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« Et ce truc…, ce paralyseur. Je n’ai guère eu le temps de regarder à l’intérieur et ils l’ont remporté avec eux, mais ça ne ressemblait à rien de ce que je connaisse. Et ce truc m’a assommé, mais je pouvais encore respirer sans problème alors même que j’étais incapable ne fût-ce que de bouger les yeux. Je pouvais juste regarder tout droit. J’ai cru que c’étaient des Russes, je ne sais pas… J’ai cru qu’ils allaient me liquider. Mais tu vois, ils ne pouvaient pas me tuer ou alors, c’est que Louise les en empêchait, enfin je ne sais pas…»

Ma voix mourut. Je ne sais pas depuis combien de temps j’étais lancé sur ce ton, mais Tom m’avait écouté calmement.

« Alors, qui était-ce ? » demanda-t-il enfin. « D’où venait-elle ?

— Je l’ignore. Mais tu ne comprends pas ? Il faut qu’on trouve. »

Il y eut un très long silence. Tom évitait mon regard.

« Ces montres, Tom. Hein ? Il leur est quand même arrivé quelque chose qui les a fait soit repartir à l’envers, soit retarder de quarante-cinq minutes. Quarante-cinq minutes, Tom. »

Il leva les yeux puis les rabaissa.

« Et la bande ? Ce pilote qui disait qu’ils étaient tous morts et carbonisés. Morts et carbonisés. Pourquoi dirait-il une chose pareille ? Tom, tu vas peut-être me demander ce que j’ai pu boire ? »

Il me regarda de nouveau.

« Quelque chose comme ça, oui.

— Mais qu’est-ce que je peux faire pour te convaincre ? »

Il ouvrit les mains.

« Bill… j’ai envie de te croire… non, attends. » Il hocha la tête. « C’est faux. Je n’ai pas envie de te croire. T’aurais envie, toi ? Je veux dire, c’est une histoire de dingue, Bill. De dingue. Mais je veux bien te croire si tu me montres quelque chose.

— Quoi ? »

Haussement d’épaules. « À toi de savoir, non ? N’importe quoi. N’importe quoi de concret. Qu’on ait quelque chose à se mettre sous la dent. Sinon, même si je répugne à le dire… je serai obligé de croire que cette fille t’a fait craquer. J’ignore pour quelle raison. Mais, pourquoi tu ne rentrerais pas plutôt faire un bon somme ? Peut-être qu’il te viendra une idée. »

Merde, c’est que la situation devenait embarrassante. Et je crois même, par bien des côtés, pire que tout ce qui devait suivre.

Il n’y avait aucune raison au monde pour que Tom dût me croire sur parole avec une histoire aussi ridicule que celle-ci. Et pourtant, si j’avais un ami au monde, c’était bien lui. Si j’étais incapable de le convaincre, qui allais-je persuader ?

La situation semblait exiger une décision immédiate ; je la pris donc : je m’achetai une bouteille, regagnai ma chambre et me pris une cuite.

Le lendemain, je repris l’affaire, élément par élément.

La bande du C.V.R. :

« Je pense que ce problème a été réglé à la satisfaction générale », avait dit Gordy lors de la réunion du soir. « L’analyse faite par Carole des paroles prononcées par DeLisle me semble se tenir. Elle a fait rechercher dans son dossier. Il a eu un congé de maladie il y a cinq ans. Certains indices sembleraient indiquer une instabilité émotionnelle. J’ignore pourquoi vous tenez tant à chercher de ce côté, Bill ; c’est une fausse piste. »

Le consensus était de s’abstenir de diffuser ce message avec le reste de la transcription de l’enregistreur de conversation. Il serait inclus dans le rapport officiel, mais ce dernier ne serait pas terminé avant un an et, d’ici là, tout le monde s’en ficherait.

Deuxième reprise, les toquantes toquées :

« Ça n’a jamais existé », dit derrière sa tasse de café l’agent spécial Freddie Powers dans les locaux du F.B.I. à Oakland.

« Comment ça ? On l’a bien vu, quand même. Et le docteur aussi.

