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— Cent jours, répondit Terr tout intimidé.

— Cent? Qu’est-ce que ça veut dire? Moi j’ai deux fois dix mains de mains de jours, plus deux, repartit le jeune garçon en rejetant fièrement ses longs cheveux en arrière. Fais voir si t’es costaud.

Joignant le geste à la parole, il donna une poussée à Terr et faillit le faire tomber du nid. Brave s’interposa et envoya une taloche dans la figure de l’agresseur.

— Du calme, Vaillant, Terr n’est pas encore habitué à la vie que nous menons.

— Tu as surveillé le bébé, Fidèle? s’enquit une ome aux formes sculpturales.

— Oui, fillette, ton bébé n’a besoin de rien.

— Je vais monter voir, dit l’ome en sautant de branche en branche vers le sommet de l’arbre.

Elle croisa Brave qui était monté poser les écouteurs dans le nid réservé à Terr. Brave se laissa tomber à cheval sur une branche toute proche. Il leva le bras et dit:

— Écoutez, vous tous. J’veux que tout le monde soit très gentil avec Terr. Pendant quelque temps, il se contentera de rester dans l’arbre et de ranger tout ce que nous rapportons, aidé de Fidèle. Il faut que cet om de luxe s’habitue à l’effort et se fasse des muscles. Après, j’veillerai à son éducation.

Il se tourna vers Terr:

— Quant à toi, comme je t’ai déjà dit, tu m’obéiras au doigt et à l’œil. Je t’ai rapporté tes écouteurs pour te faire plaisir, mais t’auras le droit de t’amuser avec qu’après avoir fait ton travail. Compris?

— Oui, dit Terr d’une toute petite voix.

Il se sentait tout triste, regrettait Tiwa et la salle de nature. Il avait un peu froid, se sentait alourdi par la sève à laquelle il n’était pas habitué. Bref, plus malheureux que jamais, il souhaitait se trouver enfermé dans une omerie confortable, loin de toutes ces brutes bienveillantes.

— Viens avec moi, dit Brave.

Docile, Terr le suivit, escalada des branches, passa les endroits difficiles en tirant sur de souples rameaux comme sur des cordes et parvint à une branche énorme. Il vit Brave disparaître dans un trou de cette branche et s’engagea à sa suite dans une espèce de caverne grossièrement taillée à même le bois.

— Je ne vois rien, il fait noir, dit Terr.

— Attends un peu, fit la voix de Brave.

Terr entendit un gémissement d’effort et la caverne s’éclaira d’un seul coup. Brave désignait fièrement une énorme pierre posée sur une tige de métal.

— Mais c’est… hasarda Terr.

— Oui, dit Brave, c’est une lampe de draag; les autres ne sont pas assez forts. Tu vois, je pose cette grosse pierre sur le bouton. Pour éteindre, j’enlève la pierre.

Terr jeta les yeux autour de lui. Il était dans un vaste magasin de bric-à-brac. Des piles de boîtes de toutes tailles s’alignaient en vrac sur le sol.

— Voilà, dit Brave. Tu vas ranger tout ça. Tu mettras les boîtes avec les boîtes, les rouleaux de fil avec les rouleaux de fil. Tu feras de même pour le reste.

— Mais, dit Terr en désignant une pile de boîtes, dois-je ranger celles qui sont déjà empilées?

Brave le regarda comme s’il avait affaire à un imbécile total.

— Tu ne vois pas qu’elles sont déjà rangées?

— Oh! non, dit Terr; tu as mis des boîtes d’aliments avec des boîtes de médicaments. Il y a même là une boîte de poudre pour soigner des membranes de draags.

Brave resta un moment silencieux.

— Toutes ces boîtes ont la même forme, dit-il enfin. Comment devines-tu ce qu’il y a dedans?

— C’est marqué dessus… Là, ces petits signes, c’est fait pour lire.

Brave se peigna la barbe d’un geste qui lui était familier. Il murmura:

— Alors, lire, ça veut dire deviner ce qu’il y a dans les boîtes avec les signes qui sont là? J’avais jamais bien compris ce que ça voulait dire: lire… Eh bien, si c’est comme ça, fais à ton idée. Ça nous évitera de passer des heures d’efforts à ouvrir des boîtes qui ne servent à rien.

