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Il se glissa près d’elle et la voiture démarra doucement, tournant le dos à Acapulco. Malko se renversa sous les coussins, caressé par l’air frais du soir. La baie brillait de tous ses feux. Cette femme splendide, cette voiture de luxe, cette végétation tropicale, Acapulco !… Il n’y avait que la bosse un peu douloureuse du pistolet, dans le dos, pour lui rappeler qu’il n’était pas en vacances.

À l’autre bout de l’avenue Ariman, Eugenio Castillanes se hâtait de rentrer, sa lourde boîte lui sciant l’épaule. Il avait compris que le Señor étranger ne voulait pas parler devant sa compagne. Il reviendrait demain. Heureusement qu’il avait les cent pesos, car la route était longue.

À cent mètres de lui, Felipe suivait, dans l’ombre. Il n’avait pas voulu prendre de voiture, pour ne pas attirer l’attention du cireur, et il se maudissait : il avait horreur de la marche.

Un peu plus loin, derrière Felipe, une ombre avançait silencieusement. Un homme vêtu de sombre, qui s’était embusqué longtemps en face du Hilton. Chaussé d’espadrilles de corde, il ne faisait aucun bruit. Passé dans sa ceinture, il y avait un rasoir, affûté chaque matin. Avec cela, il était plus dangereux qu’avec un revolver. Il s’appelait Olivero Mayo.

Chapitre X

Pendant dix bonnes minutes, la voiture roula sur une route déserte et noire, sans aucune habitation. Par moments, en se retournant, Malko apercevait les lumières d’Acapulco. Christina conduisait vite et bien sur le chemin de terre défoncée. Ils montaient à travers les collines entourant la mer. Pour la première fois de sa vie, Malko regrettait d’avoir suivi une femme. C’était le guet-apens parfait. Si Christina avait de mauvaises intentions, dans quelques semaines ou dans quelques mois, on retrouverait le corps de l’imprudent, mangé par les fourmis ou par les vautours.

— À quoi pensez-vous ? demanda l’Indienne.

— À vous.

Discrètement, de son dos il fit passer son pistolet par-devant.

— Vous devez me trouver bien audacieuse, d’inviter dans ma maison un homme que je connais à peine, continua Christina. Voilà, nous arrivons.

La voiture passa une barrière blanche, suivit une allée bordée de flamboyants et s’arrêta dans une cour brillamment éclairée par des projecteurs. Christina coupa le moteur. On n’entendit plus que le bruissement des innombrables insectes de la nuit tropicale. Devant eux il y avait une grande bâtisse sans lumière.

— Venez, dit Christina.

Malko sortit à regret de la voiture. Cet endroit désert ne lui disait rien qui vaille. Christina prit le bout de ses doigts et l’entraîna.

Ils contournèrent la maison par un sentier de sable et brusquement débouchèrent en plein irréel. Derrière, il y avait une immense piscine, bordée de bosquets, eux-mêmes éclairés de l’intérieur par de petits projecteurs. Devant la piscine, une sorte de terrasse en mosaïque où étaient disposés une grande table surchargée de victuailles, des fauteuils et un immense canapé très bas, recouvert de cuir blanc. La piscine était située sur un promontoire, et toute la baie d’Acapulco s’étalait au pied de la maison.

— Quel endroit féerique ! soupira Malko.

— Il est à nous pour ce soir.

Christina s’était rapprochée de lui. Elle lui embrassa la tempe légèrement et murmura :

— Vous me pardonnerez de vous servir un repas froid. Ce soir, je ne voulais pas de domestiques. Nous sommes seuls, vous et moi. Si vous en doutez, allez visiter l’intérieur. Tout est ouvert.

— Vous n’avez pas peur des voleurs ? demanda Malko.

Christina éclata de rire.

— Celui qui entrerait dans cette maison sans ma permission n’en ressortirait pas vivant.

— Vous m’aviez dit que nous étions seuls ?

