Выбрать главу

— Cherche bien. D’habitude tu t’assois sous les palmes, au bord de la piscine.

Ils cherchèrent dans l’herbe sans rien trouver. Tiwa plongea même pour explorer le fond de la piscine. Ils scrutèrent en vain les moindres recoins de la salle de nature.

— Je parie que tu as laissé Terr s’amuser avec, gronda Praw. Ces appareils sont très chers, tu n’es pas raisonnable, Tiwa.

Les yeux rouges de Tiwa se voilèrent de contrariété.

— Je t’assure, père…

— Je ne suis pas assez sévère avec toi, coupa le draag.

— Mais, père, je n’ai jamais laissé l’om jouer avec les écouteurs, c’est la vérité!

Le père resta songeur.

— Cela expliquerait pourtant bien des choses, dit-il… Où est Terr?

— Terr! appela la petite.

Le petit om ne répondit pas à cet appel.

— Il se cache, ce petit gredin, dit Praw. Terr, veux-tu venir! Terr, un sucre!

— Terr, viens chercher un sucre!

La mère draag revint dans la salle.

— Que se passe-t-il, dit-elle. Vous en faites un vacarme. Ce n’est plus le moment de jouer avec cet om. Je t’avais dit de t’instruire, Tiwa!

— Elle ne peut pas, gémit Praw, les écouteurs ont disparu! Terr a disparu aussi!

— Mais non, dit Wami, je viens de le voir dans le couloir.

— Terr!

Ils se précipitèrent tous les trois dans le couloir.

— Où était-il?

— Là, sur ce siège.

— Bon sang, jura Praw.

Il tendit un doigt vers le siège.

— Pourquoi gesticules-tu comme ça?

— Les écouteurs! dit Praw.

— Eh bien?

— L’om pouvait très bien atteindre les écouteurs en montant sur ce siège. Je parie qu’il s’amuse avec en ce moment. S’il les casse…!

Il alla vers l’omerie dont la porte était restée grande ouverte. La petite pièce était vide.

— Où est-il passé, ce petit démon?

Tiwa éclata en sanglots à l’idée d’avoir perdu son om.

— Au lieu de pleurer, dit sa mère, tu ferais mieux de mettre ton bracelet, c’est le seul moyen de le retrouver. Tu ne l’as pas perdu au moins?

— Je… Je l’ai laissé dans la poche de ma tunique, hoqueta Tiwa.

— Eh bien, fais vite!

La petite draag courut à la salle de nature, fouilla sa tunique et passa son bracelet. Elle y pressa un bouton. Elle leva une tête malheureuse.

— Eh bien? répéta le père draag.

— Il doit être déjà loin, pleurnicha Tiwa, le bracelet me tire un peu par là, mais pas beaucoup.

Elle désignait l’entrée de la maison. La porte était entrebâillée.

— Il est sorti! Je m’en doutais, dit Praw. Tire sur la laisse, Tiwa.

— Oh! non, dit Tiwa, si je tire trop fort, il va se cogner sur quelque chose. Il peut se faire très mal.

Agacé, le père draag lui prit le bracelet et pressa le bouton au maximum pour attirer à lui le plus fort possible le collier de Terr.

4

Terr courait. Il avait déjà franchi une dizaine de terre-pleins et avait dévalé un plan incliné à toute vitesse lorsqu’il se sentit brusquement étranglé par son collier. Il lâcha les écouteurs et porta les mains à son cou.

Tiré par une force invisible, il fit trois pas en arrière et se retourna pour subir la traction sur la nuque et non sur la gorge. Il fit encore quelques pas malgré lui et se cramponna de toutes ses forces à une barre métallique dépassant du parapet.

À cet instant, il sentit une main dure se poser sur son épaule. Il faillit crier de rage et tourna vers l’intrus un visage congestionné par l’effort. Un grand om à barbe noire était derrière lui et lui disait:

— C’que t’es ballot!

— Aide-moi, suffoqua Terr.

