Выбрать главу

— Bon Dieu de bon Dieu de bon Dieu ! fit-il enfin.

Une envie de vomir le prenait à la gorge. Ce n’était pas possible : il venait d’entendre un officier américain ordonner à des chasseurs américains d’abattre un appareil civil américain bourré de passagers !

Ce n’était pas la première fois que les Cubains tentaient de s’emparer d’un avion. Au pire, on le récupérerait à Cuba et les passagers en seraient quittes pour la peur, plus un détour mouvementé.

L’officier qui avait donné cet ordre devait être fou. Il fallait faire quelque chose. Lovell décrocha son téléphone et dit d’une voix ferme :

— Donnez-moi le quartier général de l’Air Force, à Washington. En priorité urgente.

L’avion de tête des six « A  11 » effectua un long virage. Ils volaient à près de 90 000 pieds au-dessus de la mer des Caraïbes. Très peu de gens dans le monde savaient que ces chasseurs capables de voler à 2700 à l’heure étaient déjà en service. Ce jour-là, ils accomplissaient une mission de surveillance quand ils avaient reçu le message du colonel Sidney. Ils avaient tout de suite repéré le DC 9 sur les écrans radar, mais n’étaient pas intervenus.

La voix du capitaine qui commandait l’escadrille retentit dans les récepteurs T. B. S. des autres « A 11 », sur une fréquence spéciale que seuls les six appareils de l’escadrille pouvaient entendre.

— Je ne sais pas ce que fichent ces corniauds de Washington, mais vous avez tous entendu l’ordre, dit le capitaine. Nous devons rattraper et abattre ce DC 9.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? dit le pilote d’un des chasseurs. C’est un avion civil, plein de civils, des nôtres. C’est un crime que nous allons commettre. Même si le DC 9 est sous le contrôle des Cubains.

— Vous savez qui est le général Sidney, reprit suavement le capitaine : le patron de l’Intelligence de l’Air Force. Il prend ses ordres directement chez le Président. Même si cela nous paraît atroce, il n’y a pas à discuter. Il y a certainement une raison secrète et impérieuse.

— Et si le Président était devenu fou ? suggéra quelqu’un.

— Allons, assez de bavardage ! dit le chef d’escadrille. Au top, passez sur post-combustion.

Le capitaine compta à rebours de cinq à un, puis dit calmement « Top ». Six doigts actionnèrent six manettes. Par une centaine de canalisations, le carburant afflua aux réacteurs. Les appareils tremblèrent sous la brutale accélération : la chasse commençait.

D’un bunker enterré aux alentours de Washington, le général Sidney suivait la chasse sur un grand écran radar où les appareils apparaissaient comme de petites taches vertes en mouvement. Le DC 9 était loin en avant, tout près de la ligne rouge matérialisant l’espace aérien cubain. Les six petits points allaient beaucoup plus vite que lui, mais en étaient encore très éloignés.

Il soupira. Lui non plus ne savait pas pourquoi il fallait à tout prix abattre ce DC 9 innocent, plein de civils. Dans son service, il avait déjà eu des missions bizarres à remplir, des avions non identifiés à descendre, mais jamais un cas comme celui-ci.

Les petites taches vertes se rapprochaient du DC 9. Soudain de petits points se détachèrent des chasseurs : ils lâchaient leurs missiles air-air sur le DC 9, car ils devaient être arrivés à bout de carburant.

Sidney suivit les trajectoires avec anxiété. L’équipage du DC 9 ne devait même pas savoir que la mort était en route.

Mais le sort en décida autrement : une à une, les trajectoires des missiles s’inclinèrent gracieusement vers la mer et ils disparurent de l’écran radar. Le DC 9 était hors de portée. Déjà les « A 11 » faisaient demi-tour. Leur mission avait échoué. Et le DC 9 passa la ligne rouge de l’espace aérien cubain. Sans vouloir se l’avouer, le général Sidney était soulagé. Les innocents de l’avion poursuivi auraient la vie sauve. Peut-être était-ce une mauvaise chose de ne pas avoir abattu cet avion, mais lui en était heureux. Il décrocha son téléphone :

— Passez-moi la Maison-Blanche, dit-il.