— J’ai dit qu’il n’y avait pas de domestiques. Ne bougez pas.

Elle siffla doucement.

Il y eut près de la piscine, un bruit de feuillages froissés. Une ombre glissa sur la mosaïque et Malko resta pétrifié, la bouche sèche. Une sorte de panthère venait de sortir de l’ombre et arrivait au petit trot.

La bête contourna Malko et vint se frotter contre les jambes de Christina, comme un gros chat.

La jeune femme lui gratta la tête et dit quelques mots que Malko ne comprit pas. L’animal quitta ses jambes, et Malko, horrifié, sentit la chaleur de la gueule sur les jambes de son pantalon.

— Laissez-vous faire, il vous sent, dit Christina. C’est Paquito, mon ami le plus sûr. Un ocelot. Ordinairement, c’est un animal cruel, qu’on ne peut apprivoiser. Mais j’ai nourri celui-ci au biberon pendant des semaines et il s’en souvient. Il m’obéit comme un chien et n’accepte de nourriture que de moi. Sur un signe il vous transformerait en charpie. N’est-ce pas Paquito ?

Paquito gronda et bondit souplement sur le canapé. Malko était en train de se demander si les cartouches de son pistolet traverseraient la fourrure d’un ocelot. Problème auquel la C.I.A. n’avait pas pensé.

— Ne soyez pas troublé dit Christina. Il est doux comme un agneau. Caressez-le. Il adore ça.

Malko avança une main hésitante et rencontra une fourrure rugueuse. Paquito émit ce qu’on pouvait considérer comme un ronronnement.

Christina prit sur la table un énorme rôti et le lui tendit. L’ocelot l’attrapa délicatement, entre deux rangées de crocs impressionnants, et s’éloigna vers les feuillages.

— Voilà. Comme cela, il fera sa sieste, dit Christina et il ne nous dérangera plus. Il aime la viande. Maintenant, détendez-vous.

Allant au mur, elle découvrit un petit tableau de commandes et appuya sur plusieurs boutons. Aussitôt l’éclairage devint plus doux. Une musique surgit de la nuit, par des haut-parleurs dissimulés dans la verdure. Le fond de la piscine s’éclaira.

La chaleur était beaucoup moins forte qu’à Acapulco. Une température paradisiaque.

— Voulez-vous nager un peu ? proposa Christina.

Elle n’attendit pas la réponse. Rapidement, elle défit sa tunique, en un éclair, Malko aperçut la poitrine magnifique. La jeune femme fit glisser la fermeture éclair de son pantalon et, dans la demi-obscurité, apparut totalement nue. Sans un mot, elle courut au bord de la piscine et plongea irréprochablement.

Malko resta pétrifié : Ça et l’ocelot, c’était trop ! Si c’était un piège, il était doublé de velours.

— Venez !

La voix joyeuse de Christina le tira de sa méditation. II fit quelques pas vers l’eau. Ses vêtements l’embarrassaient. D’autre part, il ne pouvait pas plonger, le pistolet entre les dents. Cela ne se fait pas, entre gens de bonne compagnie.

Et la sale bête qui devait finir son rôti, à vingt mètres de là !…

Il se décida enfin. Pliant ses affaires soigneusement sur le fauteuil, il cacha son pistolet entre deux coussins du canapé, la crosse à portée de la main. Puis, aussi nu que l’Indienne, il piqua une tête dans le bassin.

Elle l’attendait à l’endroit où il ressortit et lui passa joyeusement les bras autour du cou,

— Bonsoir, querido.

Sa bouche était fraîche, et même dans l’eau son corps exhalait un léger parfum. Malko l’embrassa. Elle se serra contre lui. La piscine devait avoir près de trois mètres de fond, mais Malko et Christina se maintenaient debout en remuant doucement les jambes.

Elle le tira vers le bord et s’appuya au rebord de mosaïque. L’eau tiède les caressait doucement. Malko laissa glisser sa main le long du corps de sa partenaire. Elle souriait en regardant le ciel.