu auras une nouvelle vie. Toute la liberté dont tu as tant rêvé. Tu rencontreras des gens, tu rencontreras un autre homme…

— Non ! Y avait que Daniel ! Que Daniel…

— Non, Marianne. Là-bas, tu ne seras plus poursuivie par ton passé.

— Il me poursuivra toujours ! Jamais je pourrai oublier…

— C’est vrai, tu n’oublieras pas. Mais personne ne le saura, personne ne te jugera pour ce que tu as pu commettre… C’est ça, la liberté. Une nouvelle vie, Marianne… C’est ce qu’il aurait voulu pour toi. C’est ce qu’il a espéré pour toi jusqu’au bout.

Elle se calma un peu. Cessa de hurler, continua juste à pleurer.

— Tu auras de quoi te construire une vie. Une vraie vie… Plus de barreaux, plus de cavale. Et si ce pays ne te plaît pas, nous en trouverons un autre.

— Je sais même pas à quoi il ressemble…

— On en reparlera, je te le promets… Rien n’est encore décidé… Je ne veux pas que tu meures, Marianne ! Je veux que tu vives, que tu sois heureuse.

— Je ne mérite rien à part la mort. J’ai commis tant d’horreurs… Parfois, je me dis que… Que Forestier et Aubert étaient peut-être innocents et…

Heureusement qu’elle ne pouvait pas voir son visage. Ça l’aida à mentir.

— Ils étaient coupables, Marianne. J’ai vu les preuves de mes propres yeux…

— Et même ? Ils étaient malades mais… J’ai passé des années à les haïr, j’ai rêvé si souvent de les tuer ! Maintenant qu’ils sont morts, je réalise qu’ils ne méritaient pas ça… Même le pire des criminels ne mérite pas ça… La preuve, c’est que moi, ils m’ont laissée en vie…

— Tu as raison. Personne ne mérite ça. Pas même eux… Mais il y a parfois des forces à l’œuvre qui nous dépassent.

— J’essaie de me rassurer en me disant qu’ils ne feront plus jamais de mal… J’ai peut-être sauvé des gosses… Je me dis peut-être que… Que je me suis rachetée, tu vois…

— Oui, Marianne. Tu as le droit de penser ça, maintenant. Leur mort t’offrira une seconde chance… elle n’aura pas été vaine.

Il l’aida à s’allonger.

— Je voudrais que tu te reposes, à présent…

— J’arriverai jamais à dormir… J’ai tellement la trouille de… demain et les jours d’après… quand je vais sortir d’ici… Je me sens incapable de me débrouiller, de…

— Ne t’en fais pas Marianne. Tu y arriveras très bien, je t’assure.

— Daniel me manque tellement… Ça m’empêche de respirer… Ils… Ils l’ont enterré ?

— Non… Ils ont dispersé ses cendres, comme il l’avait souhaité.

Nouvelle crise de larmes. Elle imaginait le corps de Daniel dans les flammes. Ce corps tant aimé. Enflammé, calciné, puis réduit en poussière. Rien, plus rien.

— Je le verrai plus jamais ! Plus jamais…

— Je vais rester avec toi… Tu veux bien ?

Elle hocha la tête, il s’étendit à côté d’elle, pressa un mouchoir sur sa plaie.

Soulagé qu’elle se soit enfin confiée. Même s’il avait mal à la gorge, même s’il garderait peut-être une cicatrice.

— Franck ? Je suis désolée pour le coup de couteau.

— C’est rien. Tu l’as même pas fait exprès…

Samedi 16 juillet — 09 h 00

Le capitaine trouva son patron dans la cuisine, en train de préparer du café.

— Salut, Laurent. Bien dormi ?

— Comme une tombe ! Et toi ?

— Bof…

Le capitaine aperçut alors la blessure. Même si le commissaire avait pris la peine de mettre une chemise. Mais il aurait fallu une écharpe pour la cacher.

— Qu’est ce que t’as au cou ?

— Rien…

Laurent tira un peu sur le col de la chemise. Philippe fit son apparition. Juste au mauvais moment.

— Bien dormi, lieutenant ?

— Eh ! Essaie pas de changer de conversation ! C’est quoi, cette blessure ? Et me dis pas que tu t’es coupé en te rasant !

Philippe s’intéressa à son tour au cou de son patron.

— C’est… C’est Marianne.

— Elle a essayé de t’égorger ? demanda Laurent avec stupeur.

— Ben… Elle voulait que je m’en aille, j’ai refusé… J’avais oublié qu’il y avait un couteau sur le plateau.

— Merde ! lança Laurent en s’asseyant sur une chaise. Elle est barge, cette nana ! Faut l’attacher au pieu, c’est pas possible…

— Non, c’est bon maintenant. On a parlé, ça va mieux…

— Parlé ? Avec un couteau sous la gorge ? Non, mais attends ! Tu veux quoi ? Qu’elle nous dézingue tous les trois ? Je te rappelle que ça fait environ trois fois qu’elle essaye de te tuer… Qu’elle m’a pété le nez… J’te dis qu’il faut l’attacher !

— Non seulement, je ne vais pas l’attacher, mais en plus, je vais l’autoriser à quitter sa piaule ! Il faut qu’elle prenne l’habitude d’être libre. Demain midi, nous irons au resto, tous les quatre…

— Tu plaisantes ?! s’étrangla le capitaine.

— Pas le moins du monde ! Aujourd’hui, elle est encore trop faible. Mais demain, j’espère que ça ira.

— T’es malade ! Si on la reconnaît ?

— Ça m’étonnerait. Je lui collerai des lunettes de soleil… Et un chapeau.

— Des lunettes de soleil ? Un chapeau ? Putain, je dois dormir encore ! Je vais me réveiller !

— J’ai repéré une auberge qui a l’air sympa à T. Il y a une grande terrasse, les tables sont éloignées les unes des autres… Je suis sûr que ça va lui plaire. En fait… C’est l’angoisse qui la rend agressive. Elle a peur de la liberté, peur de se retrouver dehors, toute seule… Elle a perdu ses repères, en taule. Faut qu’elle sorte en plein jour, qu’elle voie des gens…

— Mais… Si elle tente de s’échapper ?

— Ou de nous égorger ? ajouta Laurent.

— Elle ne le fera pas, assura le commissaire.

— Ben voyons ! Elle sera bien sage simplement parce qu’elle a causé avec toi sur l’oreiller ! Elle ne se montrera plus violente, fera des jolis sourires à tout le monde ! Allez, les gars ! ajouta-t-il avec emphase. Mettez vos gilets pare-balles et vos casques lourds : dimanche midi, on emmène Marianne au restaurant !

— Arrête ! implora Franck en souriant. J’te dis qu’elle ne se montrera plus agressive…

Le capitaine secoua la tête, avec une sorte de lassitude face à l’entêtement de son patron.

— Si c’est le cas, change de boulot, mon vieux ! Ouvre un cabinet de psy.

Le commissaire se contenta de rire et prépara un plateau pour Marianne. Dès qu’il eut quitté la cuisine, Laurent se mit à marmonner.