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Quelqu’un de chez vous est venu donner une conférence ici il y a deux ans. Un grand type chauve. Je ne me rappelle pas son nom, mais je sais qu’il a eu le prix Nobel.

Burian Klimus s’était adressé à ce groupe, et…

Bordel de merde ! Putain de bordel de Dieu !

Avi Meyer n’en avait pas encore la preuve, et il ne l’aurait peut-être jamais, un demi-siècle après les événements, mais Klimus était sans doute un ancien nazi.

Ce qui signifiait qu’il était peut-être en cheville avec le mouvement néonazi local…

Les néonazis étaient très probablement responsables de la tentative de meurtre sur sa personne, de l’assassinat par balle de Bryan Proctor et aussi, étant donné la similitude de l’arme employée, du meurtre de Joan Dawson.

Klimus avait fait une conférence devant le groupe d’entraide de la maladie de Huntington. Il avait très bien pu rencontrer à cette occasion les trois personnes assassinées qui en faisaient partie.

Il travaillait avec Joan. Il avait dû s’apercevoir de son début de cataracte.

Et il savait que Pierre avait une maladie génétique. Il le lui avait dit lui-même pour lui expliquer qu’il ne voulait pas donner son sperme.

Eugénisme volontaire. Je suis d’accord, avait-il dit à Pierre.

Klimus essayait-il d’améliorer le patrimoine génétique de la race en éliminant les gens atteints de Huntington, et peut-être au passage un diabétique ou deux ?

Non, tout ça n’avait aucun sens.

Joan Dawson était ménopausée depuis longtemps quand elle avait été assassinée. Elle avait eu une fille, mais elle n’était plus en mesure d’apporter sa contribution au patrimoine génétique.

Et Klimus savait que Pierre se refusait à engendrer.

Si ce n’était pas de l’eugénisme, c’était quoi, alors ?

Une image lui revint à l’esprit, tirée du passé, début des années quatre-vingt. Un dessin en première page du journal Le Devoir.

Douze bébés morts.

Ce n’était pas de l’eugénisme.

C’était un acte de miséricorde, tout au moins dans la tête de celui qui avait fait ça.

Après tout, la même pensée était venue mille fois à l’esprit de Pierre, involontaire, injuste et répugnante, mais néanmoins présente. Tous ces malades atteints de la chorée de Huntington auraient été mieux morts que vivants. Et on pouvait dire la même chose d’une femme qui vivait seule et allait bientôt perdre la vue.

Pierre demeura éveillé et tremblant tout le reste de la nuit.

29

Il prit l’ascenseur jusqu’au troisième niveau du quartier général de la police de San Francisco et s’avança dans le couloir menant au labo de médecine légale. Il frappa à la porte puis entra.

— Bonjour, Helen.

Helen Kawabata leva les yeux vers lui de derrière son bureau. Elle portait aujourd’hui un tailleur tilleul, des bagues vert jade et des clous d’oreille vert émeraude. Elle avait aussi changé de coiffure depuis la dernière fois. Ses cheveux étaient toujours blond platine, mais n’étaient plus coupés à la Jeanne d’Arc. Ils étaient encore plus courts, genre punk.

— Tiens, salut, Pierre, dit-elle. Ça fait un bail. Encore merci de m’avoir fait visiter votre labo. J’ai beaucoup apprécié.

— Je vous en prie.

De temps en temps, quand on lui disait merci, il essayait de répondre par un « uh-huh » à la californienne, mais ça sortait difficilement. Il sourit néanmoins, l’air un peu gêné.

— Je vais encore vous demander une faveur, dit-il.

Le sourire de Helen s’effaça juste assez pour lui signifier qu’à présent elle les estimait quittes. Il l’avait déjà payée d’un déjeuner et d’une visite du LBNL. Elle ne semblait pas disposée à recommencer.

— J’ai assisté, il y a plusieurs mois, ici à San Francisco, à une réunion d’un groupe d’entraide de malades atteints de la chorée de Huntington, commença-t-il. Ils m’ont dit que trois de leurs membres étaient décédés au cours de ces deux dernières années.

— C’est une maladie mortelle, lui fit remarquer Helen avec un léger sourire.

— Ils n’ont pas succombé à la maladie. Ils ont été assassinés.

— Oh !

— Vous pensez que la police a mené une enquête ?

— Trois personnes appartenant au même groupe assassinées en deux ans ? Normalement, oui.

— Et moi, je suis le quatrième.

— Parce que vous étiez à la réunion ? Qu’y faisiez-vous ? Une causerie sur la génétique ?

— J’ai la maladie, Helen.

— Oh ! dit-elle en détournant les yeux. Pardonnez-moi. Je ne…

— Vous n’avez pas remarqué le tremblement de mes mains, quand je vous ai fait visiter mon labo ?

Elle hocha la tête.

— Je me suis dit que vous aviez trop bu à midi… Excusez-moi. Je suis vraiment navrée.

Il hocha la tête.

— Moi aussi.

— Vous croyez que quelqu’un en veut à ceux qui sont atteints de la chorée ?

— Ça pourrait être ça, ou bien…

— Ou bien quoi ?

— Ça paraît complètement fou, je sais, mais il est possible que cette personne, si elle existe, soit persuadée de faire une faveur à ses victimes.

Elle fronça les sourcils.

— Il y a eu une affaire de ce genre qui a fait couler beaucoup d’encre, reprit-il. C’était à Toronto, au début des années quatre-vingt. Vous avez entendu parler de l’Hôpital des enfants malades ?

— Bien sûr.

— En 1980 et 1981, une douzaine de bébés ont été assassinés dans le service de cardiologie de l’hôpital. On leur avait fait absorber de la digoxine. Une infirmière nommée Susan Nelles a été accusée, mais le tribunal l’a acquittée. L’affaire n’a jamais été élucidée. La théorie la plus en faveur était que quelqu’un, à l’hôpital, pratiquait l’euthanasie sur ces bébés qui avaient tous des malformations cardiaques congénitales et qui étaient condamnés à mener une vie de souffrances et à mourir généralement très jeunes.

— Et vous pensez que c’est ce qui se passe dans le cas du groupe de Huntington ?

— Disons que c’est une possibilité.

— Mais ce type qui a tenté de vous tuer… Comment s’appelait-il, déjà ?

— Hanratty. Chuck Hanratty.

— Oui. N’était-il pas un néonazi ? Ces gens-là, en principe, ne sont pas poussés par des sentiments humanitaires, si toutefois on peut qualifier ainsi de tels actes.

— Peut-être pas, mais il agissait sur ordre de quelqu’un d’autre.

— Je ne me souviens pas d’avoir lu ça dans le rapport.

— Je… C’est une spéculation de ma part.

— Un acte d’euthanasie, fit Helen, comme si elle soupesait le mot dans sa tête. C’est un angle intéressant.

— Et je ne crois pas que seuls les gens atteints de la chorée de Huntington soient visés. Joan Dawson, la secrétaire du Centre du Génome humain, a été également assassinée. D’après la police, l’arme du crime ressemblait beaucoup à celle qui a été utilisée contre moi. Elle n’était plus très jeune, et diabétique, sur le point de perdre la vue.

— Vous pensez donc que votre ange de miséricorde élimine tous ceux qui souffrent d’une maladie génétique ?

— C’est possible.

— Mais comment l’assassin serait-il au courant ? Qui pouvait savoir la vérité à la fois sur vous et sur… Comment s’appelait-elle ? Sur Joan ?

— Quelqu’un qui travaille avec nous et qui a fait un jour un discours devant le groupe d’entraide des malades atteints de Huntington.