— Il n’en a plus souvenance et moi non plus. »

Il détourna furtivement les yeux, comme si l’on était dans un mauvais film d’espionnage.

« Écoutez, Smith. J’ai un pote à San Mateo qui travaille sur des puces de circuits intégrés, comme celles que contiennent ces montres. Il leur a tout fait subir : les brûler, leur injecter du mille volts, tout ce qu’on peut imaginer. Et tout ce qu’il a jamais obtenu jusqu’à présent, c’est des montres arrêtées. S’il était parvenu à reproduire le phénomène, j’étais décidé à le mentionner dans le rapport. Mais il est trop tard à présent. Mon rapport est déjà classé et, de toute manière, il ne tient déjà pas debout – et là-bas, on n’aime pas, mais alors pas du tout, les dossiers contenant des trucs bizarres et pas résolus.

— Je vous croyais homme à savoir apprécier les cas difficiles.

— Faut pas déconner, mon vieux. Je serais prêt à me remuer le cul pour un truc important, d’accord. Mais ça, c’est de la couille. Rien qu’une petite connerie qui risque juste de nous faire passer pour une paire de glands.

— Je pensais vraiment que vous seriez prêt à faire les pieds au mur pour résoudre cette affaire. Je ne vous aurais jamais cru capable de dissimuler la vérité. »

Il se pencha un peu plus vers moi.

« En parlant de mur… un conseil d’ami, Bill : vous en êtes bien près vous-même. Et d’un mur capitonné. J’ai entendu des choses… vous savez comment c’est… il paraîtrait en haut lieu qu’on n’aime pas trop vous voir remonter ce 747 ; on dit que ça coûte trop cher et que ça ne nous apprendra rien. Peut-être que vous devriez prendre des vacances, aller un peu vous mettre au régime sec avant que quelqu’un d’autre le décide pour vous. »

Toquantes toquées, deuxième partie :

Donc, nous avons un paquet de montres en retard de quarante-cinq minutes.

Bon, et alors ?

Quatrième reprise – et le challenger jaillit de l’angle du ring, titubant, ensanglanté :

Douze douzaines d’estomacs remplis de poulet aérien, contre cinq de bœuf et un de fromage blanc.

C’était à l’évidence soit une erreur dans les manifestes de la PanAm – qui montraient une répétition équilibrée des plats de bœuf et de poulet – soit une anomalie statistique sans rapport avec la catastrophe.

J’abandonnai cette reprise avant qu’elle ait vraiment débuté, aux points. L’important, c’était que je tienne debout, en attendant de pouvoir asséner mon dernier coup.

Mais entre-temps, j’en étais réduit à deux maigres possibilités. Je rentrai à Washington pour la fin de la semaine et, dès le lundi, j’entamai la tournée des agences de presse.

Il ne s’agissait pas de leur fourguer une histoire ; la conférence de presse du premier soir m’en avait démontré la futilité. En fait, je pris bien soin au contraire de demander à mes quelques amis journalistes de garder sur tout ceci la plus grande discrétion. Je leur demandai de me transmettre des clichés et des bandes vidéo de la première conférence de presse à Oakland.

Je pus avoir Louise trois fois – deux en photo et une sur bande. Aucun des clichés n’était très bon, mais je fis agrandir le meilleur et le filai au F.B.I. où j’avais encore quelques amis qui me devaient bien une faveur.

Une semaine plus tard, j’avais ma réponse. La photo n’avait rien donné. Ses empreintes sur le verre à cocktail que j’avais pu mettre de côté n’étaient au sommier d’aucune agence fédérale. Un listage des fichiers informatiques révéla plusieurs douzaines de Louise Ball, mais aucune n’était la bonne.

Pour peu que vous viviez assez longtemps à Washington, vous pouvez vous faire quantité de relations. J’en avais une à la C.I.A. Je lui donnai la photo. Il ne me promit rien, mais deux semaines plus tard, il me la restituait. En me rappelant bien que nous ne nous étions jamais rencontrés, qu’il ne m’avait jamais rendu service – mais que ça n’avait franchement pas d’importance puisque de toute manière il n’avait rien trouvé.