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Sans sortir de voiture, Ambra et Langdon étaient passés à l’arrière et, grâce à l’appli personnalisée de Kirsch, la jeune femme avait lancé l’Autopark.

La voiture avait redémarré. Sous la bâche, Langdon sentait le corps de la jeune femme plaqué contre le sien dans l’espace exigu entre les deux banquettes. Cela lui rappelait sa première fois avec une jolie fille à l’arrière d’une voiture.

J’étais bien plus nerveux encore à l’époque ! se souvenait-il.

Et aujourd’hui, il se trouvait dans une voiture qui roulait toute seule en compagnie de la future reine d’Espagne !

La voiture ralentit au bas de la rampe, fit quelques manœuvres et coupa le moteur.

— Terminus ! lança gaiement Winston.

Aussitôt, Ambra tira la bâche, se redressa avec précaution et inspecta les alentours.

— Rien à signaler !

Langdon sortit à son tour de l’habitacle, soulagé de se retrouver à l’air libre.

— Les ascenseurs sont dans le hall, annonça Ambra en se dirigeant vers la rampe hélicoïdale.

Sur la paroi de ciment de ce parking souterrain, un grand tableau, dans un joli cadre, s’offrait au regard. Un paysage de bord de mer.

— C’est une idée d’Edmond ? Une toile de maître dans un parking souterrain ?

— Il aimait être accueilli par la beauté chaque fois qu’il rentrait chez lui.

Je vois que je ne suis pas le seul amoureux des arts, se dit Langdon.

— L’artiste, intervint Winston, est un homme qu’Edmond admirait beaucoup. Vous voyez qui c’est ?

Le programme avait basculé à nouveau sur le téléphone de Kirsch qu’Ambra avait dans les mains.

Langdon n’en avait aucune idée. La technique était si délicate qu’on eût dit une aquarelle. On était loin des œuvres avant-gardistes qu’appréciait d’ordinaire Edmond.

— C’est une toile de Churchill, répondit Ambra. Edmond le citait souvent.

Churchill ? Il fallut un moment à Langdon pour comprendre qu’il s’agissait de Winston Churchill, l’homme d’État britannique qui en plus d’être un héros de la guerre, un historien, un orateur émérite, était un peintre tout à fait remarquable. Il se souvenait qu’Edmond avait cité une fois Churchill alors que quelqu’un lui avait fait remarquer qu’il s’était attiré les foudres de l’Église : « Vous avez des ennemis ? C’est bien. Cela prouve que vous vous êtes battu pour quelque chose ! »

— C’est l’étendue des talents de cet homme qui impressionnait le plus Edmond, précisa Winston. Les humains montrent rarement des capacités dans des champs aussi divers.

— Et c’est pour cela qu’il vous a appelé « Winston » ?

— Oui, il m’a fait ce grand honneur.

Heureusement que je n’ai pas commis de bourde ! songea Langdon qui croyait au début que « Winston » était une allusion à « Watson », l’ordinateur de l’ancien jeu télévisé Jeopardy ! Aujourd’hui, Watson ferait figure d’amibe devant les nouvelles Intelligences Artificielles.

— Félicitations, Winston ! lança Langdon en rejoignant Ambra. Maintenant, allons trouver ce mot de passe !

*

Au même moment, dans la cathédrale de l’Almudena, Diego Garza écoutait Mónica Martín lui donner les dernières nouvelles au téléphone.

Valdespino et le prince Julián étaient partis dans la voiture d’un novice ? Au beau milieu de Madrid ? C’était de la folie !

— Alertons la sécurité routière, proposa la jeune femme. Suresh dit qu’on peut les suivre avec leurs caméras.

— Non ! Il ne faut révéler à personne que le prince est hors du Palais sans protection. C’est bien trop risqué ! Sa sécurité doit être notre priorité.

