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Non, se dit-il. C’est Amanda. C’est ma petite fille.

Il la souleva du sol. Elle lui mit les bras autour du cou en se tortillant de plaisir. Pierre la tint d’un bras et lui ébouriffa les cheveux de l’autre.

— Comment va ma petite chérie ? demanda-t-il. Comment va la petite fille à son papa ?

Elle lui sourit. Il aurait voulu la porter jusqu’au canapé du living, mais c’était risqué. Il préféra la poser par terre. Puis il lui prit la main et ils firent ensemble le long chemin. Il s’assit, et elle grimpa sur ses genoux.

Molly vint s’installer sur le fauteuil face au canapé.

— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda-t-elle.

— Je ne sais pas… je ne sais pas s’il y a lieu de faire quelque chose.

Les yeux de Molly s’agrandirent.

— Après ce que ce salopard a… ?

— Je sais, je sais, l’interrompit Pierre en levant la main. Tu crois que je n’ai pas la même réaction que toi ? Bon Dieu ! C’est comme s’il t’avait violée. J’ai envie de lui tordre le cou, de le tuer de mes propres mains. Mais…

— Mais quoi ?

— Mais il y a Amanda.

Il caressa la tête de sa fille, lissant les cheveux qu’il avait ébouriffés un instant plus tôt.

— Si nous nous en prenons à Klimus, la vérité sur elle sera rendue publique.

Molly médita ce qu’il venait de dire.

— Nous devons le chasser de notre vie. Je ne veux plus qu’il vienne ici, son maudit carnet à la main, pour prendre des notes sur elle. Quand il saura que nous avons découvert la vérité, je pense qu’il n’osera plus le faire. Il a eu un comportement inadmissible du point de vue éthique.

— Tout à fait.

— Il risque de tout perdre si cela se sait. Sa situation au LBNL, son autorité de consultant, tout, quoi.

— Et si la vérité sur Amanda était rendue publique, que se passerait-il ? demanda Pierre.

— Je ne sais pas. On ne pourrait pas s’en aller ? Partir au Canada, changer de nom ? Tu pourrais retourner dans ton pays, n’est-ce pas ?

Il hocha la tête.

— Je sais que tu préférerais rester ici, mais…

— C’est sans importance, dit-il. Je ferais n’importe quoi pour ma petite fille. N’importe quoi.

Il serra Amanda contre lui, et elle roucoula de plaisir.

— Professeur Klimus, dit Pierre d’une voix sèche.

Il s’était promis de garder son calme, mais la seule vue du vieillard le faisait sortir de ses gonds.

Klimus leva les yeux. Il regarda tour à tour Pierre et Molly. Puis il inclina la tête en arrière en tournant la page de la revue étalée sur son bureau.

— Je suis très occupé. Si vous voulez me voir, il faut d’abord prendre rendez-vous avec ma secrétaire.

Molly referma la porte du bureau.

— Comment avez-vous osé ? demanda Pierre, les dents serrées.

Klimus tendit la main vers son téléphone.

— J’appelle la sécurité.

Pierre s’élança, lui arracha le combiné et le reposa sur sa fourche.

— Vous n’appellerez personne, dit-il d’une voix tremblante de rage. Je vous ai demandé comment vous avez pu oser.

— Oser quoi ? demanda Klimus, feignant à présent l’innocence.

Il se frotta le poignet droit, comme si Pierre lui avait fait mal en lui prenant le téléphone.

— Ne jouez pas à ça avec moi. J’ai eu entre les mains l’ADN de Hapless Hannah. C’est le même que celui d’Amanda.

Klimus se pencha en avant.

— Oui, c’est vrai. Mais… dites-moi, qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille ?

— Qu’est-ce que ça peut bien vous foutre, bordel ?

— C’est justement ça qui m’intéresse. Qu’est-ce qui vous a appris que le spécimen n’est pas de l’espèce Homo sapiens ?

— Spécimen vous-même ! s’écria Molly, vibrante de colère. Je vous interdis d’appeler ma fille comme ça !

