C’est impossible ! avait pensé le pilote.
Et pourtant, maintenant qu’il survolait la Sagrada Família, il se rendait compte que le prêtre ne s’était pas trompé. Le plus haut clocher de l’église — une grande tour centrale — était encore en construction. Ses fondations offraient une plateforme circulaire, au cœur d’un bouquet de flèches, telle une clairière au milieu d’une forêt de séquoias.
Le pilote se positionna à l’aplomb de la plateforme, puis fit lentement descendre l’appareil entre les tours. Quand il toucha terre, deux silhouettes surgirent d’une cage d’escalier — Ambra Vidal soutenant un Robert Langdon visiblement mal en point.
Le pilote les aida à grimper dans l’appareil.
Une fois sanglée dans son siège, la future reine d’Espagne eut un sourire las.
— Merci, murmura-t-elle. M. Langdon va vous indiquer le chemin.
78.
ConspiracyNet.com
FLASH SPÉCIAL
Notre informateur monte@iglesia.org nous a fait une nouvelle révélation ! D’après des documents exclusifs, vérifiés par ConspiracyNet, Edmond Kirsch a tenté plusieurs fois d’intenter un procès à l’Église palmarienne pour « lavage de cerveau, conditionnement psychologique, maltraitance et sévices corporels ». Un traitement qui aurait entraîné la mort de Paloma Kirsch — la mère biologique d’Edmond —, il y a plus de trente ans.
Membre actif de l’Église palmarienne, Paloma aurait cherché à échapper à son influence néfaste. Humiliée et harcelée par ses supérieurs, elle aurait fini par se pendre dans la chambre d’un couvent.
79.
— Le roi en personne ? grommela le commandant Garza dans l’armurerie du Palais. Le mandat d’arrêt vient de lui ? Après tant d’années de bons et loyaux services…
Mónica Martín lui fit signe de parler moins fort et jeta un coup d’œil à l’entrée de la salle pour s’assurer que les gardes ne pouvaient les entendre.
— Valdespino a convaincu Sa Majesté que vous étiez l’auteur des accusations contre lui, que vous cherchiez à le discréditer.
Je suis l’agneau qu’on sacrifie sur l’autel, songea Garza.
Cela ne l’étonnait pas. Depuis toujours, il avait su qu’entre le commandant de sa garde et son conseiller spirituel, le roi choisirait l’archevêque. Les deux hommes étaient des amis de longue date et les liens affectifs l’emportaient toujours sur la raison.
Malgré tout, Garza n’était pas convaincu par la logique de l’explication de Mónica.
— Quand même, cette histoire de kidnapping… Vous êtes sûre que ça vient du roi ?
— Oui. Sa Majesté en personne m’a appelée. Il m’a ordonné d’annoncer officiellement qu’Ambra Vidal avait été kidnappée. Ainsi il pensait protéger la réputation de la future reine — éviter que la presse raconte qu’elle s’était enfuie avec un autre homme ! (Mónica parut agacée.) Mais pourquoi toutes ces questions ? On a la preuve que le roi a téléphoné à l’agent Fonseca pour lui raconter la même histoire !
— J’ai du mal à croire que notre souverain ait accusé un éminent professeur américain de kidnapping ! Il faut vraiment être…
— Fou ? l’interrompit Mónica.
Garza garda le silence.
— Commandant, n’oubliez pas que la santé du roi est fragile. Ce n’est peut-être qu’une simple erreur de jugement de sa part.
— Ou un coup de génie. Quoi qu’il en soit, la future reine est maintenant en sécurité avec mes hommes.
— Tout juste. Alors, où est le problème ?
— Valdespino. Certes, je ne le porte pas dans mon cœur, mais quelque chose me dit qu’il n’est pas derrière l’assassinat de Kirsch, ni de tout le reste.
— Pourquoi pas ? Parce que c’est un prêtre ? Avec l’Inquisition, l’Église nous a prouvé qu’elle était capable du pire. Tout le monde sait que c’est un opportuniste, un type arrogant et sans pitié. Doublé d’un comploteur de première. Ça ne vous suffit pas ?
— Non, répliqua Garza, étonné d’en être à prendre la défense du prélat. Valdespino n’est certes pas un enfant de chœur, mais c’est un homme de la vieille école. L’honneur, la tradition, c’est important pour lui. Notre monarque — qui est d’une méfiance maladive — lui fait confiance depuis des années ! Je doute que le confident du roi soit capable d’une telle traîtrise.
Mónica soupira et prit son portable.
— Commandant, pardonnez-moi si je brise vos illusions, mais lisez ça… C’est Suresh qui me l’a montré.
Elle pressa plusieurs touches avant de tendre le téléphone à Garza. Un long message apparut sur l’écran.
— C’est un SMS que Valdespino a reçu ce soir. Ça va vous faire changer d’avis.
80.
Même s’il avait mal partout, Robert Langdon fut pris d’une curieuse euphorie quand l’hélicoptère décolla du toit de la Sagrada Família.
Il était vivant !
L’adrénaline inondait son organisme. S’efforçant de calmer sa respiration, Langdon contempla le panorama qui se déployait sous ses yeux à mesure que l’appareil gagnait de l’altitude. Les flèches de la basilique s’éloignèrent peu à peu, pour bientôt laisser place aux rues quadrillées de la ville. Il examina les îlots d’habitation qui, au lieu des carrés et rectangles habituels, étaient plutôt de forme octogonale.
L’Eixample, songea Langdon. L’extension.
L’urbaniste visionnaire Ildefons Cerdà avait élargi les intersections de ce quartier en biseautant les coins des blocs carrés. Ce qui avait permis de créer des placettes, d’aérer la ville et d’agrandir les terrasses des cafés.
— ¿ Adónde vamos ? cria le pilote par-dessus son épaule.
Langdon pointa du doigt l’une des plus grandes avenues de la ville, bien connue des Barcelonais.
— Avinguda Diagonal, répondit Langdon. Al oeste. Vers l’ouest.
Impossible à manquer sur un plan, l’Avinguda Diagonal fendait la cité dans toute sa largeur, depuis le gratte-ciel ultramoderne en front de mer, le Diagonal Zero Zero, jusqu’aux roseraies anciennes du parc de Cervantès.
Le pilote bifurqua vers l’ouest et suivit l’avenue en direction des montagnes.
— Vous avez une adresse ? s’enquit-il. Des coordonnées GPS ?
Langdon secoua la tête.
— Le stade.
— ¿ El estadio de fútbol ? s’étonna le pilote. Le FC Barcelone ?
Langdon acquiesça. L’homme connaissait forcément le siège du prestigieux club de football, un peu au sud de l’Avinguda Diagonal.
— Robert ? demanda doucement Ambra. Vous êtes sûr que ça va ? (Elle l’observait comme si son coup à la tête avait obscurci son jugement.) Vous disiez savoir où se trouve Winston.
— En effet.
— Un stade de foot ? Vous pensez que c’est là qu’Edmond a construit son super-ordinateur ?
— Non, c’est juste un repère. Je cherche un bâtiment à côté du stade — le Gran Hotel Princesa Sofía.