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— Regarde, tu peux même le prendre comme un bébé !

Le vid se rétrécit pour montrer le persan dans les bras de son maître.

— Peut-être qu’ils te laisseront avoir un bébé bientôt, dit Claire.

— Ce n’est pas la même chose.

Silver ne put cependant s’empêcher de jeter un regard envieux en direction d’Andy qui dormait roulé en boule près de sa mère.

— Je me demande si j’aurai un jour l’occasion d’aller en gravispace…

— Oh !… Je ne vois pas pourquoi ça te tente. Ça a l’air tellement inconfortable. Et dangereux, aussi.

— Les gravs le supportent bien, eux. En plus, toutes les choses intéressantes ont l’air de venir de… des planètes.

Les choses et les gens, ajouta-t-elle en son for intérieur. Elle songea à l’ancien professeur de M. Van Atta, ce M. Graf, rencontré la veille dans le service d’hydroponique. Encore un de ces importants personnages à deux jambes qui voyageaient partout dans l’espace. D’après M. Van Atta, il était né sur la vieille Terre.

Un coup discret retentit à la porte de la cabine insonorisée, et Silver se servit de sa télécommande pour ouvrir. Siggy, en short et en T-shirt jaunes du service de maintenance, passa la tête.

— C’est moi, Silver.

— D’accord. Entre.

Siggy se glissa à l’intérieur et Silver referma derrière lui. Siggy se retourna, fouilla dans la trousse à outils accrochée à sa ceinture et en sortit une pince-monseigneur avec laquelle il bloqua le mécanisme d’ouverture de la porte. Il laissa toutefois la plaque murale ouverte au cas où il devrait rétablir en urgence le libre accès – une visite surprise du Dr Yei, par exemple. Silver, entre-temps, avait ôté le boîtier de l’holovid et Siggy connecta son brouilleur électronique fait maison au câble électrique. Si quelqu’un s’avisait de vouloir se brancher sur leur visionneur, il n’obtiendrait que des parasites.

— Tu es sûr qu’on ne va pas au-devant de gros ennuis si on se fait piquer ? demanda Claire, inquiète.

— Je ne vois pas pourquoi, objecta Silver. M. Van Atta débranche bien le détecteur de fumée dans sa cabine quand il allume une cigarette.

— Je croyais que les gravs n’avaient pas le droit de fumer ici, remarqua Siggy, surpris.

— M. Van Atta dit que c’est un privilège dû à son rang.

— Il t’a déjà donné une de ses cigarettes ? demanda Claire avec avidité.

— Oui, une fois.

— Ouah… fit Siggy, admiratif. Et alors ? C’était comment ?

Silver fronça le nez.

— Pas terrible. Ç’avait plutôt mauvais goût. J’avais les yeux tout rouges, après. Franchement, je ne vois pas ce qu’ils trouvent de bon là-dedans. Peut-être que les gravs ont des réactions biochimiques qu’on n’a pas, nous. J’ai demandé à M. Van Atta, mais il s’est mis à rire, c’est tout.

Siggy attendit poliment puis, voyant que Silver en avait terminé, il se tourna vers l’holovid. Un silence attentif tomba sur la cabine alors que la musique enflait et que les grosses lettres rouges du titre s’inscrivaient sous leurs yeux. Le Prisonnier de Zenda.

Le film débutait sur une scène de rue remontant à l’aube de la civilisation, c’est-à-dire avant la conquête spatiale ou même l’électricité. Quatre superbes chevaux à la robe brillante, les harnais tintinnabulants, tiraient une sorte de grosse boîte noire montée sur roues.

— Tu ne pourrais pas avoir d’autres épisodes de la série Ninja ? se plaignit Siggy. C’est quand même mieux que ton film poussiéreux. Je veux quelque chose de réaliste, moi, comme cette poursuite infernale dans la ceinture d’astéroïdes…

Ses mains se poursuivirent les unes les autres tandis qu’il mimait la scène, bruitage nasal compris.

