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On raconte une histoire à propos de l’époque où ils ont construit ces maisons. Ils les ont bâties le long d’Heol y Gwern, et ils ont commencé à construire des petites ruelles qui s’en écartaient, dans le marais, avec d’autres maisons, parce qu’ils voulaient créer un lotissement. Le problème, c’est que le marais ne voulait pas des maisons. La véritable histoire, que je tiens de Grampar qui se souvient de l’époque où ça s’est passé, c’est qu’ils avaient fini de construire les fondations d’une maison le jeudi saint. Ils ont arrêté le chantier pour le week-end et, quand ils étaient revenus le lendemain du lundi de Pâques, elles s’étaient complètement enfoncées dans le sol. Mais l’histoire que j’avais entendue, c’était qu’ils avaient construit toute la maison et que, quand ils étaient revenus après le week-end, il ne restait que la cheminée qui dépassait du marais. Ah, ah ! Après ça, ils ont arrêté de bâtir ici et ont construit plutôt leur nouveau lotissement à Penywaun et j’en suis bien contente. J’aime le marais tel qu’il est, avec ses petits arbres rabougris, ses hautes herbes et ses joncs, ses brusques explosions de fleurs, les foulques sur les eaux calmes et les vanneaux qui volent lentement pour vous éloigner de leurs nids.

Ce que je voulais aujourd’hui, c’était trouver une fée, et il y en a souvent sur le Croggin. Je n’en ai pas vu trace d’une, et même quand je suis sortie du marais près de la rivière et de l’Ithilien, je n’en ai trouvé aucune. J’ai regardé à Osgiliath et dans les autres ruines de la combe sur le chemin me ramenant en ville, par le grand tour et la « dramroad ». Il y a là un vieux haut-fourneau et quelques bâtiments écroulés, d’anciennes habitations, sans doute. Il est si difficile de les imaginer grouillant de vie et d’activité. J’ai aperçu de temps à autre des fées du coin de l’œil, mais aucune n’a voulu s’arrêter ou me parler. Je me rappelai comme Glorfindel était resté introuvable après Halloween. Il y a eu d’autres époques comme ça, des moments où nous ne pouvions pas les trouver, des moments où elles n’en avaient pas envie. Elles nous trouvaient toujours. J’ai essayé de l’appeler, mais je savais que c’était inutile. Elles n’utilisent pas de noms comme nous le faisons. Je voudrais que ça marche comme sur Terremer où les noms ont un pouvoir d’appel, mais il n’en est rien, les noms ne comptent pas, seules les choses importent. Je sais, je crois, comment l’appeler par la magie, mais ça ne serait pas de la magie pour éloigner le mal, je ne l’envisageai donc pas plus d’une seconde.

J’ai essayé de m’asseoir, bien qu’il fasse très froid, et d’attendre que la douleur de ma jambe se calme, au cas où ce soit ça qui le tienne à l’écart. Mais cela ne faisait pas très mal aujourd’hui. Ce ne devait pas être ça. C’était trop inconfortable pour que je reste assise longtemps, et il y avait un peu de pluie dans le vent. Traverser la ville a été un cauchemar, toutes ces boutiques, autrefois en activité, fermées par des planches, de plus en plus nombreuses. Le Rex va fermer, on ne pourra plus voir un film à Aberdare. Il y a partout des pancartes « À vendre » en lambeaux. Les rues sont jonchées d’ordures et même l’arbre de Noël devant la bibliothèque a l’air délaissé. J’ai pris le bus de Cardiff à temps pour rentrer dîner avec tante Teg.

Je ne sais pas ce que je vais faire si je ne peux pas trouver les fées. J’ai vraiment besoin de leur parler.

Mardi 1er janvier 1980

Bonne année.

C’était agréable de me réveiller ce matin, toute seule, dans la maison de Grampar.

Tante Teg est partie quelque part avec son amoureux pour le Nouvel An, comme elle le fait presque toujours. J’aurais pu y aller aussi, elle me l’a proposé, mais je n’ai pas voulu. Je n’aurais fait que les gêner. Hier matin, nous sommes allées voir Grampar, puis elle est partie et tante Flossie est passée me prendre. Je voulais aller trouver les fées, mais au lieu de ça je me suis retrouvée à interpréter « Three French Hens » à la réception du Nouvel An de tante Flossie. Les applaudissements étaient un peu forcés et je mourais d’envie d’aller au lit bien avant minuit, mais j’ai connu de plus mauvaises journées. J’ai reçu encore 4,5 livres en petite monnaie et six pièces en chocolat. Et j’ai eu un demi-verre de champagne à minuit. Il était meilleur que celui de Daniel, à moins que je m’habitue.

Je vais me lever et préparer le petit déjeuner, puis j’essaierai encore une fois de trouver des fées. C’est une nouvelle année, j’aurai peut-être plus de chance.

Mercredi 2 janvier 1980

Hier matin, je voulais vraiment trouver des fées. Pour changer, je suis montée par le terrain communal d’Ake. En réalité, c’est Heck’s Common, du nom d’un Mr. Heck, mais tout le monde dit Common Ake. C’est un terrain communal, il n’appartient à personne, comme la majorité du pays avant le mouvement des enclosures, au XVIIIe siècle. Il est difficile d’imaginer Aberdare comme une vallée agricole avec seulement l’église Saint-Jean et la grand-route de Brecon à Cardiff, et tout le charbon et le fer intacts sous terre. J’avais appris un poème moderne en gallois, pour un concours de poésie, qui se terminait par Totalitariaeth glo, le « despotisme du charbon ». J’ai ramassé en chemin un petit morceau de charbon. On trouvait souvent des fossiles dedans, quand on l’extrayait, des vieilles feuilles et des fleurs. C’est une boue organique compressée sous terre en veines de carbone que l’on fait brûler. Si ç’avait été compressé plus fort, ç’aurait donné des diamants. Je me demande si les diamants brûlent, et si nous nous chaufferions avec s’ils étaient aussi communs que le charbon. Pour les fées, ce serait la même chose, des plantes changées en roc par le temps. Je me demande si les fées se souviennent du jurassique, si elles marchaient parmi les dinosaures et ce qu’elles étaient alors. Aucune n’aurait eu une forme humaine. Elles n’auraient pas parlé gallois. J’ai frotté le charbon entre mes doigts et il s’est un peu effrité. Je sais ce qu’est le charbon, mais je ne sais pas ce que sont les fées.

Il y a un endroit du terrain communal d’Ake que nous appelions le Val enchanté. C’était un de nos plus vieux noms, plus vieux que ceux tirés du Seigneur des Anneaux, et à l’écrire aujourd’hui je me sens à la fois légèrement embarrassée et farouchement protectrice. C’est un endroit qui servait de carrière ou de mine à ciel ouvert, le sol tombe à pic de trois côtés, formant un petit amphithéâtre. Des arbres poussent sur les pentes abruptes, et des ronces. Je pense que nous y sommes allés pour la première fois quand nous étions toutes petites ramasser des mûres avec Grampar, je me rappelle en avoir mangé plus que je n’en mettais dans le panier, mais ça, c’était pareil presque tous les ans. Nous nous sommes senties très audacieuses quand nous y sommes retournées toutes seules pour la première fois.