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Insigna dit, d’un ton sarcastique : « Siever, tu ferais mieux de passer, toi aussi, une scanographie cérébrale. »

Genarr leva les sourcils. « Tu crois que je ne l’ai pas fait ? J’en subis une régulièrement, depuis que je suis ici. Il n’y a pas eu de changement, sauf ceux qui sont inhérents au vieillissement.

— As-tu vérifié ton image cérébrale après votre exploration aérienne ?

— Bien sûr. Et, comme pour Marlène, le balayage préliminaire ne montre aucun changement.

— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?

— La seule chose logique. Marlène et moi allons sortir du Dôme et archer à la surface d’Erythro.

— Non !

— Nous prendrons des précautions. Je suis déjà sorti.

— Toi, peut-être, répondit obstinément Insigna, mais pas elle. Jamais. »

Genarr soupira. Il pivota dans son fauteuil et regarda la fausse fenêtre, dans le mur de son bureau, comme s’il essayait de la traverser et de regarder le paysage rouge au-delà du mur. Puis ses regards se portèrent de nouveau sur Insigna.

« Dehors, il y a un monde immense, tout neuf, qui n’appartient à personne qu’à nous. Nous pouvons nous emparer de ce monde et le développer, à la lumière de toutes les leçons que nous avons reçues de notre gestion stupide de la Terre. Nous pouvons, cette fois, édifier une belle civilisation dans un monde propre. Nous pouvons nous habituer à sa couleur pourpre. Nous pouvons y implanter la vie, avec nos plantes et nos animaux. Nous pouvons rendre fertiles la mer et la terre, et lancer cette planète sur la trajectoire de son évolution.

— Et la Peste ? Qu’est-ce que tu en fais ?

— Nous pouvons l’éliminer et faire d’Erythro un monde idéal.

— Si nous éliminons la chaleur et la pesanteur, et si nous modifions sa composition chimique, nous pouvons aussi faire de Mégas un monde idéal.

— Dehors, il y a un monde, et je le veux.

— Tu parles comme Pitt. Pour avoir ce monde, tu es prêt à mettre ma fille en danger ?

— Au cours de l’histoire humaine, on a risqué bien plus pour bien moins.

— Alors, honte à l’histoire humaine. En tout cas, c’est à moi de décider. C’est ma fille. »

Genarr dit d’une voix basse, pleine d’un chagrin infini. « Je t’aime Eugenia, et je t’ai perdue, autrefois. J’ai entretenu le rêve absurde que peut-être j’essaierais de réparer cette perte un jour. Mais maintenant, j’ai bien peur de te perdre une fois de plus, et à jamais. Parce que, vois-tu, ce n’est pas à toi de décider. Ce n’est même pas à moi. C’est à Marlène. Quoi qu’elle veuille, elle le fera, par n’importe quel moyen. Et parce qu’elle a peut-être la capacité de donner un monde à l’humanité, je vais l’aider à réaliser ce qu’elle désire, malgré toi. Je t’en prie, Eugenia, il faut que tu l’acceptes. »

Chapitre 24

Le détecteur

52

Crile Fisher étudiait le Supraluminal avec un visage qu’il s’efforçait de garder inexpressif. C’était la première fois qu’il le voyait et un bref coup d’œil jeté sur Tessa Wendel lui révéla qu’elle souriait, pleine d’un orgueil possessif.

L’appareil reposait dans une immense caverne, à l’intérieur d’une triple barrière de sécurité. Il y avait quelques êtres humains autour de lui, mais la plus grande partie de la main-d’œuvre était constituée de robots non-humanoïdes soigneusement gérés par ordinateur.

Fisher avait contemplé de multiples modèles de vaisseaux spatiaux consacrés à de multiples usages, mais jamais quelque chose d’aussi repoussant que le Supraluminal.

S’il l’avait vu sans savoir ce que c’était, il n’aurait jamais pu deviner qu’il s’agissait d’un vaisseau spatial. Qu’allait-il dire ? Il ne voulait pas mettre Wendel en colère, mais elle attendait visiblement qu’il donne son opinion et espérait tout aussi visiblement des louanges.

