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La jeune femme demeura inflexible.

— Commandant, ce n’est pas le seul élément qui relie la famille royale à cette affaire. Je ne veux pas que vous soyez pris par surprise.

Tout en parlant, Mónica Martín ouvrit une autre page.

— Voici une photo qui est en ligne depuis un moment, et personne n’y a fait attention. Mais avec ce qui s’est passé ce soir, ça va devenir viral. On va la voir partout dans les journaux.

Elle lui tendit à nouveau la tablette.

— « La dernière photo d’Edmond Kirsch vivant », lut Garza.

Un cliché granuleux montrait Kirsch dans un costume sombre, debout au bord d’une grande falaise.

— Ça date de trois jours. Quand Kirsch s’est rendu à l’abbaye de Montserrat. Un ouvrier sur le chantier a reconnu le futurologue et a pris une photo. Après le meurtre de Kirsch, le type l’a repostée avec un nouveau titre.

— Quel rapport avec nous ?

— Passez à la photo suivante.

Garza s’exécuta. En découvrant la deuxième image, il fut pris de vertige.

— C’est impossible…

C’était une vue plus large du même cliché. On y voyait Kirsch en compagnie d’un autre homme, un type grand et maigre, portant une soutane. L’archevêque Valdespino.

— Pourtant, c’est le cas, répliqua Mónica Martín. Valdespino a rencontré Kirsch, il y a quelques jours.

Garza resta sans voix.

— Mais pourquoi, après ce qui s’est passé ce soir, n’a-t-il rien dit ?

La jeune femme le regarda d’un air entendu.

— C’est pour cela que j’ai voulu vous en parler personnellement.

Valdespino avec Kirsch !

Cette seule idée était inconcevable.

Et il l’a caché…

Il fallait alerter le prince au plus vite.

— Malheureusement, ce n’est pas tout, poursuivit Mónica en touchant de nouveau sa tablette.

Une voix retentit soudain dans la pièce à côté :

— Alors, commandant ? Quelles sont les nouvelles ?

Valdespino…

— Comment se passe le rapatriement de Mlle Vidal ?

Mónica Martín écarquilla les yeux de surprise.

— Il est ici ?

— Oui. À conseiller le prince, répondit Garza en baissant le ton.

— Commandant ? insista le prélat. Vous êtes toujours là ?

— J’ai encore d’autres informations à vous donner ! s’empressa de chuchoter Mónica. C’est très urgent ! Il faut que vous soyez au courant avant que vous ne parliez au prince ou à Valdespino. Les événements de ce soir sont bien plus graves que vous ne l’imaginez.

Garza dévisagea un moment la jeune chargée de communication.

— À la bibliothèque ! Dans une minute !

Mónica Martín hocha la tête et s’éloigna.

De nouveau seul, Garza prit une longue inspiration pour chasser toute trace d’inquiétude et de colère. Et, d’un pas tranquille, il revint dans le salon.

— Tout va bien ! annonça-t-il avec un sourire. Elle va arriver. Je descends au PC confirmer son transfert.

Garza fit un signe de tête rassurant au prince, puis s’adressa à Valdespino :

— Je reviens tout de suite. Ne bougez pas.

Sur ce, il tourna les talons et s’en alla. L’archevêque le regarda partir.

— Il y a un problème ? s’enquit le prince en remarquant l’expression perplexe de Valdespino.

— Oui. Je recueille des confessions depuis cinquante ans. Et je sais reconnaître un mensonge.

34.

 

ConspiracyNet.com

FLASH SPÉCIAL

LA COMMUNAUTÉ INTERNET S’INTERROGE

Après l’assassinat d’Edmond Kirsch, les followers du célèbre futurologue sont dans tous leurs états. Deux grandes interrogations agitent la blogosphère :

QU’A DÉCOUVERT KIRSCH ?

QUI L’A TUÉ ? ET POURQUOI ?

Concernant la découverte de Kirsch, les spéculations vont bon train : Darwin, les extraterrestres, le créationnisme — pour ne citer que celles-ci.

Concernant le meurtre, aucune piste n’a été confirmée par les autorités, mais on parle d’intégrisme religieux, d’espionnage industriel, de jalousie.

Une source anonyme a promis d’envoyer à ConspiracyNet des informations exclusives sur le tueur. Nous les mettrons en ligne dès qu’elles nous seront parvenues.

35.

Ambra Vidal se tenait dans la cabine du bateau-taxi, emmitouflée dans la veste de Langdon. Quelques minutes plus tôt, quand le professeur lui avait demandé pourquoi elle avait accepté d’épouser un homme qu’elle connaissait à peine, sa réponse avait été sincère.

Je n’ai pas eu le choix.

Elle ne voulait pas penser à ses fiançailles avec Julián, pas après ce qui était arrivé ce soir.

Elle avait été prise au piège. Et c’était toujours le cas.

En regardant son reflet dans la vitre sale, un profond sentiment de solitude s’empara d’elle. Ambra Vidal n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort, mais cette nuit elle avait du vague à l’âme.

Je vais épouser un homme impliqué dans un meurtre, songea-t-elle.

D’un simple appel une heure plus tôt, le prince avait scellé le destin d’Edmond. Les portes allaient ouvrir, c’était le rush… quand une jeune hôtesse avait accouru en brandissant un bout de papier.

¡ Señora Vidal ! ¡ Mensaje para usted !

Hors d’haleine, la fille avait expliqué qu’il y avait eu un appel important à l’accueil.

— L’écran disait que ça venait de Madrid, du Palais royal. Alors, j’ai pris le message. C’était un des assistants du prince Julián !

— Ils ont appelé à l’accueil ? s’était étonnée Ambra.

— Ils ont essayé de vous joindre sur votre portable mais ça ne répondait pas.

Ambra avait vérifié son téléphone. Aucun appel manqué. Puis elle s’était souvenue que les techniciens avaient fait des tests de brouillage un peu plus tôt. L’assistant de Julián avait peut-être téléphoné à ce moment-là ?

— Apparemment, le prince a reçu l’appel d’un ami de Bilbao qui aimerait assister à la soirée. (La fille lui avait tendu le morceau de papier.) Il vous demande d’ajouter son nom à la liste des invités.

Ambra avait parcouru le message :

ex-Amiral Luis Ávila
Armada Española

Un officier de la marine à la retraite ?

— Ils ont laissé un numéro. Vous pouvez rappeler si vous voulez, mais le prince Julián va bientôt entrer en réunion et il ne sera sans doute pas joignable. Il vous remercie d’avance et espère que cette requête ne vous mettra pas dans l’embarras.

La mettre dans l’embarras ? s’était-elle dit. Il avait fait bien pire !

— Je vais m’en occuper. Merci.

La jeune hôtesse avait tourné les talons, ravie, comme si elle venait de délivrer une lettre de Dieu en personne.