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Il arriva au fond, s’immobilisa et commença à l’explorer. Une aspérité accrocha son regard. Il s’approcha et cette fois cria de joie sous son masque. Une pale d’hélice en cuivre était fichée dans le corail du fond, comme un coin ! Arrachée lorsque le cargo avait basculé. Trop lourde, hélas, pour qu’il la remonte… Il vérifia sa montre. Deux minutes encore.

Il traversa les vingt mètres de la « marche », arrivant au bord de la falaise verticale. Là où le Laconia s’était englouti. Il braqua sa lampe vers le fond, n’éclaira que l’eau verte et glauque. Le cargo gisait là, par plusieurs centaines de mètres de fond. Intouchable, inatteignable.

D’un battement de pied, il partit vers la surface. Ses poumons allaient exploser. La fatigue.

* * *

Malko crut qu’il ne parviendrait pas à regagner le Koala. Rhonda ne pouvait pas l’aider, à cause de sa blessure et il crut qu’il n’arriverait pas à se hisser le long de la coque. Il bascula comme un paquet sur le pont, au bord de la syncope. Enfin, c’était fini. Il se débarrassa de la combinaison et se laissa tomber dans le siège de pêche, fixant le cadavre du Derviche.

Quel gâchis.

— Qu’en faisons-nous ? demanda Rhonda.

Malko n’en pouvait plus d’être sur ce bateau qui bougeait.

— Allons à Denis, dit-il. Nous dormirons au mouillage.

Il monta sur la dunette et mit en marche après avoir relevé l’ancre. Cela lui fit quelque chose de voir s’éloigner l’endroit où il s’était passé tant de choses. La mer ne gardait aucune trace des drames.

Il se retourna vers le corps ballotté sur la plage arrière. Qu’en faire ?

Pas question de revenir avec à Mahé. On lui poserait trop de questions. Le rendre aux Israéliens posait aussi des problèmes insolubles… Il ne restait qu’une solution qui répugnait à Malko mais pourtant la seule possible.

— Prends la barre en bas, cria-t-il à Rhonda.

Il descendit, s’approcha du mort, s’accroupit sur le pont. Il fouilla toutes ses poches, en extrayant ce qu’il trouvait, même la monnaie. Il en fit un paquet qu’il enveloppa dans une serviette, sans rien regarder. Le Derviche avait droit au respect. Cela serait discrètement déposé à une ambassade israélienne. Ils comprendraient.

Puis, il ôta la ceinture de plomb de la combinaison de plongée et la serra solidement autour de la taille du mort. Le plus dur restait à faire. Il crut qu’il ne parviendrait jamais à le faire passer par-dessus bord. Il ne voulait surtout pas demander l’aide de Rhonda… Il lutta pendant plusieurs minutes avec le cadavre qui semblait s’accrocher au bastingage. Malko était en sueur. Enfin, d’un dernier effort, il prit les jambes et le Derviche bascula dans l’eau émeraude, coulant immédiatement…

Malko fixa le sillage longuement, recueilli, pensant à l’homme qui venait de mourir, anonymement, et qui n’aurait pas de tombe. Comme les marins. Le Derviche était un homme courageux. Il ne saurait jamais son vrai nom.

Il prit un seau, le plongea dans la mer et inonda le pont, poussant le sang dans les rigoles latérales. En deux giclées, il n’y eut plus aucune trace.

Rhonda émergea du carré et vit le pont nettoyé et vide de cadavre. Sans rien dire, elle rentra aussitôt et alla s’allonger sur le canapé.

Un groupe de Sterns passa en piaillant au-dessus du bateau. Les cocotiers de Denis Island grossissaient derrière l’écume blanche de la barrière de corail entourant l’île.

Malko se dit qu’un jour, il irait en Israël planter un arbre à la mémoire du Derviche qui était mort pour rien.

Il s’approcha du gros Drakkar émetteur-récepteur, chercha la fréquence 2149, appuya sur le bouton et mit en marche l’émetteur.

— Z.P.Q. Ici Z.P.Q. Vous m’entendez ?

— Je vous reçois. Over, fit la voix de Willard Troy au milieu des grésillements.

L’Américain devait être à l’écoute depuis le départ de Malko. Celui-ci souffla dans le micro et annonça d’une voix lente et distincte.

— Le Marlin a cassé sa ligne. Je répète. Le Marlin a cassé sa ligne. Over.