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— Où est-il ?

— Il ne veut pas le dire. Chez lui.

— Offrez-lui de l’argent, coupa Malko.

Pépé secoua la tête :

— Il ne voudra pas. Il a des responsabilités, vous comprenez. Mais je vais essayer.

La discussion reprit de plus belle. À voir la tête de Pépé, les résultats n’étaient pas fameux. Enfin le gosse s’adressa à Malko.

— Il ne veut nous mener à Eugenio que si nous lui disons pourquoi nous voulons le voir. Il croit que vous êtes de la police. Mais il veut bien aller voir Eugenio et lui dire qu’on le cherche. Si Eugenio y consent, il viendra à votre hôtel. C’est d’accord ?

Malko soupira. Il sentait le syndicaliste inébranlable. Du roc.

— Bien, dit-il. Je serai au Hilton, ce soir, au bar, entre sept et huit. Dis-lui que c’est très important et qu’il peut gagner beaucoup d’argent. Toi, tu as bien, fait ton travail. Voilà tes cinq mille pesos,

II tira une liasse de billets et lui en tendit cinq, Pépé les empocha, muet de respect. Pedro guigna les billets et une lueur passa sur son visage fermé. Malko savait que le geste le dédouanait en partie. Les flics n’ont pas l’habitude de distribuer des pesos à la pelle…

Guidés par Pépé, ils redescendirent la colline et se retrouvèrent très vite dans l’Avenida del Mar, en plein Acapulco. Felipe fulminait :

— J’aurais dû le suivre, grogna-t-il.

Malko haussa les épaules.

— Vous auriez été repéré en vingt secondes. Et l’autre ne vous aurait jamais conduit à Eugenio. Non, il vaut mieux que cela se passe ainsi. Je pense qu’il viendra.

Pépé grillait de les quitter pour aller cacher sa fortune.

— Vous savez où me trouver, dit-il, si vous avez besoin de moi. Je suis toujours à la disposition de usted.

Il disparut en courant. Malko avait au moins fait un heureux.

Dix minutes plus tard, dans le hall glacé du Hilton, Malko trouva plusieurs messages dont un de Christina qui lui demandait de l’appeler à un numéro qu’elle avait laissé.

Ce qu’il fit en entrant dans sa chambre.

La jeune femme lui répondit elle-même :

— Je vous ai donné le numéro de ma chambre, lui dit-elle. Celui où l’on m’atteint toujours moi-même directement.

— Merci, dit Malko. D’habitude vous donnez celui de vos gorilles, pour qu’ils taillent en pièces l’insolent qui ose vous faire la cour ?

Elle rit légèrement.

Ne soyez pas amer. Mes « gorilles », comme vous dites, sont des hommes d’honneur.

— … Qui assassinent les gens au fusil à lunette ou les égorgent comme des porcs.

Il y eut un court silence au bout du fil. Puis Christina reprit, d’une voix où Malko crut discerner un peu de lassitude :

— Señor Malko, voulez-vous me considérer seulement comme une jolie femme ? Il y a des choses que je ne peux pas vous dire. Ne cherchez pas à trop en savoir, je ne pourrai pas toujours vous protéger.

Il avait envie de lui demander si elle était au courant du CX 3 et de l’existence de Tacata. Ou faisait-elle seulement allusion à des menées politiques ? Elle ne lui laissa pas le temps de se poser des questions :

— Voulez-vous venir prendre un verre à ma villa ? offrit-elle. C’est à deux pas de votre hôtel. Ce soir à sept heures.

Malko pensa à son rendez-vous. Il lui offrit de venir à l’hôtel. Et finalement ils tombèrent d’accord pour le bar du Hilton à sept heures.

La journée passa très vite. Felipe avait disparu ; il traînait dans Acapulco à la recherche d’informations sur Tacata et sur le Chamalo. Malko alla un peu au bord de la piscine et retrouva Ariane, entourée d’une équipe complète de base-ball en vacances. L’équipe s’écarta, écœurée, quand elle sauta au cou de l’arrivant et l’embrassa à pleine bouche. De quoi vous dégoûter du sport.

