Soudain, il pensa à Gustav. Hirtmann savait-il où ils se rendaient, qui ils comptaient voir ? Il craignit tout à coup qu’il ne fasse disparaître le gamin, une fois de plus. Comme un prestidigitateur qui vous montre une colombe avant de l’escamoter. Et si, demain, le garçon ne se présentait pas à l’école ? Il eut envie d’appeler la gendarmerie la plus proche, de leur demander de retrouver le gosse et de le mettre en sécurité.
Mais il se sentait trop épuisé pour entreprendre quoi que ce soit ce soir.
Et puis, il n’arrivait pas à comprendre pourquoi Hirtmann avait agi de la sorte. Quel intérêt ? S’il avait connu leurs plans, il aurait plutôt eu intérêt à agir avec discrétion et à emmener le gosse sans faire de vagues. À moins que cette question ne fût déjà réglée.
Auquel cas ils ne pouvaient rien de plus.
Penser à Gustav le mit mal à l’aise. Il lui vint une autre image, qui ne lui plut pas du tout. L’espace d’un instant, il s’imagina en train d’élever un petit garçon, mais il s’empressa de chasser cette idée tant elle le perturbait. Une autre pensée le hantait : la mort de Jensen. Cette munition de flic qu’on avait utilisée. Sa présence non loin de la scène de crime la même nuit. Et les soupçons qui, inévitablement, allaient se tourner vers lui.
Il se sentit alors très seul. Tout était silencieux et il se demanda s’ils n’étaient pas les seuls clients dans tout l’hôtel. Il avait la migraine depuis l’épisode de l’autoroute et son mal empirait. Il regardait le fond de sa tasse de café comme si la solution pouvait se trouver dedans quand son téléphone sonna.
C’était Kirsten.
— J’ai peur, dit-elle simplement. Tu peux monter, s’il te plaît ?
Il émergea de l’ascenseur et marcha jusqu’à la porte 13, juste en face de la sienne — la 14. Frappa. Pas de réponse. Il attendit quelques secondes avant de frapper de nouveau. Toujours pas de réponse. Il commençait à se sentir nerveux et allait tambouriner sur le battant quand il s’ouvrit. Kirsten Nigaard apparut, en robe de chambre, les cheveux mouillés.
Elle lui tint la porte, la referma derrière lui, se recula et appuya ses reins contre le petit bureau sur lequel se trouvaient une bouilloire et des sachets de Nescafé. Il ne savait que faire. Quel soutien lui apporter et sous quelle forme ? Et il ne se sentait pas très à l’aise dans cette chambre d’hôtel. C’était une femme vraiment attirante et, compte tenu de ce qu’elle venait de vivre, il voulait à tout prix éviter de la mettre dans l’embarras.
— Je serai juste de l’autre côté du couloir, dit-il. Enferme-toi à double tour et n’hésite pas à m’appeler. Je garderai mon téléphone près de moi.
— Je préférerais que tu dormes ici, répondit-elle.
Il regarda autour de lui. Ne vit guère qu’un fauteuil qui lui parut très inconfortable.
— On peut prendre une chambre communicante s’ils en ont, proposa-t-il.
Après coup, il se demanderait qui d’elle ou de lui avait fait le premier pas, brisé la glace. Il se souviendrait qu’il voyait le néon bleu de l’hôtel par-dessus son épaule, tandis qu’elle était blottie contre lui, et qu’il se reflétait dans les carrosseries des voitures. Qu’à l’entrée du parking, il y avait deux grands sapins noirs. Qu’il savait que les Pyrénées devaient se trouver quelque part au-delà, droit devant, mais que la nuit les dissimulait.
Au moment où ils s’embrassèrent, il vit ses yeux grands ouverts, comme si chacun attendait que l’autre les ferme en premier, si proches que leurs regards ne semblaient faire qu’un. Elle fouilla dans le sien, sans doute à la recherche d’une vérité enfouie sous les strates de civilisation. Puis, elle mordit et lécha le lobe et l’intérieur de son oreille, une fois, deux fois. Il écarta les pans de sa robe de chambre, caressa ses seins plus petits qu’il ne les avait imaginés. Elle posa une main sur la forme dure à travers l’obstacle du pantalon. Promena ses doigts vers le bas, vers le haut. Enfant, elle avait un jour enveloppé un galet trouvé dans la rivière dans un chiffon et l’avait conservé ainsi pendant des jours, à cause de cette même sensation de douceur et de dureté mêlées.
