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— Tu as raison. En échange, j’ai dû promettre de te ramener sur Terre pour que tu y effectues des recherches sur les vitesses supraluminiques. Tu te souviens que j’ai brillamment réussi ma mission. »

Wendel ricana. « Je doute que cela ait suffi à motiver ton gouvernement. Koropatsky a dit qu’habituellement il ne se jugeait pas lié par les promesses de Tanayama, mais que tu avais vécu plusieurs années sur Rotor et que tes connaissances particulières en ce domaine pouvaient servir. Selon moi, ton savoir s’est peut-être estompé, au bout de treize ans, mais je n’ai rien dit parce qu’après l’essai, j’étais de bonne humeur et que j’avais décidé que, pour le moment, je t’aimais. »

Fisher sourit. « Je suis soulagé, Tessa. J’espère que tu seras aussi à bord. As-tu pu arranger cela ? »

Wendel recula légèrement la tête en arrière, comme pour mieux mettre au point son image de Fisher. « Cela a été plus difficile, mon cher. Ils sont tout à fait d’accord pour t’exposer au danger, mais disent qu’ils ne peuvent pas se passer de moi. ‘‘Qui poursuivrait les recherches s’il vous arrivait quelque chose ?’’ ont-ils dit. J’ai répondu : ‘‘L’un de mes vingt assistants qui en savent aussi long que moi sur le vol supraluminique et dont le cerveau est plus jeune et plus vif que le mien.’’ C’est un mensonge, bien entendu, car personne ne m’arrive à la cheville, mais ils ont été impressionnés.

— Ils n’ont pas complètement tort, tu sais. Faut-il vraiment que tu coures ce risque ?

— Oui. Je veux être le capitaine du premier vol supraluminique. Ensuite, je suis curieuse de voir une autre étoile et jalouse que ces Rotoriens y soient arrivés les premiers, si … » Elle se reprit et poursuivit : « Et pour finir, chose plus importante, je crois, j’en ai assez de la Terre. » Elle dit cela d’une voix rageuse.

Plus tard, alors qu’ils étaient au lit, elle dit : « Quand le temps viendra, ce sera merveilleux d’arriver là-bas ! »

Fisher ne répondit pas. Il pensait à une enfant aux grands yeux étranges et à sa sœur, et toutes deux semblaient se confondre au moment où les eaux du sommeil se refermaient sur lui.

Chapitre 23

Le survol

49

Les voyages à longue distance dans une atmosphère planétaire ne faisaient pas partie de la vie des colonies. Les déplacements étaient assez courts, sur une station spatiale, pour qu’on n’ait besoin que d’ascenseurs, de ses jambes et, parfois, d’une petite voiture électrique. Quant aux trajets entre les colonies, ils s’effectuaient par fusée interplanétaire.

Beaucoup de colons — là-bas, dans le système solaire — avaient été si souvent dans l’espace que c’était pour eux une expérience aussi familière que la marche. Il était pourtant rare que l’un d’eux se soit rendu sur Terre, seul lieu où le trafic aérien existait, et qu’il s’en soit servi.

Les colons, qui affrontaient le vide comme si c’était un ami et un frère, éprouvaient une terreur insondable à l’idée d’entendre siffler l’air autour d’un véhicule qui ne serait pas soutenu par le sol.

Cependant, les voyages aériens constituaient parfois une nécessité absolue sur Erythro. C’était une grande planète et, comme la Terre, elle avait une atmosphère très dense.

Aussi le Dôme avait-il deux petits avions, un peu rudimentaires, lourds d’aspect, fort peu doués pour les accélérations rapides ou les grandes vitesses, mais utilisables.

En fait, l’ignorance de Rotor en ingénierie aéronautique les avait aidés à certains égards. L’avion du Dôme était bien plus informatisé qu’un appareil équivalent sur Terre. Siever Genarr se plaisait à voir, dans sa minuscule flotte, des robots complexes que l’on aurait construits en forme d’avion. Le temps sur Erythro était beaucoup plus clément que sur Terre, car la faible intensité des radiations émises par Némésis ne suffisait pas à nourrir des intempéries violentes, et un robot-avion avait moins de chances d’affronter une situation critique. Beaucoup moins.

