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Mais il savait d’avance qu’on ne découvrirait rien. En revanche, il serait surveillé par la police. Les flics locaux se douteraient bien qu’on n’avait pas mis un paquet de grenades dans sa chambre pour lui faire une petite taquinerie.

Il se résigna à la solution la plus sage : il prit une de ses valises et y entassa les engins de mort. II pouvait à peine la soulever.

Tout doucement, il ouvrit sa porte. Le couloir était désert. Dix étages plus bas, les mariachis du bastringue se déchaînaient toujours. Malko, résista à une furieuse envie d’y balancer au moins une grenade de sa collection, pour les faire taire.

Cette mauvaise pensée écartée, il prit l’ascenseur des baigneurs, celui que la pudibonderie anglo-saxonne réservait aux gens en costume de bain et qui conduisait directement sur la plage.

Entre la chemise et la peau, il avait glissé son pistolet. S’il tombait sur l’un des Mayos, c’était utile. Mais si un garçon de l’hôtel le repérait, quittant le Hilton par la plage à deux heures du matin, une valise à la main !… Il avait tout du client qui part sans payer.

Il ne rencontra personne. Titubant sous sa valise remplie de fonte, il s’enfonça dans l’ombre en suivant le rivage. Il faisait encore chaud et la mer luisait doucement sous la lune.

Derrière une grosse souche échouée sur la plage, il creusa un trou dans le sable humide et y enterra son chargement.

La conscience tranquille, il rentra, balançant sa valise vide.

Devant sa porte, il sortit son pistolet et se pencha vers la serrure : le cheveu blond qu’il y avait collé en descendant était toujours là. Personne n’était entré en son absence. Quant au balcon, il y avait au-dessous trente mètres de vide.

Malko fouilla sa chambre de fond en comble. Un accident est si vite arrivé, sous les tropiques ! Les scorpions et les serpents ont de si mauvaises habitudes ! Les « cascabels », par exemple, comme les Espagnols appellent les serpents à sonnettes. Ces délicieuses bestioles adorent la chaleur et sont très craintives. Dès qu’on les effleure, elles mordent. Un ami de Malko, as de la C.I.A., en avait fait l’unique expérience, dans une petite république d’Amérique centrale, où il remplissait une mission tellement ultra-secrète que le journal local avait annoncé son arrivée. En se couchant, il avait dérangé le sommeil d’un de ces reptiles, qui s’était aussitôt vengé. Tout cela, pour empêcher le chef d’une Junte militaire de garder le pouvoir, qu’on venait de lui donner…

Cette fois, il n’y avait rien. Soulagé, Malko s’étendit sur son lit. Il y a des jours où le temps passe très vite…

Le téléphone sonna.

Malko sauta sur son pistolet.

La sonnerie se répéta, trois fois, quatre fois. Enfin, il décrocha.

— Vous êtes calmé ?

C’était Ariane.

— Ecoutez, dit Malko, je ne peux pas vous expliquer, mais je vous donne ma parole de gentilhomme que nous étions tous les deux en danger…

— De gentilhomme ! minauda-t-elle. Après ce qui s’est passé tout à l’heure, vous pourriez au moins me faire des excuses.

— Vous ne m’en avez pas laissé le temps, soupira Malko. Mais je suis tout prêt à réparer cet oubli. Montez.

— Vous avez du culot. Vous essayez de me violer, et ensuite…

Dix minutes plus tard, elle frappait à la porte. Toujours aussi belle. Il lui prit les deux mains et l’attira à lui.

— Je vous demande pardon, murmura-t-il. J’étais fou.

Et il l’embrassa.

— Monstre ! soupira-t-elle.

Elle lui rendit son baiser. Du fond du cœur. Heureusement que Malko avait ôté son pistolet. On aurait été obligé de l’extraire de la peau d’Ariane.