Aussi dit-il, d’une voix quelque peu étouffée : « Il a une espèce d’élégance inquiétante … il ressemble un peu à une guêpe. »

Elle sourit à la première partie de sa phrase, et il pensa qu’il avait bien choisi ses mots. Puis elle répondit : « Qu’est-ce que c’est, ‘‘une guêpe’’ ?

— C’est un insecte. Il est vrai que vous n’en avez guère sur Adelia.

— Nous savons ce que c’est. Il ne règne peut-être pas, chez nous, la même profusion délirante que sur la Terre …

— Vous n’avez probablement pas de guêpes. Ce sont des insectes qui piquent et dont la forme ressemble plutôt à ça … » Il montra du doigt le Supraluminal. « Elles sont, comme lui, constituées de deux modules renflés et d’une unité de raccordement très étroite.

— Vraiment ? » Elle regarda le vaisseau avec un intérêt nouveau. « Trouve-moi, si tu le peux, une image de guêpe. Je pourrai mieux comprendre le dessin du vaisseau à la lumière de l’insecte … ou vice versa.

— Pourquoi cette forme, si elle n’a pas été inspirée par la guêpe ?

— Il fallait une géométrie qui donne au vaisseau un maximum de chances de garder son unité au cours du vol. L’hyperchamp a tendance à s’étendre cylindriquement à l’infini, et il faut le laisser faire, jusqu’à un certain point. D’autre part, tu ne voudrais pas te soumettre entièrement à lui. Tu ne peux pas, en fait, et tu dois l’enfermer dans les modules renflés. Le champ est juste à l’intérieur de la coque, contenu par un champ électromagnétique alternatif intense et … mais tu n’as pas vraiment envie d’entendre tout cela, hein ?

— Je pense que tu m’en as assez dit, répliqua Fisher avec un petit sourire. Mais puisqu’on me permet enfin de voir ce …

— Allons, ne te vexe pas, dit Wendel en le prenant par la taille. C’était strictement réservé aux techniciens. Il y avait des fois où ils ne supportaient même pas ma présence. Ils ne cessaient de grommeler, j’imagine, contre cet individu suspect venu d’une colonie et qui fourrait son nez partout ; ils auraient bien voulu que l’hyperchamp ait été conçu par quelqu’un d’autre afin de pouvoir me flanquer dehors. Cependant, les choses se sont arrangées et j’ai pu te faire venir pour que tu le voies. Après tout, tôt ou tard tu monteras à bord et je voulais que tu l’admires. » Elle hésita, puis ajouta : « Et que tu m’admires aussi.

— Je n’ai pas besoin de ça pour t’admirer, Tessa », dit-il. Et il lui mit le bras autour des épaules.

« Je continue à vieillir, Crile. Le processus ne s’arrêtera pas. Et, à ma grande consternation, tu me combles. Cela fait sept ans, bientôt huit, que nous sommes ensemble et je n’ai jamais eu envie de voir comment peuvent bien être les autres hommes.

— Est-ce une tragédie ? C’est peut-être seulement dû au fait que tu étais très absorbée par le projet. Maintenant que le navire est terminé, tu vas probablement éprouver un sentiment de libération et disposer d’un temps suffisant pour recommencer à chasser.

— Non. Je n’en ai pas envie. C’est tout. Mais … et toi ? Je sais que je te délaisse parfois.

— Tout va très bien. Quand tu m’abandonnes pour ton travail, je n’en souffre pas. Je désire ce vaisseau autant que toi, ma chérie, et mon cauchemar, c’est qu’il soit terminé à une époque où nous serons, toi et moi, trop vieux pour qu’on nous laisse partir. » Il sourit de nouveau, cette fois avec une tristesse visible. « Si tu sens l’âge venir, n’oublie pas, Tessa, que moi non plus je ne suis plus un jeune homme. Dans moins de deux ans, je vais fêter mon premier demi-siècle. Il y a une question que je n’ose pas te poser de peur d’être déçu, mais je vais le faire quand même.