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Le vieux poireautait à l’hôpital dans l’intention de me passer de vie à trépas. Il a attendu que je sorte pour m’assaisonner. Il devait agir en pleine rue, très vite. Bon, et after ? Kirâz Gratys a été le grain de sable, mais envisageons la suite du meurtre. Le vénérable tueur me mouche la chandelle. Dès lors, il doit mettre à profit la stupeur générale pour s’emporter dare-dare, non ? Il possédait donc, pour ce faire, un véhicule à disposition dans les parages. Alors, de mes deux choses l’une : ou bien le véhicule en question était piloté par un complice qui attendait, ou bien pas, et dans ce second cas il se trouve encore là où pépère l’avait stationné. Ce vieux crabe à la canne farceuse a passé plusieurs heures dans l’hôpital. Est-il vraisemblable qu’un partenaire ait attendu aussi longtemps au volant d’une chignole ? Les marchands en plein air l’auraient retapissé de première et son signalement ça allait être du gâteau au miel plus tard.

Conclusion : une voiture appartenant à mister La Boitille attend toujours son driver à proximité des lieux du coup fourré ; tu paries ?

Donc, retour aux sources.

M’est avis qu’on débrouillarde enfin, gamin.

Déjà, je sais que Sirella ne m’avait pas menti : son vieux vit toujours. Elle savait qu’on devait me mettre à mal et elle a préservé l’enfant unique de Félicie en engageant ce flic privé à la manque qui s’est révélé digne des meilleurs G’men.

Attends, ne nous emballons pas, qu’ensuite on parviendra peut-être plus à se déballer, empêtrés que nous serons dans la ficelle de l’impulsion.

Tout commence, non pas par des chansons, non pas par l’échanson, mais par l’émir Kohnar. Il est en Helvétie, déposé de son trône comme un paquet à la consigne. Une jeune journaliste l’interviouve. Il lui dit qu’il en a gros sous le turban du chapeau qu’on lui a fait porter au sujet de l’affaire Fernal. Qu’au grand vizir jamais il n’a donné l’ordre de tuer ce messager secret et que le vice-consul britiche de l’époque, l’Honorable Adam Delameer est mouillé jusqu’au nombril dans cette histoire. Le Régent, notre diamant national, a disparu dans l’affaire. On me charge d’aller enquêter dans l’intimité de Delameer pour en savoir plus sur les Anglais qui bougent.

Je me pointe à Eggs-to-the-Cook, prêt à la manœuvre casanovesque d’urgence pour forcer la porte des Delameer, via la jolie culotte rose de sa dame. Selon icelle, à peine suis-je à pied d’œuvre qu’on sait tout de moi et de mes intentions. Sirella reçoit la consigne d’entrer dans mon jeu. Tout va bien, elle devient ma maîtresse (hmmm, qu’ c’était bon !) et c’est alors que les services secrets usent de moi pour simuler le meurtre d’Adam. Le voici devenu un homme zéro, bravo. J’embarque alors sa Ninette pas éplorée le moindre et, manière de lui faire oublier son faux veuvage, l’amène à Marrakech. Mon intention est de discuter sérieusement le bout de gras avec l’émir.

Je poursuis ou tu te fais faire minette ? T’aimes mieux après ? Bon.

A peine débarqués au Mâ-Kâch, un connard de mes relations qui s’y trouve me fait un galoup de première, dévoilant mon identité devant Sirella. C’est le déclic : elle me dit tout. « Bizarre, bizarre », me fais-je en aparté surchoix. Mais bon, voir et attendre, n’est-il pas ?

On cause du père Kohnar à table. Cet homme qui est mieux équipé que le F.B.I. capte notre converse et nous mande (Lozère) en sa royale suite. Qu’alors un commando intervient pour le buter. Mais le destin qui m’a placé sur sa route me permet de dévier les choses et c’est ma pauvre Sirella qui déguste.

On la conduit en clinique, l’opère. Je prie pour elle et préviens les autorités britiches. Le consul se déplace. Et, en fin de journée, le mari mort qui va survivre probablement à sa dulcinoche radine, grimé comme pour interpréter de l’Ibsen dans une troupe d’amateurs.