— C’est entendu. (Mal à l’aise, Mónica marqua un silence.) Commandant, il y a autre chose qu’il faut que je vous dise. C’est à propos d’une entrée dans un fichier téléphonique qui a été effacée…

— Attendez une seconde, Mónica ! lança Garza en voyant quatre de ses agents de la Guardia s’approcher. Ne quittez pas.

À sa surprise, les hommes l’encerclèrent. Et l’un d’eux lui prit son arme et son téléphone.

— Commandant Garza, annonça le chef du détachement. J’ai reçu des ordres. Vous êtes en état d’arrestation.

52.

Le plan de la Casa Milà est une double boucle, comme le signe infini, qui forme deux trous aux bords effondrés. Chaque fosse mesure près de trente mètres et, vu du ciel, on a l’impression que deux puits percent le toit de l’immeuble.

D’en bas, en revanche, au fond de l’un de ces puits, Langdon avait l’impression de se trouver dans la gorge d’un monstre géant.

Sous ses pieds, le sol était inégal. Un escalier en spirale montait à l’ascension de ce puits, son garde-fou en fer forgé reproduisant les alvéoles d’un corail. Une jungle de lianes et de feuilles débordait des rambardes, comme pour envahir tout l’espace.

Une architecture vivante, s’émerveilla Langdon, en reconnaissant une fois de plus les talents de Gaudí à reproduire la profusion du vivant.

Langdon contempla les parois de la « gorge », plus haut, toujours plus haut, avec ses céramiques brunes et vertes décorées de fresques florales qui s’élevaient, avides, vers l’ovale de ciel nocturne.

— Les ascenseurs sont par là, annonça Ambra en l’entraînant sur le côté.

Alors qu’il entrait dans la cabine, Langdon songea au dernier étage de l’immeuble qui accueillait autrefois un petit musée sur Gaudí. Dans son souvenir, l’endroit était sombre, en sous-pente avec très peu de fenêtres.

— Edmond peut vivre où il veut, reprit-il tandis que l’ascenseur s’élevait. Je m’étonne qu’il ait choisi un grenier.

— Cet appartement est atypique, c’est sûr, répondit Ambra. Mais Edmond l’était aussi.

Une fois parvenus au dernier étage, ils montèrent une volée de marches qui menait à un palier privé.

— On y est, déclara Ambra en se dirigeant vers une porte en métal dépourvue de poignée et de serrure.

À l’évidence, il s’agissait d’une modification du nouveau locataire.

— Vous disiez savoir où il cachait les clés, s’inquiéta Langdon.

Ambra brandit le téléphone d’Edmond.

— Au même endroit que tout le reste !

Elle plaqua l’appareil contre le battant de métal, qui émit trois bips. Langdon entendit une série de pênes se désengager de leur logement et la jeune femme poussa la porte.

— Après vous ! s’exclama-t-elle.

Langdon franchit le seuil et pénétra dans un vestibule plongé dans la pénombre. Les murs et le plafond étaient en briques marron clair. Le sol était en pierre. L’air sentait le renfermé.

En passant dans l’autre pièce, Langdon se trouva nez à nez avec un immense tableau, éclairé avec soin comme dans un véritable musée.

Langdon s’arrêta net.

— Non… Ça ne peut pas être l’original…

Ambra esquissa un sourire.

— J’ai failli vous prévenir dans l’avion, mais j’ai préféré vous réserver la surprise.

Sans voix, Langdon s’approcha de l’œuvre. Elle mesurait près de quatre mètres de long pour près d’un mètre cinquante de hauteur — la toile était beaucoup plus grande que dans son souvenir quand il l’avait admirée au musée de Boston.

Il savait qu’elle avait été achetée par un acquéreur anonyme. Mais jamais il n’aurait imaginé que ce pût être Edmond !

— Quand je l’ai vue, poursuivit Ambra, je n’en revenais pas non plus. Je ne pensais pas qu’Edmond appréciait ce genre de peinture. Mais, maintenant que je sais sur quoi il travaillait, ce tableau est une évidence.