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Il se gara, une fois de plus, devant l’immeuble à la façade délabrée et appuya sur le bouton marqué gardien.

— Oui ?

— Mrs Proctor ? C’est Pierre Tardivel.

Un silence qui dura quelques secondes. Puis le mécanisme d’ouverture de la porte se fit entendre. Mrs Proctor l’attendait sur le seuil du 101, les mains sur les hanches.

— Vous avez pris le rasoir de mon mari, dit-elle sans préambule.

Il se sentit rougir.

— Excusez-moi, ce n’était pas dans une mauvaise intention. (Il sortit de sa poche un petit sachet en plastique dans lequel était enveloppé le rasoir.) Je suis généticien… Je voulais un échantillon de son ADN.

— Pour quoi faire, bon Dieu ?

— Je pensais qu’il avait peut-être une maladie génétique dont vous n’auriez pas eu connaissance.

— Et alors ?

— Il n’avait rien. Tout au moins d’après les tests limités que nous avons effectués.

— Je vous l’avais dit. Où voulez-vous en venir exactement, Mr Tardivel ?

Il aurait voulu être à un million de kilomètres de là.

— Désolé, dit-il. Toute cette histoire est complètement dingue. Je me sens ridicule.

Elle le regardait sans ciller, menton en avant.

— Je cherche à savoir ce qui s’est passé, dit-il. J’étais sûr qu’il y avait un lien entre la mort de votre mari et la tentative d’assassinat dont j’ai été l’objet. Comme j’ai une maladie génétique, j’ai pensé qu’il pouvait en avoir une aussi.

— Mais vous n’avez rien trouvé.

— Non, il était en parfaite santé.

Elle le regarda avec une expression de surprise.

— Je n’irais pas jusqu’à dire cela. Il était sur une liste d’attente pour une transplantation rénale.

Le cœur de Pierre fit un bond.

— Hein ?

— Il avait une insuffisance rénale.

— Mais je vous ai demandé plusieurs fois s’il n’avait pas de maladie héréditaire ! protesta Pierre, furieux.

— Ce n’était pas héréditaire. Ses reins ont été amochés dans un accident d’automobile il y a une dizaine d’années, et cela n’a fait qu’empirer.

— Nom de Dieu ! s’exclama Pierre. Sacré nom de Dieu !

— Département de la Justice.

— Avi Meyer, de l’OSI, s’il vous plaît.

— Quittez pas.

— Meyer.

— Avi, ici Pierre Tardivel.

— Salut, Pierre. Désolé de n’avoir pu vous rappeler. Je n’étais pas en ville. Et votre plainte contre Condor, ça avance ?

Pierre avait appelé Avi pour lui demander si l’incitation à l’avortement était légale en vertu de la loi fédérale. Et elle l’était.

— C’est au point mort, répondit-il. Mais je n’appelle pas pour ça. C’est au sujet de Klimus.

— Nous n’avons aucun élément nouveau, soupira Avi.

— Pas vous, peut-être, mais moi, si. Vous aviez raison. C’est bien Ivan Grozny.

— Qu’est-ce qui vous fait croire ça ? demanda Avi, intéressé mais circonspect.

— L’attentat dont j’ai été victime. Celui qui a voulu me tuer, Chuck Hanratty, était un néonazi, c’est bien ça ?

— Oui.

— Hanratty avait déjà tué quelqu’un, Bryan Proctor, et je viens de découvrir que sa victime souffrait d’une insuffisance rénale.

— Et alors ?

— Joan Dawson, qui travaillait aussi au LBNL, a été tuée à l’aide d’un couteau du même genre que celui qui a été utilisé contre moi. Ce n’est pas Hanratty qui l’a assassinée, bien sûr, il était déjà mort. Mais cela pouvait très bien être quelqu’un du Reich Millénaire.

— Peut-être, mais je ne…

— Trois malades de la chorée de Huntington ont été assassinés récemment à San Francisco. Burian Klimus les a rencontrés tous les trois.

— Vraiment ?

— Et j’ai pratiqué des tests sur des échantillons de tissus prélevés sur cent dix-sept victimes d’assassinats non élucidés dans la région de la Baie. Une proportion anormalement élevée des victimes avait une maladie génétique.

— Et, d’après vous, Klimus est derrière tout ça ? Il cherche à purifier la société de ses éléments défectueux ?

— Mein Kampf, chapitre un, articula Pierre.

— Vous êtes sûr de tout ça ?

— Certain.

— Vous auriez intérêt à ne pas vous tromper.

— Je ne me trompe pas.

— Si c’est juste du ressentiment envers votre patron, si vous cherchez à lui faire du tort par ce biais, vous commettez une grave erreur, Pierre. L’OSI fait partie du Département de la Justice, et on ne rigole pas avec ça.

— Klimus est Ivan le Terrible, j’en suis certain, insista Pierre d’une voix ferme.

35

Pierre adorait sa fille. Cela ne faisait pour lui aucun doute. Mais c’était un scientifique, et il ne pouvait s’empêcher d’être intrigué par son patrimoine génétique spécial. Il savait que son ADN ne différerait de celui d’un humain moderne que dans une proportion bien inférieure à un pour cent. L’ADN d’un chimpanzé présentait une différence de un virgule six pour cent. (Humains et chimpanzés avaient divergé depuis six millions d’années.) Les différences entre Amanda et les autres enfants, qui n’avaient pas sauté soixante millions d’années d’évolution, devaient être minimes. Il avait dû y avoir à un moment une modification génétique subtile qui avait donné l’avantage aux humains moins robustes sur leurs cousins néandertaliens, causant la disparition de ces derniers. Les attaches des pectoraux néandertaliens faisaient deux fois la taille de celles de l’homme moderne. Ils devaient avoir le physique de Schwarzenegger sans rien faire de particulier pour ça. Et malgré tout, quelque chose avait fait pencher la balance en faveur d’Homo sapiens sapiens. En dépit de l’horreur que lui inspirait l’ignoble expérience de Klimus, Pierre comprenait la fascination apportée par l’étude de l’ADN néandertalien.

Utilisant des enzymes de restriction pour scinder l’ADN d’Amanda en fragments exploitables, il commença à rechercher des différences et fut surpris d’en trouver quelques-unes auxquelles il ne s’attendait pas. Ces différences ne résiliaient pas dans son ADN synthétiseur de protéines, mais sur plusieurs brins longs d’ADN de rebut.

Intrigué, Pierre décida de faire une petite visite au zoo de San Francisco. En insistant un peu, il obtiendrait peut-être du conservateur l’autorisation de prélever quelques tissus de primates.

Pierre assista avec Molly à une nouvelle réunion du groupe d’entraide de la maladie de Huntington pour la région de la Baie. Au stade où il se trouvait à présent, il avait réellement besoin d’être aidé.

L’orateur, aujourd’hui, était une femme des relations publiques d’une compagnie qui fabriquait des fauteuils roulants, des déambulateurs et autres appareils pour handicapés moteurs. Elle parlait d’une voix sonore. Pierre n’aurait jamais soupçonné qu’il existât autant de choix de haute technologie.

Après la réunion, il alla trouver Carl Berringer.

— Intéressant, lui dit-il. Elle est très convaincante.

La partie supérieure du corps de l’homme aux cheveux hlancs était agitée de tremblements.

— Nous nous sommes déjà rencontrés quelque part ? demanda-t-il.

— Euh… oui. Je m’appelle Pierre Tardivel. Je suis de Montréal. J’ai assisté à l’une de vos réunions il y a une quinzaine de mois.

— Excusez-moi. Ma mémoire n’est plus ce qu’elle était.