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Les flics dégagent les curieux aux abords de la catastrophe !… Les mutins, moi je les connais tous !… Je pourrais à présent les donner ! Ça serait bien facile… Je sais, moi, qui qu’est le plus perfide ! le plus vicelard dans la bande ! le plus ardent… le plus fumier ! J’en connais, moi, qui feraient dix berges ! Oui ! Mais je suis pas gras pour les vengeances ! Ça rendrait seulement les choses encore un petit peu plus tartes !… et puis voilà tout… Je veux parer au plus nécessaire !… Je me lance dans la cohue… Je me rapproche des groupes… Je me fais reconnaître par les bourres… « Vous avez vu le patron ? Courtial des Pereires ? » que je demande à tous les échos !…

Personne l’avait vu ! Moi je l’avais quitté à midi !… Un coup je repère le commissaire… C’était celui des Bons-Enfants… Le même exact petit pourri qui nous avait tant tracassés !… Je m’approche… Je lui signale la disparition… Il m’écoute… Il est sceptique… « Vous croyez ? » qu’il me fait… Il est incrédule… « Mais j’en suis certain ! »… Alors il descend avec moi par les côtés de la crevasse… On va fouiller tous les deux… Je crie !… J’appelle !… « Courtial ! Courtial !… Debout ! debout ! » Nous hurlons ensemble avec les agents… Une fois ! deux fois ! dix fois !… Je repasse au bord de tous les trous !… Je me penche encore sur les abîmes !… « Il est sûrement au bordel ! » qu’il me remarque l’autre, le triste aspic !… On allait abandonner… quand subitement j’entends une voix !

« Ferdinand ! Ferdinand ! T’as pas une échelle ?… »

C’est lui, c’est lui ! Y a pas d’erreur ! Il émerge d’un profond glacis… Il se dépêtre à grands efforts !… Il a la gueule en farine… On lui lance une forte corde… Il s’agrippe… On le hisse ! Il est sorti du cratère !… Il est indemne !… Il nous rassure !… Il a seulement été coincé, surpris, enserré, absolument fermé à bloc entre la cloche et la muraille !… Mais son galure, il le retrouve plus !… Ça l’agace d’abord… Il tempête… Sa redingote a souffert !… Il insiste pas… Il refuse n’importe quel secours… Il refuse d’aller au potard… C’est lui maintenant qui toise les cognes… « J’irai déposer, Messieurs », qu’il leur dit comme ça… Sans demander son reste, il enjambe la balustrade et les poutrelles et les décombres… Nous voilà dehors… « Place !… Place !… » Il écarte la foule !… Sa redingote n’a plus de basques… Il est complètement défroqué… Il est poudreux, il fait pierrot, il perd sa bourre en cavalant… Il se dépêche encore davantage… Il m’entraîne vers la sortie du côté du Louvre… Il me cramponne par la manche. Il a une sacrée tremblote… Il crâne plus du tout…

« Allez ! Allez ! Vinaigre, Ferdinand ! Regarde un peu toi par-derrière ! Personne n’a suivi ?… T’es sûr ? Bagotte, mon fiston !… Jamais on reviendra par ici ! Jamais dans cette turne… C’est un piège infâme ! Ça je peux t’assurer ! La cabale est évidente !… J’écrirai au Propriétaire ! »

Comme ça une fois notre bureau réduit en petites miettes j’avais plus d’endroit pour coucher… Alors on a décidé d’un commun accord, que je rentrerais à Montretout !… On est repassé par les « Émeutes »… Il pouvait pas prendre le « dur » avec sa redingote en bribes !… Le patron, par gentillesse, lui a prêté un vieux costard. On a discuté un peu avec deux énergumènes… Il avait des trous, Courtial, plein son pantalon… Il a fallu qu’on le recouse… Tout le monde avait vu les bagarres, entendu les cris, l’énorme barouf… tout le monde était passionné !… Même le Naguère, il prenait part… il voulait faire quelque chose, organiser une collecte… J’ai dit qu’on avait pas besoin !… Ça m’aurait fait mal d’accepter !… Que nous avions encore des sous ! Il s’était assez beurré à la santé de notre vieux fias !… Il pouvait se montrer généreux !… Du coup il a réglé les verres, encore une tournée et puis même une autre.

Il faisait plutôt déjà chaud… C’était au mois de juin, à la fin… Avec toute cette terrible poussière, on a fini en discutant, comme ça la gorge bien croustillante, par vider au moins dix, douze litres !… On est repartis en zigzag… Il était tout à fait tard !… Encore bien émus !… À la gare du Nord, on a eu le dernier train de justesse !…

À Montretout, fort heureusement, il faisait une nuit pleine d’étoiles !… et même un petit clair de lune ! On pouvait presque voir le chemin… Cependant, pour pas se foutre dedans, parmi les sentiers de Montretout, surtout à partir des hauteurs, il fallait faire joliment gaffe !… Il était pas encore question ni de réverbères ni de pancartes !… C’était à l’estime, au tact, à l’instinct qu’on se dirigeait… Qu’on se repérait dans les bicoques… Ça pouvait très mal terminer… Y avait toujours au moins comme ça, à la suite de bévues tragiques, presque quatre ou cinq meurtres par an !… Des égarés… des présomptueux, qui se trompaient dans les pavillons !… qui s’aventuraient dans les grilles !… qui sonnaient juste où fallait pas !… Ils se faisaient les pauvres insolites étendre raides d’un grand coup de salve… Au revolver d’ordonnance… à la carabine Lebel… et puis achever en moins de deux par la meute du lotissement… Un ramassis impitoyable des pires carnassiers fous féroces, recrutés rien qu’en clebs bâtards… horriblement agressifs, spécialement dressés dans ce but… Ils se ruaient à l’étripade… Il restait rien du malheureux… Faut dire aussi, pour s’expliquer, que c’était juste au moment des exploits de la bande à Bonnot, qu’ils terrorisaient depuis six mois la région Nord-Ouest, et qu’ils tenaient encore le large !…