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« Regardez-moi ce satyre !… Ce sale voyou !… Cette raclure !… Voilà à quoi il passe son temps !… Je me doutais bien de sa sale musique ! J’ai bien fait de venir !… » Elle avait dû juste le tauper comme il rangeait nos cartes postales… les transparentes… dans l’album… celles que je vendais moi, le dimanche !… C’était souvent sa distraction après le déjeuner…

Il était pas au bout de ses peines ! Elle écoutait pas ses réponses ! « Pornographe ! Fausse membrane ! Pétroleux ! Lavette ! Égout ! »… Voilà comment qu’elle le traitait !…

Je suis monté, j’ai risqué un œil par-dessus la rampe !… À bout de mots elle s’est ruée sur lui… Il était retourné sur le sofa… Comme elle était lourde et brutale !

« Demande pardon ! Demande pardon, choléra ! Demande pardon à ta victime ! » Il se rebiffait quand même un peu… Elle l’attaquait par son plastron, mais c’était si dur comme matière, qu’elle se coupait là-dedans les deux paumes… Elle saignait… elle serrait quand même…

« T’aimes pas ça ? n’est-ce pas ? T’aimes pas ça ? qu’elle lui criait dans la bigorne… Ah ! T’aimes ça ! infernale baudruche ! Dis, fumier ! T’aimes ça, dis, me voir en colère ! » Elle était complètement sur lui ! Elle lui rebondissait sur le bide ! « Ouah ! Ouah ! Ouah ! qu’il suffoquait ! Tu m’étouffes grande garce ! Tu me crèves ! Tu m’étrangles !… » Et puis alors elle l’a relâché, elle saignait trop abondamment… elle est redescendue à toutes pompes… Elle a sauté au robinet… « Ferdinand ! Ferdinand ! pensez donc un peu, depuis huit jours, vous m’entendez ! Depuis huit jours que je l’attends ! Depuis huit jours, il n’est pas rentré une seule fois !… Il me ronge ! Je me dessèche !… Il s’en fout !… Il m’a écrit juste une carte : “ Le ballon est détérioré ! Vies sauves ! ” voilà ! C’est tout !… Je lui demande ce qu’il va faire ? Insiste pas qu’il me répond !… Fiasco complet !… Depuis ce moment plus un geste ! Monsieur ne revient plus du tout ! Où est-il ? Que fait-il !… Le crédit “ Benoiton ” me relance pour les échéances !… Mystère total !… Dix fois par jour, ils reviennent sonner… Le boulanger est à mes trousses !… Le gaz a fermé le compteur !… Demain, il vont m’enlever l’eau !… Monsieur est en bombe !… Moi je me rouille les sangs !… Ce sale raté !… Ce sale vicieux !… Ce dévoyé !… Cette infernale, ignoble engeance ! Ce sapajou !… Mais j’aimerais mieux, tenez, Ferdinand ! vivre avec un singe véritable !… Je le comprendrais lui à la fin !… Il me comprendrait ! Je saurais comme ça où j’en suis ! Tandis qu’avec ce détraqué depuis trente-cinq ans bientôt, je ne sais même pas ce qu’il va faire d’une minute à l’autre, dès que j’aurai le dos tourné ! Ivrogne ! Menteur ! Coureur ! Voleur ! Il a tout !… Et vous pouvez pas savoir comme je déteste ce salaud-là !… Où est-il ? C’est la question que je me pose cinquante fois par jour… Pendant que je tourne, que je m’échine là-bas toute seule ! que je me tue pour l’entretenir ! pour faire face aux échéances… épargner sur toutes les bougies… Monsieur, lui, disperse ! Il sème ! Il arrose n’importe quelle pelouse !… et puis toutes ses sales grognasses ! avec mon pognon ! avec ce que j’ai pu sauver ! en me refusant tout ! Où ça s’en va-t-il ? En dégradations absolues ! Je le sais bien quand même ! Il a beau se cacher !… À Vincennes !… Au Pari-Mutuel !… À Enghien, rue Blondel !… sur le Barbès n’importe quoi d’ailleurs… Il est pas bien difficile pourvu qu’il se déprave ! N’importe quel bouge ça lui va !… Tout lui est bon ! Monsieur se vautre ! Il dilapide !… Pendant ce temps-là… moi, je me crève !… pour faire l’économie d’un sou ! Pour une heure de femme de ménage !… C’est moi qui fais tout ! malgré l’état où vous me voyez !… Je me décarcasse ! Je lave par terre ! Entièrement ! malgré mes bouffées de chaleur ! et même quand j’ai mes rhumatismes !