Puis elle recula vers le lit.
GUSTAV
26.
Contacts
Elle s’était reculée vers le lit, s’y était allongée, les pieds solidement plantés sur le plancher, les genoux pliés. Elle ouvrit complètement sa robe de chambre.
Seule la petite lampe de chevet était allumée, laissant les recoins de la pièce dans une ombre profonde, là où étaient tapis les fantômes de sa vie. La nuit les enveloppait, et elle vit le halo de la lampe se refléter dans ses yeux, qui n’avaient plus rien d’innocent quand il s’avança vers elle. Il retira sa veste, déboutonna sa chemise. Elle entendait la pluie battre contre la vitre. Elle avait laissé la porte-fenêtre entrouverte et elle sentit l’air mouillé qui faisait frissonner les draps et sa peau. Au moment où il allait se pencher sur elle, elle leva la jambe droite et le bloqua du pied posé sur son plexus.
Il caressa son mollet, puis sa cheville, et effleura pareillement les orteils et le talon. Sans le quitter des yeux, elle fit glisser son pied nu le long de son torse, entre les pans de la chemise ouverte. Descendit plus bas, franchit l’obstacle de la boucle de ceinture et le promena sur le sexe gonflé, à travers l’étoffe du pantalon.
Dès qu’elle l’eut reposé à terre, il fut sur elle. Elle l’embrassa tout en défaisant sa ceinture, ouvrit sa fermeture Éclair.
Il prit un mamelon dans sa bouche, glissa une main entre ses cuisses et découvrit sa chaleur. Elle fut mouillée presque instantanément. Cela l’excita encore plus et il eut envie de la pénétrer tout de suite, mais il humecta ses doigts avec sa langue et continua. Kirsten gémit, se tortilla dans le lit — comme si elle voulait à la fois s’offrir davantage et se refuser. Il la caressa un moment encore, puis la toucha plus loin.
À présent, elle se tordait en émettant de longs feulements allant du rauque à l’aigu. Son sexe ruisselait. Ils naviguèrent ainsi à travers le lit, perdant toute notion d’espace, elle tentant à la fois d’échapper à ses caresses et les accueillant, se frottant, poussant ses doigts à l’intérieur puis s’écartant, jusqu’au moment où elle l’attira à elle pour qu’il la pénètre. Elle pressa plus étroitement son bassin contre le sien et, très vite, elle dicta son rythme, un rythme élevé, frénétique, et les ongles longs de Kirsten labourèrent ses épaules et ses flancs. De nouveau, elle lécha et mordilla son oreille et il sentit que son sexe durcissait encore plus. Ensuite, elle le mordit vraiment. À l’oreille d’abord, le lobe — et il ressentit un éclair de douleur —, puis à l’épaule. Elle avait ouvert les yeux juste avant. Un regard noir, sauvage, qui le scrutait avec défi et curiosité. Il la plaqua contre le matelas et s’enfonça en elle aussi profondément qu’il put. Elle continua d’imprimer un rythme furieux à leurs va-et-vient, accélérant même, une main plaquée sur ses fesses, cherchant son plaisir, un rythme presque trop rapide pour lui, lui ôtant une partie de ses sensations, mais elle ne semblait plus en mesure de s’arrêter jusqu’à l’orgasme — qui la souleva et la cambra dans le lit, lui arrachant une longue plainte, dans les aigus, yeux clos, bouche crispée.
Ils changèrent de position et elle s’allongea sur lui, ses seins contre son torse. Il sentit sa chaleur et son humidité lorsqu’il la pénétra de nouveau, tout comme son pubis qu’elle frottait contre le sien. Elle était étonnamment légère. Souple et légère. Il caressa ses seins quand elle se redressa pour le chevaucher, ses genoux dans les draps. Elle avait un tatouage allant de l’aine à la hanche, une phrase, en norvégien probablement — des caractères et des chiffres.