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L’Édile sauta sur le sol, fit un geste d’amitié au pilote du char et s’approcha d’un factionnaire.

— Bonheur sur vous, Édile, dit l’om.

— Annonce-moi au Conseil, dit Terr. Séance d’urgence.

Il s’engouffra dans le bâtiment tandis que l’om se penchait sur une téléboîte.

Une dizaine d’oms siégeaient autour d’une table ronde. L’Édile parlait.

— Que cette sphère soit passée là par hasard ou nous ait délibérément cherchés ne change rien au résultat: les draags savent que le continent est peuplé de milliers d’oms. Ils savent que nous avons des chars, et comme il est impensable que nous ayons passé l’océan à la nage ou sur des bateaux primitifs, ils savent que nous sommes capables de construire des bâtiments. Sans se tromper, ils vont nous croire à la longue capables de tout. Même de les vaincre. Si j’étais un Édile draag, je voterais pour une destruction immédiate et totale des oms!

Charb coupa:

— En mettant les choses au pire, nous avons toute la nuit devant nous pour échafauder un plan de défense.

— Quel plan de défense? ironisa Terr. Qu’avons-nous à notre disposition? Quelques chars équipés de lance-rayons mous, un peu de courant électrique et nos poitrines nues! Cela me paraît très insuffisant contre des fusées à rayons durs.

Vaill émit un espoir:

— Ils ne connaissent pas la situation exacte de la ville.

Terr bondit:

— Non, dit-il, non et non! Dis ça à la foule pour la rassurer, Vaill, mais pas à moi! Pas au Conseil! Ils ont repéré la direction de la colonne. Ils savent que nous affectionnons les souterrains. Ils connaissent la géologie du continent. Bref, ils savent où nous sommes!

— Alors, je ne vois qu’un moyen, dit un maître-bord, c’est de reprendre la mer, d’essayer d’atteindre l’autre Continent Sauvage.

— Avec un seul bâtiment! Ne dites pas de bêtises!

— Nous disperser provisoirement et fonder une ville ailleurs, suggéra Charb.

Un silence pénible régna. Demander aux oms tous ces nouveaux efforts paraissait impossible. Et de toute façon, il faudrait encore quinze jours pour agir de la sorte.

— Fonder plusieurs petites villes au fur et à mesure du démontage de celle-ci. Et quand celle-ci sera attaquée, tant pis pour elle et pour ses habitants. Ils seront sacrifiés pour que vive la race.

— Non, dit Terr. Nous vivrons ou nous mourrons tous ensemble. C’est assez des pauvres compagnons que nous avons laissés chez les draags. Pas deux fois! Et puis, la vie des autres serait précaire, perpétuellement menacée. Les draags passeraient le continent au crible, vous pensez bien!

— Alors?

Terr se leva et marcha de long en large, en envoyant des coups de pied dans les murs de temps en temps. Soudain, il se frappa le front.

— Le télébarrage! rugit-il.

Après un moment de surprise, Vaill donna un coup de poing sur la table.

— C’est vrai!

— Où sont les éléments de télébarrage que nous avons récupérés autour du vieux port?

— Sous-maître, dit un maître-bord, où sont les listes?

Un om jeune se leva.

— Je vais les chercher, dit-il.

Quelques minutes plus tard, il était de retour. Il posa de lourds registres devant l’Édile.

Celui-ci les ouvrit de ses doigts nerveux.

— Voyons… Sucre, suif, tachymètre… Tamis…

Il leva la tête:

— Tamis? Qui a eu l’idée saugrenue de charger les bâtiments avec des trucs pareils?

— Non, Édile, protesta un maître-bord. Ce sont des tamiseurs de rayons!

Terr chercha plus loin.

— Tarières… Télébarrage! Les éléments sont au nombre de cent cinquante. Cinquante ont été perdus avec le bâtiment 3. Les cent autres sont répartis, comme suit: cinquante dans la ville, salle 7, réserve B, cinquante dans le navire resté à la base de débarquement (soute 2).