… Je tiens plus sur mes pieds, c’est bien simple !… Je me tue ! Et puis alors ? C’est pas tout ! Quand on nous aura saisis ?… Où ça irons-nous coucher ? Peux-tu me le dire ? Va-nu-pieds ! Dis, sale andouille ! Apache ! Bandit ! Elle l’interpellait d’en bas !… Dans un asile tiens bien sûr ! Tu connais encore les adresses ? Tu dois t’en souvenir mon lascar !… Il y allait avant de se marier !… Et sous les ponts ! Ferdinand !… C’est là que j’aurais bien dû le laisser… Parfaitement ! Empoisonneur de ma vie ! Avec sa vermine ! Sa gale ! Il méritait pas davantage !… Il le connaîtrait son plaisir ! Ah ! Je t’y ramènerai à Saint-Louis ! Monsieur veut suivre ses passions ! C’est un déchaîné, Ferdinand ! Et la pire espèce de sale voyou ! On peut le retenir par nulle part ! Ni dignité ! Ni raison ! Ni amour-propre ! Ni gentillesse !… Rien !… L’homme qui m’a bafouée, bernée, infecté toute mon existence !… Ah ! il est propre ! Il est mimi ! Ah ! oui alors, je peux le dire ! J’ai été cent mille fois bien trop bonne !… J’ai été poire, Ferdinand ! que c’est une vraie rigolade ! Ça a l’air d’une farce exprès !… À présent, vous m’entendez, il a cinquante-cinq ans et mèche ! Cinquante-six exactement ! au mois d’avril ! Et qu’est-ce qu’il fait ce vieux saltimbanque ?… Il nous ruine !… Il nous fout franchement sur la paille !… Et vas-y donc ! Monsieur ne résiste plus ! Il cède complètement à ses vices !… Monsieur se laisse emporter !… Il roule au ruisseau ! Et c’est moi encore qui le repêche ! Que je me débrouille ! que je m’esquinte !… Monsieur s’en fout absolument !… Monsieur refuse de se restreindre !… C’est moi qui le sors du pétrin !… C’est moi qui vais payer ses dettes ! C’est moi, n’est-ce pas, Arlequin ?… Son ballon, il l’abandonne ! Il a même plus deux sous de courage !… Voulez-vous savoir ce qu’il fait à la gare du Nord ? au lieu de rentrer directement ?… Vous, vous le savez peut-être aussi ? Où y s’en va perdre toutes ses forces ? Dans les cabinets, Ferdinand ! Oui ! Tout le monde l’a vu ! Tout le monde t’a reconnu, mon bonhomme !… On l’a vu comme il se masturbait… On l’a surpris dans la salle ! et dans les couloirs des Pas Perdus !… C’est là qu’il s’exhibe ! Ses organes !… Son sale attirail !… À toutes les petites filles ! Oui, parfaitement ! aux petits enfants ! Ah ! mais y a des plaintes ! Je parle pas en l’air ! Oui, mon saligaud !… Et y a longtemps qu’ils le surveillent !… En plein dans la gare, Ferdinand ! En plein parmi des gens qui nous connaissent tous !… On est venu me répéter ça !… Qu’est-ce qui me l’a dit ? Tu vas pas nier. Par exemple ! Tu vas pas dire que c’est un autre !… Il a du toupet, ce cochon-là !… Mais c’est le commissaire lui-même, mon ami !… Il est venu exprès hier au soir… pour raconter ta pourriture !… Il avait tout ton signalement et même ta photo !… Tu vois si t’es bien connu !… Ah ! c’est pas d’hier ! Il t’avait pris tous tes papiers ! Hein, que c’est pas vrai ?… Tu le savais quand même !… C’est bien pour ça ! dis fumier, que t’es pas revenu ?… Tu savais bien ce qui t’attendait ?… D’ailleurs, il t’avait bien prévenu !… Des enfants maintenant qu’il lui faut ! Des bébés !… c’est absolument effroyable !… Le jeu ! la boisson ! le mensonge !… Prodigue ! Malhonnête ! Les femmes ! Tous les vices ! Des mineures ! Tous les travers de sale voyou !… Tout ça, je le savais bien sûr ! J’en ai pourtant assez souffert !… J’ai bien payé pour connaître ! Mais à présent, des petites filles !… C’est même pas imaginable !… » Elle le regardait, le fixait de loin… Il restait sur les marches !… dans l’escalier tire-bouchon… Il était mieux derrière les barres… Il ne se rapprochait plus… Il me faisait des signes d’entente qu’il fallait pas l’énerver… que je reste absolument peinard… Que ça passerait… que je moufte plus !… En effet, tout de même, elle s’est calmée peu à peu…