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— J’ en dis que si tu ne tiens pas à retrouver ta jolie petite Saskia crevée dans la neige, sa jupette relevée par un monstre dans mon genre, tu ferais bien de m’écouter

La résilience est une qualité mystérieuse. Elle désigne la faculté qu’ont un corps, un esprit, un organisme, un système de recouvrer un état d’équilibre après une grave altération, de continuer à fonctionner, à vivre et à avancer en surmontant des chocs traumatiques.

Martin Servaz mit du temps à recouvrer un état d’équilibre — mais il se remit. Un événement l’y aida, qui se passa peu de temps après ceux qu’on vient de conter. Le jour de Noël 2017, on sonna à la porte des Espérandieu. Ce matin-là, au pied du sapin, dans le living-room, il y avait beaucoup de monde et encore plus de cadeaux, mais le plus gâté fut sans nul doute Gustav.

Son père biologique le regardait les ouvrir un par un, la figure illuminée de joie, sous les encouragements de Margot qui tenait son bébé dans ses bras, de Vincent, de Charlène et de leurs deux enfants. Il déchiquetait les papiers multicolores de ses doigts menus, ouvrait les boîtes avec des gestes vifs et impatients, extirpait les jouets en poussant des exclamations de surprise un peu surjouées. Et chaque sourire sur sa frimousse était un sourire dans le cœur de Servaz. Mais, l’instant d’après, celui-ci caressait des idées bien plus sombres et tout à coup, il se sentait une responsabilité écrasante sur les épaules, une responsabilité bien trop grande, en vérité, pour un homme comme lui.

Ce matin de Noël, il pensa également à Kirsten. Il pensait à elle tous les jours depuis un an, en réalité. Une fois de plus il s’était laissé prendre. Il s’en voulait terriblement d’avoir baissé la garde et d’avoir laissé une fois encore le mensonge entrer dans sa vie sous une apparence fausse ; il s’en voulait d’avoir nourri des espoirs absurdes, des espoirs qui ne pouvaient qu’être déçus. En même temps, il se demandait s’il y avait eu un moment où Kirsten Nigaard avait été sincère. Elle était venue à lui en vérité que pour le guider vers son amant et son maître. Elle l’avait entraîné dans un piège comme elle l’avait fait pour ce chef d’orchestre et son homme de main. Il essayait de ne pas penser aux moments d’intimité partagée, de les effacer de sa mémoire. Mais devait-il nier ce qu’il avait ressenti parce que en face on n’avait pas éprouvé la même chose ?

— Martin, Martin, dit Charlène joyeusement.

Il leva les yeux. Vit Gustav debout devant lui, lui tendant le camion Transformers. Servaz sourit. Attrapa le jouet. La sonnette de l’entrée venait de retentir. Vincent sortit de la pièce.

Il entendit qu’on discutait dans le vestibule, perçut la voix d’Espérandieu disant : « Un instant. »

Il tripotait le jouet dans tous les sens, sous les yeux attentifs et, lui sembla-t-il, quelque peu sceptiques de Gustav, quand Vincent l’interpella depuis le seuil :

— Martin, tu peux venir ?

— Je reviens tout de suite, dit-il à son fils.

Il se leva, marcha vers le vestibule.

Avisa le type dans l’entrée. Un employé qui portait l’uniforme brun d’UPS. Apparemment, l’entreprise postale avait décidé de faire travailler son personnel le 25 décembre.

Puis il vit le visage de son adjoint et il sentit son pouls s’accélérer.

— ça vient d’Autriche, dit Espérandieu. C’est à ton nom. Quelqu’un sait que tu es ici

Il regarda l’enveloppe. La prit. L’ouvrit.

Une carte de Noël : du houx, des guirlandes et des boules brillantes. Une carte bon marché. Il souleva le rabat.

Une photo à l’intérieur… Il la reconnut d’emblée. Elle portait la même robe-tunique kaki avec une ceinture tressée que l’une des dernières fois où il l’avait vue, avait les mêmes cheveux blonds bouclés et la même mèche retombant sur le côté gauche du visage, le même soupçon de rouge à lèvres. Elle ne semblait pas avoir changé après toutes ces années, malgré le journal qu’elle lisait et qui indiquait clairement que le cliché avait été pris à peine trois mois plus tôt. Elle souriait.

— L’espèce d’ordure, rugit Espérandieu à côté de lui. Le salopard. Le jour de Noël ! Bazarde ce truc. C’est un putain de montage !

Servaz fixait son adjoint sans le voir. Certain, en cet instant précis, qu’il avait tort : que ce n’en était pas un et que l’analyse le démontrerait. C’était bien Marianne qu’il avait sous les yeux.

Lisant un journal du 26 septembre 2017.

Et soudain, il comprit la phrase du Suisse : « Disons que son foie n’est pas disponible. » Bien sûr, la drogue, l’alcool — comment aurait-il pu l’être ?

Marianne — vivante…

Son cœur tombait dans sa poitrine — une chute sans fin.

Bergen, Norvège, décembre 2015 ; San Luis Potosí, Mexique, juin 2016.

Remerciements

Un livre est une aventure d’abord solitaire, puis collective. Comme toujours, je dois exprimer ma reconnaissance envers les deux personnes qui m’accompagnent avec une constante générosité d’esprit depuis le premier jour : mes éditeurs Édith Leblond et Bernard Fixot. Tout au long de la rédaction de ce livre, ils ont été ma boussole et mon compas.

Il me faut ensuite remercier celles qui évitent à toute arche de papier le naufrage et la mènent à bon port. Par ordre d’apparition : Caroline Ripoll — elle l’a écartée des écueils vers lesquels il lui arrivait de faire voile —, Amandine Le Goff, Virginie Plantard et Christelle Guillaumot.

Et avec elles, toute l’équipe des éditions XO : Valérie Taillefer, Jean-Paul Campos, Bruno Barbette, Catherine de Larouzière, Isabelle de Charon, Stéphanie Le Foll, Renaud Leblond (impossible de les citer tous). Travailler avec vous est un privilège, le café est bon et la vue porte loin, de là-haut. Rien de tel pour prendre de la hauteur.

Je dois également remercier Marie-Christine Conchon, François Laurent et Carine Fannius pour leur enthousiasme indéfectible, ainsi que tous les gens de Pocket/Univers Poche.

Comme d’habitude, ce livre n’aurait pu être écrit sans l’aide précieuse de mes contacts au SRPJ de Toulouse — ils se reconnaîtront. S’il y a des erreurs, elles ne leur sont en rien imputables. Prenez-vous-en à l’auteur, accablez-le, ce doux rêveur, ce faiseur d’histoires, qui doit jongler avec mille et une balles.

Je remercie le personnel d’Air France, qui m’a fourni nombre d’informations au cours d’un vol Paris-Mexico. Ils s’étonneront de ne pas les trouver ici. Mais les circonstances et l’écriture en ont décidé autrement. Ce n’est que partie remise, les amis.

Mon épouse, Joëlle, pour toutes ces années de complicité qui m’ont rendu la vie plus facile.

Jo, parti bien trop tôt, pour sa générosité et son tempérament, tu manques.

Enfin, Laura — qui a porté ce livre et son auteur loin des ombres, avec le cœur et la raison.

Ah oui, j’oubliais : il y en a un dernier que je voudrais remercier. Il s’appelle Martin Servaz.