Il déplia une carte du Continent Sauvage en disant:

— On voit que les draags sont riches, ils n’ont pas fait les choses à moitié. Cent cinquante éléments pour cerner un petit port! Il y aurait de quoi protéger tout le continent.

— Nous pouvons faire cet émetteur! dit Charb avec enthousiasme.

— Et le courant?

— Le plan d’équipement électrique prévoit une puissance totale de 50 000 unités. En remplaçant, lors d’une attaque, toutes les lampes et tous les appareils par de simples torches ou de simples feux, en consacrant tout le courant disponible à l’émetteur…

— Nous aurons 50 000 puissances! coupa Terr. C’est insuffisant. À première vue, du moins.

Il poussa la carte sous le nez d’un technicien.

— Nous sommes à six cents stades de la côte la plus proche, à trois mille stades de la plus éloignée. Qu’en pensez-vous?

Le technicien se livra à un rapide calcul.

— Il nous faudrait cent cinquante mille puissances pour que le télébarrage ne déçoive pas nos espoirs.

— Peut-on les obtenir en forçant le plan d’électrification?

— Non, Édile. Pas avant des mois. Nous n’avons pas assez de matériel.

Vaill mit sa main sur l’épaule de Terr, les yeux brillants.

— En y ajoutant les piles des chars et celles de toutes les téléboîtes… et celles du navire que j’allais oublier!

Terr se frappa dans les mains et parla dans une téléboîte.

— Statistiques? Ici, l’Édile. Toutes affaires cessantes, voulez-vous me faire le total de toute l’énergie disponible en électricité… Non, tout! En additionnant les piles des téléboîtes et des chars, celles du navire, les piles de chauffage, tout, vous comprenez? Quand aurai-je la réponse?

Un quart d’heure plus tard, la réponse arrivait: cent vingt mille puissances.

— C’est trop bête, dit Terr. Il ne nous manque que trente mille unités.

Son front se plissa. Où trouver le complément? Il rêvait de turbines, de courant, d’étincelles géantes. Une image l’assaillit:

— Les bossks! dit-il.

Personne n’eut l’air de comprendre. Il dut leur rappeler l’accident survenu dans la jungle, parla d’électricité musculaire. L’idée était à la fois géniale et baroque.

Sav ne faisait pas partie du conseil. On eut besoin de ses lumières. On le fit demander par téléboîte et Terr lui exposa ses difficultés, ses espoirs. Mais le naturaliste branlait la tête.

— Non, dit-il. Vous vous êtes laissé entraîner par votre imagination. Réfléchissez au nombre de bossks nécessaires au projet. Il faudrait les chercher, les tuer, car je doute qu’on puisse leur faire comprendre nos difficultés pour qu’ils viennent de plein gré…

Il eut un rire sans joie pour saluer sa plaisanterie et poursuivit:

— Ce ne serait pas un mince travail et ça prendrait du temps. Vous ne réussiriez à tirer ici que des charognes sans utilité. Ces muscles seraient depuis longtemps en pleine putréfaction.

— Mais pourquoi s’attacher aux bossks? Il ne manque pas d’animaux gigantesques dans ce pays. Je suppose que le phénomène serait identique.

— Le problème aussi. Je…

— Des cervuses!

— Évidemment, ce serait plus facile à tuer et à transporter. Mais vous passeriez un temps fou à mettre leurs muscles en série, et au moment de vous en servir, la putréfaction aurait fait son œuvre. Il faudrait tout recommencer… Au fond ce n’est pas bête comme idée, mais à deux conditions: utiliser des animaux en très grand nombre, les utiliser vivants! Ce qui pose des problèmes insolubles à si brève échéance. Il faudrait de véritables écuries, ou des étables, appelez ça comme vous voudrez. Trouver un moyen de faire rester les bêtes tranquilles, leur fournir de la nourriture… oh! la la! Vous auriez plus vite fait d’essayer de mettre des turbines en route, ou de fabriquer des écrans solaires.