Je le filoche. Heureusement, Sirella, qui m’a pourtant tout dit, n’a pas cru opportun de me parler du détective privé qu’elle a engagé pour me protéger. Cet homme me sauve la mise en abattant un obstiné petit vieillard au moment où celui-ci me plombait.

Ai-je omis quelque chose d’important ? Si oui, ramasse-le avec ton mouchoir pour ne pas laisser tes empreintes dessus et dépose-le dans le tiroir du haut de mon slip (celui du bas est plein).

Donc, je le redis, mais avec toi, mon Zozo qui n’est multipliable que par zéro, il est opportun de ressasser, redonc, Sirella savait qu’on en voulait à ma prestigieuse existence. Re-redonc, son bonhomme n’avait pas coupé les ponts avec elle puisqu’il s’est précipité à son chevet. C’était en somme un homme zéro provisoire, non ? Et tout ça s’opère dans l’une des plus belles villes du monde, pleine de douceur, de soleil, de palmiers, de couleurs, d’Atlas pour cartes postales. Avec des serpents dressés, des mouches folles, des morpions (Béru-Achille) qui se disputent âprement le gouvernail de l’enquête, tant et si bien qu’ils risqueraient de faire sombrer le navire si je n’étais là.

Toujours marchant, poussant mon ombre sombre le long d’un mur ocre, je laisse du champ à ma perplexité. Tu connais, ces laisses extensibles à enrouleur. T’appuies sur un glatmutche nickelé et ton cador peut aller renifler des étrons à vingt mètres de toi. Tu presses un autre, et la laisse se rembobine, obligeant le bestiau à faire retour.

Ce qui me surprend, au fil du raisonnement, c’est le ceci que voilà : « Pourquoi cette affaire Alain Fernal “ressort-elle” après tant d’années ? Si vraiment notre fameux caillou a disparu dans l’aventure, est-il crédible qu’on ait l’espoir de le récupérer ? »

Quel pot de goudron !

J’ai envie d’acheter une forêt et d’aller m’y perdre.

A nouveau me voici devant la clinique. Mon cœur se serre à la pensée que Sirella est en train d’y gésir, pauvre sirène disloquée dont la vie ne tient plus qu’à des injections de produits chimiques.

Qu’est-ce que je voulais ? Ah ! oui : chercher si le vieux tueur était voituré et, au cas qu’oui, retrouver son véhicule.

Alors je longe la clinique jusqu’au carrefour et, à pas lents, rebrousse chemin, considérant les autos en stationnement. A cette heure du soir débutant, elles sont assez rares. A vrai dire, depuis le carrefour jusqu’au croisement suivant, il n’y en a que quatre, stoppées le long de la clinique. Je m’attarde sur leurs immatriculations, toutes les quatre comportent des plaques marocaines. L’une d’elles étant munie du caducée, je l’ébouse.

— T’as l’air perplexe ? déclare une voix mélécassissiste.

Je demi-tour gauche. Pour me planter devant un couple. Lui, gros, rouge, con, avec un attirail photographique sur le placard et une chemise jaune. Sa limouille et sa frite te restituent le drapeau espinguche. Il est flanqué d’une nénette du genre morille déshydratée comme je dis puis, rabougrise, flétrie, conçue pour vivre le malheur ou le porter aux autres.

— Ça va mieux, tes humeurs ? insiste le bœuf.

J’ai reconnu Eloi Dutalion, le gaffeur. Celui qui a tout déclenché, en fait.

Bon zig, il paraît ne pas me tenir rigueur de l’avoir chassé de ma chambre.

Je presse sa main d’ancien champion de tir. Elle tremblote. La maison Parkinson, en voiture ! Maintenant, il serait même pas fichu d’envoyer des fléchettes dans les miches de Béru, mon ex-moniteur.

— Je te demande pardon, pour mon coup de sang, lui dis-je, mais j’étais en mission ultra-délicate et tu m’as carbonisé le coup en révélant que j’étais flic.

— Ça ne m’étonne pas de lui, grince sa girouette rouillée. Il n’en rate jamais une !

La parfaite entente ! Bel attelage, les gars. La charrue étant la vie, et le bœuf le pauvre Dutalion. C’est Mrs. Madame qui manie l’aiguillon en branche de houx.