Le secrétaire du Président lui répondit, à l’autre bout du fil !

— Avez-vous abattu ce DC 9 ?

— Non, monsieur. Les chasseurs sont intervenus trop tard, bien qu’ils aient lancé tous leurs missiles.

— C’est ennuyeux, très ennuyeux, répondit le secrétaire. Le Président avait donné l’ordre absolu qu’on abatte cet appareil. Nous sommes dans une situation tragique, s’il se pose à Cuba. N’y a-t-il plus rien à tenter ?

— Non, monsieur le secrétaire.

— Bien. Je vais rendre compte au Président. Gardez un secret absolu sur cette affaire ; Je vais prévenir le F. B. I. de mon côté, pour parer aux fuites possibles. Une station radio a capté le S. O. S. de l’avion. Il faut savoir ce qu’ils ont dit.

Il se tut un instant et conclut :

— Nous sommes dans un fichu pétrin.

Le lendemain, dix minutes après que Stanley Lovell eut pris son service, un homme entra dans la tour de contrôle. Il avait l’air d’un représentant, avec son gros porte-documents, son complet gris et son feutre assorti. Mais il n’avait pas les yeux d’un commis voyageur.

— Je suis Jim Conan, du F. B. I., dit-il à Lovell, en entrouvrant un porte-cartes. Je voudrais vous parler.

— A votre disposition, monsieur.

Lovell, très intimidé, tâcha de n’en laisser rien paraître. C’est la première fois qu’il avait affaire au F. B. I.

— Racontez-moi tout ce que vous savez au sujet de cet avion détourné de sa route, ordonna poliment le policier.

Pendant que Lovell parlait, il ne prit que quelques notes, se contentant d’écouter attentivement. Il ne sourcilla pas quand le radio lui parla des messages ordonnant d’abattre l’avion. La veille, la personne qu’il avait eue au téléphone à la Maison-Blanche lui avait promis qu’on lui enverrait quelqu’un. Quand il eut terminé, il demanda :

— Vous n’avez aucune idée de la raison pour laquelle on a tenté de s’emparer de cet appareil ?

Lovell ouvrit de grands yeux :

— Non, bien sûr. Vous pouvez me le dire ?

— Je ne suis pas autorisé à vous répondre.

Le ton était définitif. Le policier continua.

— Monsieur Lovell, je dois vous rappeler que vous êtes tenu au secret le plus total concernant cette affaire. Vous ne devez en parler à personne, même pas à votre femme ou votre petite amie. Toute indiscrétion vous causerait les plus graves ennuis. Vous passeriez devant un Grand Jury… pour espionnage.

— Mais…

— Je ne peux rien vous dire. Les informations que vous détenez concernent directement la sécurité des U.S.A.  Dans d’autres pays, on vous enverrait simplement dans un camp, pour plus de sécurité. Vous avez de la chance de vivre ici…

Le policier se leva et reprit sa serviette. En serrant la main de Lovell, il lui dit :

— Si vous aviez une information nouvelle concernant cette affaire, contactez immédiatement le plus proche bureau du F. B. I. et n’en parlez à personne. Au revoir.

Lovell resta silencieux bien après que le policier fut parti. Il aurait donné cher pour savoir pourquoi des gens aussi importants s’intéressaient à une histoire en apparence aussi banale.

Chapitre II

Le rat sortit, d’un mur, presque sous les pieds de Serge Lentz. Celui-ci fit un bond en arrière, et il allait écraser le rongeur d’un coup de bâton lorsqu’il remarqua la bave qui sortait de la gueule du rongeur.

La bête se traîna encore quelques mètres, dans la poussière, et bascula sur le côté. Ses pattes bougeaient faiblement et son ventre était gonflé à éclater. Il eut une convulsion et ne bougea plus. Surmontant son dégoût, Serge Lentz s’approcha et se pencha sur le petit cadavre. Déjà il sentait.