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« M. le Curé, restez-là, je vous en prie ! une seconde… Une toute petite ! Le temps que je cherche le Directeur… Je vous le ramène à la minute… »

Je saute dans la cave… Je hurle après le vieux… Je l’entends qui ronfle ! Je pique droit sur sa guitoune… Je le secoue… Il pousse un cri ! Il croyait qu’ils venaient l’arrêter… Il chocotait fort dans son jus… Il tremblochait dans ses hardes…

« Allez ! que je lui dis… En l’air ! C’est pas le moment des pâmoisons ! »

Au soupirail, dans le filet de jour, je lui montre le flouze… C’est pas le moment de perdre la voix ! Merde !… En deux mots je l’affranchis… Il regarde encore mon pognon… Et une fois par transparence… Il vise les biffetons un par un… Il se reconstitue rapidement ! Il s’ébroue, il renifle les fafiots… Je le nettoye ! Je lui enlève la paille partout… Il se requinque vite les moustagaches… Le voilà paré ! Il remonte au jour… Il se présente dans une brillante forme… Déjà il avait son topo tout prêt dans l’esprit… tout baveux… complètement sonore !… Il nous éblouissait d’emblée sur la question des plongeurs ! L’historique de tous les systèmes depuis Louis XIII jusqu’à nos jours ! Les dates, les endroits, les prénoms de ces précurseurs et martyrs !… Et les sources bibliographiques… et les Recherches aux Arts et Métiers !… C’était proprement féerique… Le cureton il en rotait ! Il rebondissait sur son siège de joie et de délectation… C’était très exactement tout ce qu’il avait espéré !… Alors comme ça, bien ravi, en plus de son offre précédente… On lui demandait rien !… Il nous assure de deux cents sacs ! rubis sur l’ongle ! pour tous les frais du concours ! Il voulait pas qu’on lésine sur les études préliminaires !… Sur l’établissement des devis !… Pas de chicane, pas de ratiboise !… Nous avons tout accepté… paraphé… conclu !… Alors tout à fait copains il a sorti de sa soutane une carte sous-marine immense… Pour qu’on se rende bien compte tout de suite de l’endroit de tous les trésors !… Où qu’elles étaient englouties toutes ces richesses phénoménales !… depuis vingt siècles et davantage…

On a bouclé la cambuse… On a étalé le parchemin entre nos deux chaises et la table… C’était une œuvre mirifique cette « Carte aux Trésors »… Ça donnait vraiment du vertige… rien qu’en jetant dessus un coup d’œil… Surtout si l’on considère le moment où il survenait ce drôle de Jésus !… après des temps si difficiles ! Il nous bluffait pas le cureton !… C’était bien exact sur sa carte tous les flouzes planqués dans la flotte… C’était pas niable ! Et près des côtes… avec les relevés « longitudes »… On pouvait bien se figurer que si on la trouvait la cloche pour descendre rien qu’à 600 mètres, ça deviendrait du vrai nougat ! On était tranquille comme Baptiste… Nous possédions à la cuiller tous les trésors de l’Armada !… Y avait qu’à se baisser pour les prendre… C’était tout à fait le cas de le dire… Rien qu’à trois milles marins de Lisbonne à travers l’embouchure du Tage… gîtait une planque colossale !… Et là, c’était vraiment commode, une entreprise pour débutants !… Si on se payait un peu d’audace, qu’on force un peu la technique… Alors ça prenait d’autres tournures !… On pouvait prétendre raide comme balle remonter tout à la surface le trésor du « Saar Ozimput » englouti dans le Golfe Persique deux mille ans avant Jésus-Christ… Plusieurs coulées de gemmes uniques ! Des parures ! Des émeraudes d’une magnificence incroyable !… un petit milliard au bas mot… Le lieu précis de ce naufrage, le curé l’avait sur sa carte pointé très exactement… Cent fois, d’autre part, maints sondages, pratiqués au cours des siècles, avaient relevé la position… Pas d’erreur possible !… Ça n’était plus, tous frais à part, qu’un petit problème de chalumeaux… de « fraises oxhydriques »… Une mise au point… Quand même un petit aléa pour pomper les trésors du « Saar »… Nous réfléchîmes tout un jour… Et d’autres minimes « inconnues » dans la législation persane nous firent un instant tiquer… Et puis nous tenions d’autres blots, ceux-là entièrement sous la main, sucrés, parfaitement accessibles… dans des mers les plus clémentes !… absolument libres de requins ! Il fallait penser aux plongeurs ! Fuyons ! Fuyons les tragédies…

Tous les fonds du globe, en somme, regorgeaient de coffres inviolés, de galiotes farcies de diamants… Peu de détroits, peu de criques, de golfes, de rades ou d’embouchures qui ne recelassent sur la carte quelque pharamineux butin !… très facilement renflouable à partir de quelques cents mètres !… Tous les trésors de Golconde ! Galères ! Frégates ! Caravelles ! Bisquines ! pleines à craquer de rubis et Koh-I-Nors ! de doublons « triples effigies »… Les côtes spécialement du Mexique paraissaient à ce propos positivement indécentes !… Les conquistadores les avaient semble-t-il pour notre gouverne littéralement remblayées, perdues avec leurs lingots et les pierres précieuses… Si on insistait réellement et à partir de 1200 mètres… les diamants devenaient pour rien !… Par exemple au large des Açores, pour ne citer que ce cas-là… un vapeur du siècle dernier, le Black Stranger, un cargo mixte, un courrier du Transvaal en contenait pour plus d’un milliard… lui tout seul (d’après les plus prudents experts…). Il gîtait sur un fond de roches à 1 382 mètres et en « porte-à-faux » !… Déjà crevé par le mitan… Y avait plus qu’à fouiller les tôles !…

Notre curé en connaissait d’autres, un choix stupéfiant… Toutes les épaves récupérables… et toutes faciles à vider… Plusieurs centaines à vrai dire… Il en avait criblé sa carte de trous pour les prospections… Ça figurait les endroits des sauvetages les plus urgents… au dixième de millimètre… Ils étaient en noir, vert ou rouge suivant l’importance du trésor… Avec des petites croix…

C’était plus que des questions de technique ! d’astuce ! d’à-propos !… À nous de démontrer nos talents !… Ça n’a pas traîné, Ventredieu !… Des Pereires, comme ça, dans la fièvre, pour pas laisser rien refroidir… saisissant sa plume, une rame, la règle, la gomme, le buvard, il a rédigé devant nous, s’accompagnant à haute voix, une véritable proclamation !… C’était vibrant !… C’était sincère !… Et puis en même temps minutieux et probe !… Voilà comment qu’il travaillait !… Il a situé tout le problème au poil !… en moins de cinq minutes ! dans l’inspiration ! C’était un boulot de première !… « Faut pas remettre les choses au lendemain !… Il faut que cet article sorte tout de suite… ça fera un numéro spécial !… » Voilà comment il ordonnait… Le curé il était heureux ! Il jubilait… Il pouvait plus causer du tout…