Etendu près de la jeune femme, Malko commanda pour eux deux coco-locos, la boisson vedette de l’hôtel, un mélange de rhum blanc et de jus de fruits glacés, servi dans une noix de coco évidée. Ce breuvage, qui se buvait comme de l’eau, colora rapidement de rose les pensées de Malko.

Felipe réapparut en fin de journée et s’installa discrètement à une table voisine.

Ariane aurait bien voulu sortir avec Malko, mais il y avait Christina. Il prétexta un rendez-vous d’affaires et lui promit de l’appeler dans sa chambre vers dix heures, si elle ne s’était pas fait enlever d’ici-là par les base-ballers.

Il monta s’habiller. Il adorait avoir beaucoup de temps pour se préparer. Il resta une demi-heure sous la douche, laissant avec délices l’eau tiède couler sur sa peau. Puis il choisit une chemise blanche au monogramme discret, une paire de mocassins en crocodile, légers comme de la soie, et un costume d’alpaga presque noir. Il était bien bronzé, et ses cheveux blonds accentuaient le contraste. Il mit ses lunettes de soleil, car ses yeux n’attiraient que trop l’attention. Avant de sortir, il glissa son pistolet extra-plat derrière sa hanche droite, entre la chemise et la veste. Ainsi, il pouvait ouvrir sa veste ; et même de dos cela faisait une bosse insignifiante. Quittant à regret l’asile frais de sa chambre, il traversa le couloir brûlant et s’engouffra dans l’ascenseur.

Christina était déjà là. Au lieu de s’asseoir, elle faisait les cent pas dans la galerie marchande, un petit sac à la main. Tous les hommes se retournaient sur elle. Son ensemble blanc, pantalon et veste, allongeait encore la silhouette et faisait ressortir le cuivre de la peau. Elle se retourna sur Malko et lui tendit la main :

— Vous vous faites attendre comme une jolie femme, dit-elle en souriant.

Malko lui baisa la main, mais eut du mal à détacher ses yeux de sa veste. Celle-ci ne croisait pas et se fermait par des nœuds de tissu, assez largement espacés. C’est-à-dire qu’on voyait une bande de peau, du cou au nombril. Elle ne portait pas de soutien-gorge.

Ils s’assirent au bar et commandèrent des coco-locos. Malko retira ses lunettes et nota avec satisfaction que la belle Christina n’était pas insensible à l’or de ses yeux. Elle tiqua aussi sur la couronne finement brodée de la chemise. C’était le moment d’attaquer.

— À quel jeu voulez-vous jouer avec moi, maintenant ? demanda Malko.

— À quel jeu ?

— Oui. La dernière fois que vous m’avez donné rendez-vous, à Mexico, vous vous êtes amusée de façon cruelle à mes dépens… Qu’avez-vous envie de faire, maintenant ? Quel autre piège me tendez-vous ?

Le bar étant presque vide, ils pouvaient parler à voix haute sans crainte d’être entendus. Elle rit et caressa légèrement la main de Malko.

— J’ai voulu vous donner une leçon, j’ai horreur des hommes trop sûrs d’eux, qui s’imaginent qu’une femme est prête à leur céder parce qu’elle leur donne rendez-vous. Son œil jeta un éclair.

— Aucun homme ne m’a jamais eue quand il voulait. C’est moi qui choisis. Toujours.

— Si vous aviez vécu il y a deux siècles, vous auriez jeté aux requins vos esclaves trop beaux, comme cela se faisait beaucoup.

— Ne vous moquez pas de moi, dit-elle la voix plus dure. J’ai beaucoup d’humiliations à rattraper. Je suis belle, riche, et les mœurs ont changé. Mais mon arrière-grand-mère indienne est morte sous les coups, après avoir été torturée.

— Pourquoi ?

— Pour manger, elle s’était vendue comme esclave. C’était une Indienne pure. Elle avait le malheur d’être belle. La femme de son maître, une Espagnole, a été jalouse. Les hommes avaient souvent des aventures avec leurs esclaves. Alors, un jour, sa maîtresse l’a fait attacher, lui a brisé les dents, qu’elle trouvait trop blanches, à coups de talon, lui a fait arracher les ongles, brûler les oreilles et couper le bout des seins.