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Au coup de sifflet de l’arbitre, son gobelet était presque vide et il n’avait pas vu le gamin mais il avait remarqué que deux autres équipes s’échauffaient derrière le terrain. D’après le tableau des scores on en était au début de la sixième manche. Il restait donc encore une chance. Il se dit qu’il avait le temps de se refaire un petit cocktail et se dirigea vers le stand des boissons pour acheter un Coca puis retourna au pick-up. Il versa le Coca de buvette dans le grand gobelet puis y versa la fin de la bouteille de bourbon et repartit vers les gradins.

Il but. Sans vraiment prêter attention au match. Convaincu que si son gamin était là il n’entrerait sur le terrain qu’à la manche suivante. Il faisait chaud et plus chaud encore à cause de l’alcool et il se mit à observer les mères et les jeunes filles autour de lui. Incapable de décider lesquelles il préférait. Et puis soudain il entendit quelqu’un crier vas-y Cody. Et puis quelqu’un d’autre crier à toi de jouer Cody. Montre-leur un peu Cody. Il se retourna vers le terrain et vit alors un grand garçon élancé s’avancer d’un pas chaloupé vers le marbre, le bout de sa batte traînant sur le sol derrière lui jusqu’à ce que le coach posté au niveau de la troisième base lui aboie de se magner le cul et le gamin mit sa batte sur l’épaule et pénétra dans le carré du batteur.

Il laissa fuser une balle lancée en plein centre et l’arbitre gueula strike.

Les voix tout autour continuaient allez Cody. C’est bon. Vas-y. Déroule.

La deuxième balle arriva une fois encore plein centre. Encore un boulet de canon. Cette fois l’arbitre ne se donna même pas la peine de crier et se contenta de faire le signe indiquant un strike.

« Mouline-moi cette batte, nom de Dieu », murmura Larry.

Il frappa maladroitement une balle en cloche et quand il regagna la fosse il balança sa batte contre la clôture et le gamin préposé au matériel dut faire un bond de côté pour l’éviter. Le coach de troisième base accourut dans la fosse et lui passa un savon puis l’obligea à ressortir et à ramasser sa batte. Cody se hissa hors de la fosse d’un air nonchalant, ramassa la batte et la posa sur le râtelier puis repartit s’asseoir dans la fosse. Les femmes dans les gradins secouèrent la tête. Larry entendit un type lâcher une remarque à propos de son comportement.

Il porta le gobelet à ses lèvres et renversa la tête en arrière.

Après l’élimination du troisième batteur, l’équipe de Cody pénétra sur le terrain pour la dernière manche et Larry le regarda traverser le marbre et aller se poster en première base. Elle n’avait pas menti. Il devenait grand. Il échangea quelques balles basses avec ses coéquipiers pendant que le lanceur s’échauffait, puis quand celui-ci lui envoya la balle Cody la frappa et l’expédia jusqu’à la fosse, ratant d’un cheveu le coach qui l’avait obligé à aller ramasser sa batte.

Larry rebut une lampée. Puis descendit des gradins et contourna le terrain jusqu’à la fosse de première base et s’appuya contre le grillage. La première balle fila au ras du sol et l’arrêt-court s’en saisit pour la relancer aussitôt vers la première base. Cody la lança à son tour en tendant le doigt et en regagnant son poste il croisa le regard du type au gobelet géant derrière le grillage.

« Hé », dit Larry.

Le garçon ne répondit pas et ne s’attarda pas. Il tourna le dos et se mit en position face à sa base.

« Hé », répéta Larry d’une voix plus forte.

Les gamins dans la fosse de première base le regardèrent. Ainsi que le coach.

« Je suis en train de jouer, là », dit Cody, sans quitter des yeux ses marques.

Larry continua de siroter son bourbon-Coca. Regarda quelques lancers sans rien dire.

« Les balles rapides, faut les renvoyer », dit-il.

Le garçon l’ignora.

« T’entends ce que je te dis ? Les rapides, tu restes pas là les bras ballants à les regarder passer. »

Cody se baissa, ramassa une poignée de terre battue et la frotta entre ses doigts.

« Viens me voir un de ces quatre, je te montrerai.

— J’ai pas besoin d’aide.

— Ah ? J’aurais pourtant cru… »

Le coach de première base, sans doute un étudiant rentré au bercail pour les vacances d’été, se tourna vers Larry et lui dit de lâcher un peu la grappe au gamin.

« Toi, fous-moi la paix et occupe-toi de tes oignons », répliqua Larry.

Les gamins de la fosse échangèrent quelques murmures.

Il continua à boire. Bien allumé maintenant par la chaleur et l’alcool. Il essuya son visage poissé de transpiration. Marmonna dans sa barbe.

« Elle est où, ta mère ? » demanda-t-il à Cody.

L’arbitre de milieu de terrain se rapprocha de la première base.

« Elle est où, ta mère, bon sang ?

— Je ne veux pas te parler.

— Oh que si, tu vas voir.

— Non.

— Putain, dit Larry en se tournant vers la fosse. Y veut pas parler à son propre père. Non mais c’est quoi, ces conneries. »

La moitié des gamins opinèrent. Les autres tournèrent la tête de côté. Puis Larry posa son gobelet par terre, sortit son portefeuille, prit un billet de vingt et annonça qu’il l’offrait au premier qui lui apporterait une batte. Le coach leur dit de ne pas bouger mais dès qu’il eut reporté son attention sur le match un gamin aux cheveux longs en profita pour attraper une batte et la lui glisser à travers le grillage. Larry lui tendit le billet.

Il alla ramasser son gobelet. Le vida d’un trait et sentit l’alcool lui brûler la gorge. Puis il donna un grand coup de batte contre le grillage et le bruit résonna en écho sur tout le terrain et l’arbitre et les coachs et les gamins en place et les gamins dans la fosse et les spectateurs sur les gradins et les gens en train de fumer à l’écart tournèrent tous la tête vers la droite du côté du type à la batte. Il la brandit et frappa de nouveau le grillage et gueula et maintenant on va voir si tu me parles pas nom de Dieu.

Tout le monde se figea. Puis l’arbitre traversa le terrain pour parler à Larry et Larry se mit à faire de grands moulinets avec sa batte en disant viens vas-y viens. Il l’abattit de nouveau sur le haut du grillage et dit à tout le monde venez tous allez-y venez. Venez par là je vais vous montrer moi putain. Comment on tape dans une putain de balle. Le lanceur regarda l’arbitre et l’arbitre lui dit de continuer à jouer et le match reprit.

Quand les flics arrivèrent cinq minutes plus tard, Larry n’avait pas bougé. La partie avait continué et il ne disait plus rien mais tenait toujours la batte entre ses mains moites. Prêt. Il sentait peser sur lui tous les regards et les gamins s’étaient regroupés au bout de la fosse. À bonne distance du type à la batte. Le gamin aux cheveux longs s’était éclipsé avec son billet de vingt avant de se faire attraper par le coach. Deux voitures de patrouille débarquèrent et ils étaient trois et ils s’approchèrent de lui comme on s’approche d’un animal sauvage. Les mains le long du corps. Sur la pointe des pieds. Larry les avait vus arriver sur le parking et réfléchissait à ce qu’il ferait quand ils seraient en face de lui. Il pensa à la mère de Cody et à ce qu’elle dirait quand elle apprendrait ce qui s’était passé. Deux des trois flics avaient l’air de sortir tout droit de la salle de muscu. Petits mais trapus comme des enclumes et ils n’avaient pas l’air de rigoler.