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— Je sais que c’est difficile à croire, reprit Ávila en regardant Langdon dans les yeux, mais Kirsch est bel et bien responsable de leur mort. Et en voici la preuve…

Il ouvrit sa paume pour montrer son tatouage. Bien sûr, cela n’avait rien d’une preuve, mais son geste eut l’effet escompté : le professeur baissa les yeux.

Profitant du bref moment d’inattention de son adversaire, l’amiral se redressa d’un bond et se plaqua contre la paroi pour sortir de la ligne de mire. Comme il s’y attendait, le professeur pressa instinctivement la détente. La déflagration eut l’effet d’un coup de tonnerre dans la spirale de pierre. Ávila sentit la balle lui érafler l’épaule avant de ricocher.

Sans lui laisser le temps de réajuster son tir, le militaire plongea sur Langdon et abattit ses deux poings sur les poignets son ennemi. L’arme lui échappa des mains et dévala l’escalier avec fracas.

Quand Ávila retomba à côté de Langdon, une douleur fulgurante lui traversa le torse et l’épaule. Mais l’adrénaline fit des miracles. Vif comme l’éclair, il dégaina son pistolet furtif — étonnamment léger comparé à l’arme du garde.

Il tira.

En plein dans la poitrine de Langdon.

Le coup de feu retentit de manière inhabituelle, comme du verre brisé. Ávila sentit une onde de chaleur dans sa paume, et comprit que le canon avait explosé. Ces armes « furtives » n’étaient pas conçues pour servir plus d’une ou deux fois. Le militaire se demanda un instant où était passée la balle, mais dès qu’il vit Langdon se relever, il lâcha le pistolet et se précipita sur lui. Les deux hommes s’empoignèrent.

Ávila sut qu’il avait gagné la partie.

Ils étaient tous les deux désarmés, mais il était en meilleure position.

L’amiral avait repéré la trouée au centre de la spirale — une chute mortelle assurée. Décidé à faire basculer Langdon dans le vide, il prit appui sur la paroi extérieure, et le poussa de toutes ses forces.

Langdon tenta de résister, mais sa terreur était perceptible ; il se rendait compte que c’était la fin.

*

Le dos arqué sur l’abîme, Langdon savait qu’il n’aurait pas la force de repousser son adversaire. Sa grande taille et son centre de gravité élevé le désavantageaient.

Dans les moments critiques, disait-on, le cerveau se mettait en mode turbo et prenait des décisions en une fraction de seconde.

Langdon jeta un coup d’œil au-dessous de lui. Le puits était exigu — environ un mètre de diamètre — mais assez large pour le passage d’un corps.

Une chute mortelle.

Ávila poussa un grognement et redoubla de vigueur. C’est alors que Langdon comprit qu’il n’avait qu’une seule solution.

Au lieu de résister à son agresseur, il devait lui faciliter la tâche !

Alors que son assaillant était sur le point de le faire basculer, Langdon se ramassa sur lui-même, les pieds bien en appui sur les marches.

Il avait de nouveau vingt ans… il se trouvait dans la piscine de Princeton… au départ de la course de dos crawlé… les genoux pliés… les muscles bandés… dans l’attente du signal de départ.

Tout est une question de timing, se dit-il.

Cette fois, Langdon n’eut pas besoin de coup d’envoi.

Il se détendit brusquement et se jeta en arrière, le dos au-dessus du vide. Ávila, qui pesait sur lui de tout son poids, perdit l’équilibre, surpris par la brusque inversion des forces.

Le militaire lâcha aussitôt prise. Trop tard. Emporté par son élan, il plongea la tête la première.

Langdon s’attendait à faire un vol plané par-dessus le puits et à atterrir sain et sauf de l’autre côté, deux mètres plus bas… Apparemment, il avait mal calculé son coup. D’instinct, quand il entra en collision avec la pierre, il se mit en boule.

C’est fini ! Je suis mort !

Persuadé d’avoir heurté le rebord de la spirale, il se prépara à être aspiré par l’abîme.

Mais la chute fut de courte durée.

Langdon était retombé sur une surface irrégulière en se cognant la tête. La violence du choc faillit l’assommer, mais il comprit qu’il était bien passé au-dessus du puits avant de heurter la paroi extérieure de l’escalier, et de s’effondrer sur les marches.

Le pistolet, se dit-il malgré le brouillard qui envahissait son cerveau. Si Ávila…

Trop tard.

Avant de perdre connaissance, Langdon entendit un bruit étrange… une série de coups sourds, de plus en plus espacés.

Comme la chute d’un sac poubelle plein à craquer dans un vide-ordures.

76.

Quand leur véhicule arriva à l’entrée principale de l’hôpital, à proximité de l’Escurial, Julián repéra une colonne de SUV blancs.

Valdespino ne m’a pas menti — mon père est ici.

Étant donné l’importance du convoi, tout le service de sécurité de la Guardia Real avait accompagné le monarque dans sa nouvelle résidence.

L’Opel s’arrêta et un garde s’approcha du conducteur. Balayant l’habitacle avec le faisceau de sa lampe, l’homme découvrit avec surprise le prince et l’archevêque sur la banquette arrière.

— Votre Majesté ! Votre Excellence ! Nous vous attendions. (Il jeta un coup d’œil au véhicule bas de gamme, puis reprit :) Où sont vos gardes du corps ?

— On avait besoin d’eux au Palais, répliqua Julían. Nous sommes ici pour voir mon père.

— Bien sûr ! Si vous voulez bien descendre de…

— Laissez passer la voiture ! ordonna Valdespino. Nous sommes pressés. Sa Majesté nous attend.

— Vous arrivez trop tard, répondit le garde.

Valdespino pâlit.

Un frisson parcourut Julián.

Mon père est mort ?

— Non, non ! Pardonnez-moi…, bredouilla l’agent, mortifié par sa bévue. Sa Majesté vient de partir — elle a quitté l’hôpital il y a une heure. Avec sa garde rapprochée.

Le soulagement du prince fit aussitôt place à la confusion.

Le roi avait quitté l’hôpital ?

— C’est ridicule ! s’exclama Valdespino. Le roi m’a demandé de le retrouver ici même avec le prince !

— Nous avons des ordres stricts, monseigneur. Si vous voulez bien descendre de voiture, un véhicule de la Guardia vous attend.

Valdespino et Julián échangèrent un regard surpris, avant de se plier aux instructions. Le garde informa le novice qu’on n’avait plus besoin de ses services et qu’il pouvait rentrer chez lui. Le jeune homme obtempéra sans demander son reste.

Tandis que les gardes faisaient monter le prince et le prélat à l’arrière de l’un des gros SUV, Valdespino sentit la panique l’envahir.

— Où est le roi ? insista-t-il. Où nous emmenez-vous ?

— Nous suivons les ordres de Sa Majesté, répondit le garde. Il nous a demandé de vous donner une voiture avec un chauffeur, et cette lettre.

Par la vitre, l’homme tendit une enveloppe cachetée au prince Julián.

Une lettre ?

Une telle formalité étonnait le prince. D’autant que l’enveloppe portait le sceau royal.

Qu’est-ce que son père manigançait ?

Encore une fois, c’était à se demander si le roi avait encore toute sa tête.

Julián brisa le sceau d’une main tremblante et sortit de l’enveloppe une carte écrite à la main. L’écriture de son père n’était plus aussi sûre, mais elle restait lisible. À mesure qu’il parcourait la lettre, sa perplexité augmenta.