— Tais-toi et regarde les animaux, dit Silver. Il y en a tant… et ce n’est même pas un zoo. Ça grouille de partout, vous avez vu ?

— Il y a autre chose qui doit grouiller, pouffa Claire. Tu as remarqué qu’ils ne portent pas de couches ?

Siggy renifla, écœuré.

— Ça devait vraiment être un endroit dégoûtant, la Terre, avant. Je comprends que les gens se soient fait pousser des jambes. Ils ne voulaient sans doute pas avoir le nez au ras du sol. T’imagines ?…

Silver coupa le vid.

— Si vous n’avez pas d’autre sujet de conversation, menaça-t-elle, agacée, je vais me coucher. Et j’emporte mon vid. Vous pourrez toujours regarder « Techniques de maintenance des services de restauration », si ça vous chante…

— Désolé.

Siggy enroula ses quatre bras sur lui-même et baissa la tête. Claire se garda de tout autre commentaire.

Satisfaite, Silver ralluma le vid et continua à suivre le film en silence. Quand les scènes de train commencèrent, même Siggy arrêta de gigoter.

Leo était en plein cours. Le premier de son stage.

— Maintenant, voici un exemple typique de soudure au faisceau électronique.

Il actionna la télécommande de son holovid et une image holographique, d’un bleu vif, un enregistrement de l’inspection radiographique informatisée de l’objet original, apparut au centre de la salle.

— Mettez-vous en cercle, les enfants, vous pourrez mieux voir.

Les quaddies se déployèrent autour de l’image, s’entraidant pour se stabiliser.

Le Dr Yei, dans le fond de la salle, assistait au cours. Pour en surveiller la pureté idéologique, supposait Leo. À vrai dire, il s’en moquait. La présence de Yei ne lui ferait en aucun cas modifier son discours.

Il imprima un mouvement de rotation à l’image de sorte que chaque élève pût la voir sous tous les angles.

— À présent, grossissons cette partie. Vous voyez la coupe transversale effectuée par le faisceau à densité de haute énergie, que vous avez déjà rencontré lors de vos cours de soudure, d’accord ? Remarquez bien les petites porosités rondes, là…

Il grossit davantage l’endroit indiqué.

— À votre avis, cette soudure est-elle défectueuse ou non ?

Il fut à deux doigts d’ajouter : « Levez la main », avant de prendre conscience que sa directive risquait de semer le trouble dans les esprits. Plusieurs étudiants, tout de rouge vêtus, vinrent à son secours en croisant sagement leurs bras supérieurs sur leur torse avec un air hésitant. Leo hocha la tête en direction de Tony.

— Ce sont des bulles de gaz, n’est-ce pas, monsieur ? Alors, elle doit être défectueuse.

Leo le remercia d’un sourire.

— En effet, ce sont des porosités gazeuses. Ce qui est curieux, cependant, c’est que lorsque nous étudions les données, elles n’apparaissent pas comme des défauts. Faisons courir le scan électronique sur cette longueur-ci, en gardant un œil sur les données. Comme vous pouvez le voir…

Les chiffres, dans le coin supérieur de l’image, variaient tandis que la coupe transversale défilait à toute vitesse.

—… il n’apparaît jamais plus de deux porosités à la fois, et partout les vides occupent moins de cinq pour cent de la section. D’autre part, de toutes les formes éventuelles de discontinuité, les cavités sphériques de ce type sont les moins à même de provoquer des fissures. Ce qu’on appelle « discontinuité » est un défaut non critique.

Leo se tut un court instant tandis que deux douzaines de têtes se penchaient à l’unisson pour souligner le mot sur l’autotranscription de leurs portables coincés entre leurs mains inférieures.

— Si j’ajoute que cette soudure a été effectuée dans un réservoir à basse pression fluidique et non, par exemple, dans la chambre à propulsion d’un thruster soumise à une pression bien plus considérable, on comprend clairement ce que cette définition a d’insaisissable. Car, dans un thruster, le défaut que nous avons vu ici, au stade où il en est, aurait été critique. Maintenant…