En pratique, n’importe qui pouvait piloter l’avion peu raffiné du Dôme. On n’avait qu’à dire ce qu’on voulait à l’appareil. Si le message n’était pas clair, ou si le cerveau robotique le trouvait dangereux, il demandait des explications.

Genarr regarda Marlène grimper dans la cabine avec une certaine inquiétude naturelle, mais non pas avec la terreur affichée par Eugenia Insigna qui se mordait les lèvres, loin de l’aire d’embarquement. (« Ne viens pas plus près, lui avait-il sévèrement ordonné, surtout avec cet air que tu as ; on dirait que tu assistes à l’acte 1 d’une tragédie. Tu vas effrayer ta fille. »)

Marlène s’installa dans son siège avec un calme olympien.

Peut-être n’avait-elle pas bien saisi la situation ? Genarr lui dit : « Marlène chérie, sais-tu ce que nous allons faire ?

— Oui, oncle Siever. Nous allons voler dans les airs. Tout ira parfaitement bien. » Elle tourna vers lui un visage paisible lorsqu’il grimpa à sa suite et s’assit dans son fauteuil. « Je comprends que maman soit inquiète, mais tu l’es encore plus qu’elle. Tu le montres moins, mais si tu te voyais passer la langue sur tes lèvres, tu serais embarrassé. On dirait que quelque chose de terrible va arriver, que c’est de ta faute et que tu ne peux pas en supporter l’idée. Il n’empêche que rien ne va arriver.

— Tu en es sûre, Marlène ?

— Absolument sûre. Il ne peut rien m’arriver sur Erythro.

— Tu as dit cela au sujet de la Peste, mais nous ne parlons pas de cela maintenant.

— Peu importe de quoi nous parlons. Il ne peut rien m’arriver de mal sur Erythro. »

Genarr secoua un peu la tête, incrédule et perplexe, puis regretta sa mimique : elle lisait ses sentiments aussi aisément que s’ils apparaissaient en capitales sur l’écran d’ordinateur. Mais quelle différence cela faisait-il ? S’il les avait réprimés, elle les aurait tout de même vus.

« Nous allons passer dans le sas et y rester un moment, afin que je puisse vérifier les réactions du cerveau de l’appareil. Puis nous franchirons une autre porte et l’avion décollera. Tu ressentiras l’effet de l’accélération qui va te plaquer contre le dossier de ton siège, puis nous nous déplacerons dans l’atmosphère et il n’y aura rien en dessous de nous. Tu as bien compris, j’espère ?

— Je n’ai pas peur », dit calmement Marlène.

50

L’avion survolait en droite ligne un paysage stérile où ondulaient des collines.

Genarr savait qu’Erythro était géologiquement vivante ; les études qu’ils avaient effectuées montraient qu’à certaines périodes de son histoire, elle avait eu des montagnes. Il en restait quelques-unes, çà et là, sur l’hémisphère cis-mégan, sur lequel planait presque immobile le disque bouffi de la géante gazeuse, la planète autour de laquelle gravitait Erythro.

Cependant ici, du côté trans-mégan, les plaines et les collines constituaient les traits essentiels des deux grands continents.

Pour Marlène, qui n’avait jamais vu de montagnes de sa vie, les collines basses étaient une chose étonnante.

Il y avait des ruisselets sur Rotor, bien entendu, et les rivières d’Erythro, vues de si haut, s’en distinguaient mal.

Genarr se dit que Marlène serait surprise lorsqu’elle les verrait de près.

Marlène jeta un coup d’œil curieux sur Némésis qui déclinait maintenant vers l’ouest. « Le soleil ne bouge pas, n’est-ce pas, oncle Siever ?

— Si, il bouge. Ou, du moins, Erythro se déplace par rapport à Némésis, mais elle tourne sur elle-même en un jour alors que Rotor le fait en deux minutes. En comparaison, Némésis, vue d’ici, bouge sept cents fois moins vite que vue de Rotor. En comparaison, elle a l’air immobile, mais ce n’est pas vrai. »