— Comment vous êtes-vous aperçus que ce n’était pas votre fille ? demanda Klimus.

— Bon Dieu de merde ! tonna Pierre.

Incapable de se contrôler davantage, il se lança dans un chapelet d’imprécations en français.

— Bordel de tonnerre de Dieu ! C’est vous qui nous posez des questions, maintenant ? Je devrais vous casser en deux, espèce de vieux chimpanzé de merde !

Klimus haussa ses larges épaules.

— Poser des questions, c’est le propre d’un scientifique.

— Scientifique ? ironisa Pierre. Vous n’êtes pas un scientifique, vous êtes un monstre.

Klimus se leva de son siège.

— Sale morveux, je suis Burian Klimus.

Il avait prononcé son propre nom comme s’il disait une prière.

— Ne me parlez pas sur ce ton. Je n’ai qu’un mot à dire, et vous ne pourrez plus jamais travailler dans aucun laboratoire à travers le monde.

Rouge de colère, respirant par saccades, Molly se pencha sur lui pour murmurer :

— Dire que nous vous avons fait naïvement confiance…

— Vous vouliez un bébé, vous l’avez. Et vous avez économisé les frais de fécondation artificielle.

Les poings de Pierre ne cessaient de se crisper et de s’ouvrir.

— Salaud ! Vous n’avez même pas de remords pour ce que vous avez fait !

— Ce que j’ai accompli, c’est une réussite magnifique ! Il n’y a pas eu de jeune spécimen vivant comme celui-ci depuis l’âge de la pierre.

— Cessez de l’appeler spécimen, bon Dieu ! fit Molly. C’est ma fille !

— Vous pouvez répéter ? lui demanda Klimus.

— Arrêtez de faire ça ! Je vous avertis, je vous interdis de parler ainsi ! s’énerva Pierre. Nous aimons Amanda, et ça n’a rien à voir avec le reste.

— Ça a tout à voir, au contraire. Et c’est la raison pour laquelle vous allez vous rasseoir, docteur Tardivel, et vous taire.

— Je n’ai pas l’intention de me taire, fumier ! Je vais aller trouver le directeur du LBNL et la police.

— Vous ne ferez ni l’un ni l’autre. Vous seriez obligé de tout leur expliquer. Et vous révéleriez la nature de l’enfant. (Il se tourna vers Molly.) C’est vraiment ce que vous désirez, Mrs Bond ? Que votre « fille » soit sous les projecteurs de l’actualité ?

— Vous croyez que vous avez là un atout ? demanda Pierre. Eh bien, vous vous trompez. Nous sommes prêts à dire la vérité à n’importe qui, pourvu que vous alliez sous les verrous.

— Nous veillerons à ce que vous finissiez vos jours en prison, renchérit Molly. Ensuite, nous partirons au Canada et nous changerons de nom. Je suis sûre que vous avez de l’expérience dans ce domaine.

Klimus ne cilla pas.

— Je vous déconseille de faire une chose pareille. Si vous avez à cœur l’intérêt du jeune spécimen…

— J’en ai assez de vos conneries ! éclata Pierre.

Il saisit le téléphone et tapa sur le clavier le numéro intérieur du directeur du LBNL.

— Comme vous voudrez, articula Klimus avec un haussement d’épaules. J’aurais cru que vous auriez voulu éviter une bataille judiciaire pour la garde de l’enfant.

— La garde de… (Les yeux de Molly s’agrandirent.) Vous ne pouvez pas faire ça !

— Cette enfant est un clone, docteur Bond. Vous avez peut-être conduit l’œuf à terme, mais vous n’êtes pas sa mère biologique. Elle n’est apparentée par le sang à aucun de vous deux.

— Allô ? fit une voix d’homme à l’autre bout du fil.

— À vous de voir, Tardivel, lui dit Klimus. Je suis prêt à me battre de toutes mes forces.

Pierre lui lança un regard furibond, mais replaça le combiné sur son support.