En ricanant, l’inconnu pressa le bouton du collier. Celui-ci s’élargit assez pour laisser passer la tête du petit om. L’om barbu ricana encore, brandit le collier qui paraissait vouloir s’envoler et le lâcha d’un seul coup. L’objet fila dans les airs, rebondit sur un terre-plein et disparut à leurs yeux.

— Faudrait qu’ils le prennent en pleine fente nasale! s’exclama le barbu. Ça les retarderait un peu!

Il poussa Terr par les épaules.

— Filons vite!

Le petit om suivit d’abord son nouvel allié qui détalait à toutes jambes, puis il s’arrêta net et revint sur ses pas.

— T’es fou! hurla son sauveur.

Sans répondre, Terr ramassa les écouteurs qu’il allait oublier, les posa sur son épaule et, plié sous leur poids, rattrapa son compagnon qui avait charitablement ralenti.

— Jette ça, conseilla le grand om, sans perdre une foulée.

— Non, j’en ai besoin, haleta Terr.

— C’est bien ce que j’disais, t’es fou. Allez donne.

Il arracha les écouteurs au petit garçon et les hissa sur ses propres épaules.

— Je suis plus fort que toi!

— Où allons-nous?

— T’occupe pas!

Une voix lointaine cria:

— Terr! Viens chercher un sucre!

Mais Terr n’entendait pas. Ses oreilles bourdonnaient. Il chancela et s’abattit sans connaissance, épuisé par un effort auquel sa vie d’animal de luxe ne l’avait pas habitué.

Son compagnon s’arrêta, parut chercher, avisa un coin d’ombre sous un palier de ciment et y cacha les écouteurs. Puis, se baissant, il ramassa le garçon inanimé et obliqua prudemment hors de la petite agglomération.

Il se coula dans un fossé environné de hautes herbes et, marchant à couvert pendant une bonne demi-heure, atteignit un terrain vague où achevaient de rouiller et de se disloquer une grande quantité de sphères hors d’usage.

Il déposa Terr sur le sol et le gifla sans aucune douceur. À la troisième gifle, le jeune garçon hoqueta et reprit ses sens. Il ouvrit la bouche et respira bruyamment.

— Ça va mieux? s’enquit le barbu.

— Oui… Bonheur sur toi…

— Je m’appelle Brave.

— Bonheur sur toi, Brave… je, mais qui es-tu?

— Un om!

— Je veux dire… tu sais parler!

— Toi aussi, petit.

— Je croyais être une exception. Je croyais être le seul om à savoir parler.

Brave se peigna la barbe avec les doigts.

— Tu n’es pas le seul, mais c’est rare. Et en général, un om qui sait parler ne peut souffrir la servitude.

Terr s’étonna:

— Il y a des mots que tu dis… je ne les comprends pas. Que veut dire servitude?

— Je t’expliquerai. Tes maîtres savent-ils que tu parles?

— Non… c’est-à-dire qu’ils commençaient à s’en douter. Moi, j’ai appris comme ça, à force de les entendre. Et puis j’entendais les leçons de Tiwa.

— Qui est Tiwa?

— Ma petite maîtresse. Alors, je savais parler, mais eux continuaient à m’adresser la parole comme à un… comme à un chien. Tu as déjà vu des chiens? C’est drôle, hein, c’est encore plus petit qu’un om! C’est gentil!.. Que disais-je?… Oui, alors je n’osais pas parler autrement que pour dire: sucre — moi content — faim… Et puis aujourd’hui, ils m’ont entendu parler normalement. Et ils faisaient des yeux terribles, et ils n’avaient pas l’air content. Ça m’a un peu effrayé, pas trop!..

— Et alors?

— Alors, je me suis dit: je ne leur montrerai plus que je sais parler, ils pourraient me fouetter comme lorsque j’ai volé du sucre à la cuisine.

— Et tu es parti?

— Non, pas tout de suite… Il faut que je t’explique qu’il y a une chose merveilleuse, une chose que j’aime par-dessus tout: les écouteurs d’instruction. Ils montrent des images, ils disent des choses. Et quand on sait ces choses-là, on se sent… comment dire… plus fort. Oui, c’est ça, plus fort!