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Mais, lorsqu’il rentra dans sa maison, la jeune fille n’ayant pas reparu, il eut peur, fut inquiet, et dit à l’autre bonne :

– Vous êtes sûre qu’elle est sortie ?

– Oui, monsieur.

Alors il sortit aussi, espérant qu’il la rencontrerait.

Quand il eut fait quelques pas, avant de tourner dans la rue qui monte le long du vallon, il aperçut devant lui la vieille église large et basse, coiffée d’un court clocher, accroupie sur un mamelon, et couvant, comme une poule ses poussins, les maisons de son petit village.

Un soupçon, un pressentiment, le poussèrent. Sait-on les étranges divinations qui peuvent naître dans un cœur de femme ?

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Qu’avait-elle pensé, qu’avait-elle compris ? Où s’était-elle réfugiée, sinon là, si l’ombre de la vérité avait passé devant ses yeux.

Le temple était très sombre, car le soir tombait. Seule la petite lampe au bout de son fil révélait dans le tabernacle l’idéale présence du Consolateur divin. Mariolle, à pas légers, passait le long des bancs. Quand il arriva près du chœur, il aperçut une femme à genoux, la figure dans ses mains. Il s’approcha, la reconnut, lui toucha l’épaule. Ils étaient seuls.

Elle eut une grande secousse en retournant la tête. Elle pleurait.

Il dit :

– Qu’avez-vous ?

Elle murmura :

– J’ai bien compris. Vous êtes ici parce qu’elle vous avait fait de la peine. Elle est venue vous chercher.

Il balbutia, ému de la douleur qu’il faisait naître à son tour :

– Tu te trompes, petite. Je vais, en effet retourner à Paris, mais je t’emmène avec moi.

Elle répéta, incrédule :

– Ça n’est pas vrai, ça n’est pas vrai !

– Je te le jure.

– Quand ça ?

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– Demain.

Se remettant à sangloter, elle gémit : « Mon Dieu ! mon Dieu ! »

Alors il la prit par la taille, la souleva, l’entraîna, lui fit descendre le coteau dans l’ombre épaissie de la nuit ; et, lorsqu’ils furent au bord de la rivière, il l’assit sur l’herbe et s’assit près d’elle. Il entendait battre son cœur et haleter son souffle, et, troublé de remords, la serrant contre lui, il lui parlait dans l’oreille avec des mots très doux qu’il ne lui avait jamais dits.

Attendri de pitié et brûlant de désir, il mentait à peine et ne la trompait point ; et il se demandait, surpris lui-même de ce qu’il exprimait et de ce qu’il sentait, comment, tout vibrant de la présence de l’autre dont il serait à jamais l’esclave, il pouvait frémir ainsi de convoitise et d’émotion en consolant cette peine d’amour.

Il promettait de l’aimer bien – il ne dit pas « aimer » tout court – et de lui donner, tout près de lui, un joli logis de dame, avec des meubles fort gentils et une bonne pour la servir.

Elle s’apaisait en l’écoutant, rassurée peu à peu, ne pouvant croire qu’il l’abusât ainsi, comprenant d’ailleurs, à l’accent de sa voix, qu’il était sincère. Convaincue enfin et éblouie par la vision d’être une dame à son tour, par ce rêve de fillette née si pauvre, servante d’auberge, devenue tout à coup la bonne amie d’un homme riche et si bien, elle fut grisée de convoitises, de reconnaissance et d’orgueil, qui se mêlaient à son attachement pour André.

Jetant ses bras sur son cou, elle balbutiait, en couvrant son visage de baisers :

– Je vous aime tant ! Je n’ai plus que vous en moi.

Il murmura, très attendri en rendant ses caresses :

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– Chère, chère petite.

Elle oubliait déjà presque tout à fait l’apparition de cette étrangère qui lui avait apporté tant de chagrin tantôt. Cependant un doute inconscient flottait encore en elle, et elle demanda de sa voix câline :

– Bien vrai, vous m’aimerez comme ici ?

Il répondit hardiment :

– Je t’aimerai comme ici.

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Septembre 2004

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