Выбрать главу

Ils vont tous rester muets comme des carpes, fit le capitaine Harry ; ils s’imagineront que nous allons les fourrer en cabane.

— Il faudrait quand même essayer, dit Kovask. Nous gagnerions un temps considérable.

Le téléphone intérieur grésilla. Le colonel Jackson les informait que le personnel sanitaire était prêt, et que les visites allaient commencer. Les trois suspects se trouvaient parmi leurs camarades.

Kovask étudia leur visage avant de se rendre dans les locaux sanitaires. Le médecin-major était le commander Symons, mais le spécialiste de la-décontamination était le lieutenant Langham.

Après les présentations, le colonel Jackson ajouta :

— Ces messieurs sont prévenus. Ce n’est pas un travail habituel, mais je suppose que la gravité de la situation justifie ces moyens exceptionnels.

Ironique avec ça, le colonel ! Kovask resta impassible et approuva d’un signe de tête.

— En somme, dit le médecin-major Symons, il faut flanquer une trouille bleue à certains de ces gaillards.

— Les forcer à reconnaître qu’ils ont manipulé les têtes nucléaires. Du moins forcer le véritable coupable à l’avouer, mais sans se soucier à priori de l’intention criminelle. Soutirer sa confidence en insistant sur le danger qui le menace. Vous connaissez les trois suspects? Une fois que l’un d’eux aura reconnu avoir manipulé ces engins, nous nous occuperons de lui.

— En souhaitant que l’homme soit parmi ces trois.

— Nous commençons?

Le lieutenant s’enferma dans une pièce garnie de hublots. Elle était spécialement bétonnée, avec des plaques de plomb dans la masse du ciment et plusieurs appareils repérant la radioactivité.

Les hommes commencèrent à défiler. Langham consacrait à chacun trois à quatre minutes. Il y avait cinq sous-officiers d’examinés quand entra l’un des suspects, un certain Muller.

Le lieutenant poursuivit son examen pendant une dizaine de minutes avant de prendre un visage soucieux.

— Prise de sang, dit-il à son assistant. Analyse immédiate.

Le sergent Muller, complètement nu, devint très pâle et chercha le regard du docteur.

— Mon lieutenant … Je suis atteint? Langham ne répondit pas et balada un compteur de radioactivité sur le corps de l’homme. Finalement, il le regarda droit dans les yeux.

— Dites-moi, Muller, avez-vous manipulé des objets radioactifs ces temps derniers?

La réponse fut instantanée.

— J’ai monté la garde dans ce trou à saloperies … Je veux dire la casemate H.

— Dans le couloir seulement? Avez-vous pénétré dans la partie où se trouvent les rockets?

Non, jamais. Mais on est installés tout contre, alors …

Langham abrégea l’interrogatoire, mais fit conduire le sergent dans une des salles de décontamination. Kovask approuva silencieusement. Mieux valait laisser les gars mijoter un peu dans leur frousse avant de pousser plus loin le jeu des questions.

Encore quelques sous-officiers, puis ce fut le tour d’un autre des suspects. Kovask consulta ses photographies et le nom inscrit au dos. Spencer. C’était celui qui avait une sale tête. Exactement le genre du sergent de marines brute sadique popularisé par le cinéma.

Pendant l’examen médical, il resta impassible, un tantinet goguenard. Même lorsque Langham ordonna la prise de sang. Il répondit brièvement à l’interrogatoire. Le médecin le cuisina plus longuement. Peu à peu, le sous-officier perdait de son impassibilité et son regard se faisait inquiet.

— Dites donc, doc, ça veut dire quoi, tous ces micmacs?

Langham hocha la tête.

— Que vous avez été en contact direct avec des objets radioactifs.

Spencer expliqua qu’il avait souvent monté la garde dans la casemate H.

— Comme tous vos camarades, expliqua Langham, mais eux ne sont pas dans votre état.

— Mon état? Qu’est-ce ça veut dire?

— Avez-vous aidé au stockage des rockets?

Justement, Kovask avait en main la liste des hommes ayant participé à ce travail. Ils avaient ensuite été mis en observation pendant plusieurs jours.

— Non, dit Spencer. Je monte la garde dans la casemate H, c’est tout.

— Vous n’avez jamais eu la curiosité d’aller voir à l’intérieur?

Spencer ricana :

— Faudrait avoir la clé.

Kovask essayait de ne pas se laisser influencer par la sale tête de l’homme, mais, quelque chose lui déplaisait en lui. C’était indéfinissable.

— C’est bon, dit Langham. Je suis quand même obligé de vous garder en observation.

— Bon sang ! Mais je n’ai rien. Absolument rien. Le compteur l’aurait dit.

— Quel compteur?

L’espace d’une seconde, le sergent hésita.

— Ben, celui de la casemate ! Dans le poste, il y en a des tas. Dont un pour le personnel.

Kovask sentait que quelque chose lui échappait.

— Faites passer le dernier le plus rapidement possible.

— Est-ce prudent?

— Tant pis. Il y a urgence.

Le tour du dernier suspect, Rohmer, arriva assez rapidement.

— D’origine allemande lui aussi, comme Muller, murmura Kovask. Parle-t-il sa langue maternelle?

— Je vais me renseigner, dit le capitaine Harry.

C’était un joli garçon, un athlète. Il se prêta de bonne grâce à tous les examens, resta imperturbable devant les mines du lieutenant Langham. Il se laissa faire sa prise de sang, répondit avec aisance aux questions.

— Le plus intelligent des trois, pensa Kovask.

Le capitaine Harry revenait.

— Il parle allemand. Pas Muller. La famille de Muller se trouve aux States depuis un siècle. Celle de Rohmer a émigré après la guerre de 1914.

— Quel âge a-t-il?

— Trente ans. Pourrait être sergent-chef, adjudant même, mais il est mal noté.

Langham en avait terminé avec Rohmer et le dirigeait vers une des cabines de décontamination.

— On continue? Demanda Symons.

— Oui. Pour le moment. Je reviens. Capitaine Harry, pouvez-vous m’accompagner?

Les deux hommes sortirent, suivis par les regards intrigués de Brandt, Jackson et Symons.

— Menez-moi à la chambre de Rohmer. Celle de Spencer se trouve dans le même coin?

— Je vais vérifier. De toute façon, il nous faut passer devant les bureaux.

Les deux sous-officiers habitaient dans le même bâtiment, au même étage. Dans la chambre de Rohmer régnait un ordre impeccable. Des photos de filles nues tapissaient les murs. Kovask chercha dans l’annote en tôle, dans le lit et la cantine. Il ne trouva qu’une liasse d’argent. Des billets espagnols de mille pesetas. Huit en tout. Ce n’était pas une somme extraordinaire, et Rohmer pouvait l’avoir gagnée au jeu.

— Allons chez Spencer.

C’était différent. La chambre n’était pas très propre et dans l’armoire en tôle régnait un désordre indescriptible. Kovask fouilla soigneusement. Il tâta le matelas, chercha autour de lui.

— Pourtant ! Murmura-t-il.

Sous le lavabo il y avait une plaque vissée.

— Qu’est-ce?

— L’accès au siphon. Les lavabos de deux chambres mitoyennes sont contre la même cloison. Une astuce du constructeur pour faire plus vite.

— Vous avez un tournevis?

— Un couteau.

La plaque fut rapidement dévissée. Kovask plongea la main sous le siphon et tâtonna. Il finit par trouver un objet et le remonta. C’était dans un sac de toile, un petit compteur Geiger. Du type employé par les prospecteurs amateurs, et valant vingt dollars dans les bazars des States. Le capitaine ouvrait des yeux ronds.