La tunique s’envola avec une facilité dérisoire. Face à la lune, Ariane découpait une ombre chinoise à vous réconcilier avec le péril jaune. Décidément, les femmes étaient imprévisibles !… En bas, les mariachis hurlaient : « Guadalajara », en tirant des coups de revolver à blanc,

Ariane murmura :

— C’est vrai que vous êtes Prince ?

Chapitre IX

Onctueux et les yeux baissés, Felipe écoutait le récit de Malko. Le nombre de grenades employées l’avait beaucoup choqué.

– Ce sont des lâches, señor SAS, dit-il. Ils auraient dû venir pendant que vous dormiez et… couic… Oh pardon ! fit-il, contrit.

— En tout cas ce ne sont pas des professionnels, conclut Malko. Les gens que nous traquons sont affolés. Ils en font tantôt trop, tantôt pas assez. Ils tuent à tort et à travers. Pour nous empêcher d’arriver jusqu’à eux. Nous devons « brûler », sans nous en rendre compte…

Le boulevard Ariman était désert. Sur la place de l’Eglise, Malko s’attabla à un café, en touriste, et Felipe alla déambuler autour du square. Plusieurs petits cireurs y étaient déjà. Felipe demanda Eugenio. Il n’était pas encore venu

La place se remplit. Les cireurs défilaient. Malko en était à son quatrième café, et Felipe tournait comme un derviche autour des grilles vertes. Ses chaussures n’étaient plus qu’une tache de lumière : il en était à son sixième lustradore. Mais pas d’Eugenio !

Un par un, les enfants surgissaient, avec leur lourde caisse de bois accrochée à l’épaule, et s’installaient. Quand ils ne travaillaient pas, ils jouaient des marakas avec deux planchettes, ou sifflaient les touristes qui passaient. Felipe, avec ennui, revint s’asseoir près de Malko.

— Je ne comprends pas, dit-il. Ils le connaissent tous, mais ont l’air gênés d’en parler. Il paraît qu’il est là, les matins vers onze heures, et qu’il reste deux heures, avant d’aller faire le tour des hôtels.

— Il est déjà midi et demi, remarqua Malko. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé… C’est quand même bizarre qu’il soit le seul à ne pas se montrer. À moins qu’on ne l’ait prévenu de notre venue.

Malko était soucieux. Il se savait surveillé. La foule était trop dense pour qu’on puisse repérer un suiveur. D’autant que les frères Mayo pouvaient avoir des complices inconnus.

— Je repars, dit Felipe.

Il recommença ses tours de square. Peu à peu, la place se vidait, à cause de la chaleur. C’était l’heure sacro-sainte de la sieste. Les derniers petits cireurs s’en allèrent. Deux restèrent, fermèrent leur boîte et s’endormirent à même le sol, dans un coin d’ombre. Dans son alpaga, Malko grillait à petit feu, et l’angoisse lui serrait le ventre. Il fallait qu’il trouve ce gosse, coûte que coûte. Et il ne savait ni son nom, ni son adresse. Peut-être qu’à l’heure actuelle il était déjà mort…

Felipe arriva, dépité et sombre.

— Il n’y a plus rien à faire ici, dit-il. Essayons au Tropical.

C’était une bonne idée. Ils vidèrent rapidement me grande bière et s’enfoncèrent dans les petites rues.

Le rideau de fer était levé. Le journal travaillait. L’homme qui les avait reçus la première fois était à son bureau, une visière verte sur les yeux, comme dans les vieux films américains. Il salua joyeusement Felipe.

— Ola. Que tal ? Como va ?

Felipe lui expliqua qu’il cherchait le gamin. L’autre secoua la tête, puis regarda finement Felipe.

— Il vaut peut-être mieux que vous ne trouviez pas ce pobrecito Eugenio.

— Pourquoi ?

Il déplia une grande page d’imprimerie : l’épreuve du Tropical. En manchette, on lisait : Meurtre à la Perla.