— Bon!

Avant de sortir, Brave hésita:

— Dis-moi, petit… C’est avec les écouteurs d’instruction qu’on apprend à lire?

— Bien sûr.

Brave s’en alla en se grattant la tête.

6

Au bout de quelques jours, Terr fut parfaitement rompu à toutes les gymnastiques exigées par sa nouvelle vie arboricole.

Il avait un peu grandi, et ses muscles étaient plus nets sous sa peau bronzée. De plus en plus souvent, Brave l’emmenait courir dans les jardins d’alentour, lui enseignait à se cacher, à ramper sans être vu des draags, à voler des fruits et des légumes plus gros que lui.

Un jour, il lui donna un collier destiné à travestir sa situation irrégulière et l’emmena jusqu’à la ville.

— N’oublie pas, lui dit-il, qu’il ne faut jamais montrer à un draag que tu sais parler. Cela te permettra, entre autres choses, de pouvoir jouer les imbéciles si on te pose des questions sur tes maîtres ou sur les raisons pour lesquelles tu te trouves ici ou là. Pour le reste, j’t’ai appris assez de combines pour pouvoir t’en tirer tout seul.

Ils marchaient l’un derrière l’autre dans un fossé herbeux.

— Qu’allons-nous faire exactement? demanda Terr.

Brave eut un petit rire de plaisir anticipé.

— Je t’ai emmené parce que tu sais lire, dit-il. Nous allons voler. Tu liras ce qu’il y a dans les boîtes, comme ça je me donnerai pas de peine pour rien en volant des choses inutiles. Est-ce que tu sais nager?

— Oui, pourquoi?

— Tu verras bien. Maintenant, tais-toi. Nous allons continuer en silence.

Ils s’engagèrent dans un tuyau qui se perdait dans les profondeurs d’un mur de béton. Terr marchait à l’aise, mais devant lui, la grande silhouette de Brave était pliée en deux.

Ils bifurquèrent plusieurs fois dans l’ombre de plus en plus épaisse. Craignant de se perdre dans ce labyrinthe, Terr restait collé à son guide. Au bout d’un moment, ce dernier s’arrêta et lui dit à l’oreille:

— Maintenant, ça va monter. Tu grimperas facilement en t’aidant du dos et des genoux. Laisse-moi un tout petit peu d’avance pour ne pas me gêner.

Suant et soufflant, ils se hissèrent lentement dans un tube montant à la verticale. Bientôt, une lueur de jour se précisa au-dessus d’eux. Elle venait d’une petite grille obstruant l’entrée du conduit.

Les genoux et les reins bien calés contre les parois, Brave souleva doucement la grille et passa la tête au dehors. Rassuré par son observation, il émergea du tuyau et tendit la main à Terr pour l’aider à sortir.

Ils se trouvèrent dans une salle immense où des échafaudages métalliques soutenaient des machines qui ronronnaient tranquillement, sans aucune surveillance. Des roues géantes, des cames et des engrenages dansaient un ballet compliqué dans tous les angles de la salle.

L’attention de Terr fut attirée par des files de boîtes cylindriques avançant par saccades sur des glissières parallèles. Ces glissières se perdaient dans un tunnel obscur que Brave désigna du doigt.

— Il faut passer par là, dit-il en entraînant son jeune compagnon.

Ils grimpèrent par des croisillons métalliques et se hissèrent chacun sur une boîte. Secoué à chaque pulsation de la file, Terr se cramponna comme sur le toit d’un wagon en marche, tandis que Brave prenait de l’avance en sautant de boîte en boîte pour aller plus vite. Par orgueil, Terr se mit debout et le suivit aussi rapidement que possible, guidé dans l’ombre par de vagues reflets argentant les couvercles où il posait les pieds.

Ils parvinrent à une seconde salle où d’autres machines saisissaient les boîtes l’une après l’autre, les roulaient, les frappaient de divers caractères draags et les relâchaient dans un second tunnel.