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— Je m'appelle Cesare.

— Que voulez-vous que ça me fasse ? »

Il en resta interloqué.

« Je veux du café, un jus d'orange, des œufs au bacon bien grillé, poursuivit la voix.

— C'est quoi, votre nom ?

— Marion.

— On se connaît ?

— Je ne sais pas. Je ne vous ai pas encore vu.

— Je vous ferai remarquer que vous êtes dans mon lit.

— Soyez gentil, commandez mon café.

— Écoutez, s'impatienta Cesare, si vous le preniez au bar ? Je suis pressé, j'ai des rendez-vous… la salle de bain est à côté…

— Après le café, je veux encore dormir. J'ai sommeil. »

Il se dirigea vers la baie, ouvrit en grand les stores. Le soleil entra à flots dans la chambre.

« Marion, vraiment, j'ai besoin de ma chambre. J'attends des gens. Marion !… »

Il tira sur les draps d'un coup sec. A la vue de son corps, il estima qu'il n'avait pas dû s'ennuyer si toutefois il en avait profité.

« Dites, Marion… Vous et moi ?… »

Il lui saisit le menton entre les doigts et la força à le regarder. Non, vraiment, il ne l'avait jamais vue, il ne se souvenait de rien.

« Laissez-moi dormir. Je suis crevée.

— Une question : on a fait l'amour ? »

Le grelot du téléphone le fit sursauter.

« Oui ?

— Cesare ?

— Oui.

— Vous me reconnaissez ?

— Hamilton Price-Lynch !

— Oui.

— J'ai un service à vous demander.

— J'écoute.

— Comme la dernière fois. Vous vous souvenez ? » Cesare respira doucement, marqua un temps d'arrêt.

« Oui.

— Il était à notre table hier soir. L'amateur de peinture. Vous voyez ?

— Très bien. Quand ?

— Immédiatement ! J'insiste !

— Je m'en occupe. Comptez sur moi. Je vais faire le maximum. »

Cesare raccrocha. Il allait composer un autre numéro quand Marion se blottit dans un coin du lit : ce qui venait de se décider était si important qu'en vingt secondes il avait totalement oublié sa présence. Il ramassa une robe du soir en mousseline noire, des chaussures dorées à talons hauts, un soutien-gorge et un slip noirs minuscules et transparents. Il roula le tout en une boule qu'il jeta sur elle.

« Prenez vos affaires et filez !

— Café… » gémit Marion en s'étirant.

Cesare l'empoigna rudement par un bras et la jeta au sol.

« Du balai ! J'ai à faire ! »

Abasourdie, elle ouvrit les yeux, se frotta le coude qui avait cogné sur le montant du lit et le dévisagea avec un regard effrayé.

« Vous êtes fou ?

— Dehors ! J'ai essayé de te le dire gentiment, tu n'as pas compris.

— Salaud ! »

Elle se releva, enfila sa robe. Sans le quitter des yeux, elle s'assit sur une chaise pour mettre ses chaussures.

« Tu finiras de t'habiller dans le couloir… » dit Cesare. Il lui saisit la main, l'entraîna dans le vestibule, ouvrit la porte et la poussa dehors.

Il revint dans la chambre, reprit le téléphone.

« Marco ?… Cesare. J'ai un client pour toi au Majestic… Alan Pope… Oui… Aujourd'hui ! Tout de suite ! J'attends. »

Il reposa l'appareil et entra dans la salle de bain. En actionnant la manette de la douche, il se dit qu'il ignorerait sans doute éternellement si oui ou non, il avait fait l'amour à cette Marion.

CHAPITRE 24

Dans le compotier de porcelaine, il y avait toujours un pamplemousse, trois pommes et deux oranges. On apercevait par la fenêtre, entre les toits ocrés, le même petit bout de mer scintillante à demi masqué par les pétales écarlates des géraniums en pot. Et devant lui, debout au centre de la pièce, Terry, en pantalons de toile blanche et chemisier flottant. Elle avait un bouquin à la main.

« Eh bien, entrez !… Attention à la tête ! »

Alan se décida à faire un pas. Il repoussa la porte derrière lui, étreint à la gorge comme lorsqu'on retrouve un paysage familier de son enfance, ou le visage de quelqu'un qu'on a beaucoup aimé et qu'on croyait perdu.

« Vous êtes à l'heure. Je me demandais si vous alliez oublier ? »

Un flot de protestations se pressa sur ses lèvres, où elles moururent sans qu'il pût articuler un son.

« Qu'est-ce que vous lisez ? réussit-il à dire.

— Anaïs Nin. Le Journal. Vous connaissez ?

— Non. »

Elle jeta le livre sur le lit recouvert de patchwork.

« Un café ?

— Non, merci.

— Vous avez réussi à dormir ?

— Un peu. Pas beaucoup.

— Vous avez des vacances épuisantes ! »

Il eut une moue dépitée.

« J'ai une proposition à vous faire, dit Terry. J'ai un bateau. Enfin, il n'est pas à moi ; mais les amis de Lucy ne s'en servent pas aujourd'hui. Ça vous tente ?

— Formidable !

— Vous avez un maillot ?

— Sur moi. »

Elle fourra quelques affaires dans un cabas de paille.

« Le bateau, est à Cannes, au port Canto.

— J'ai un taxi en bas.

— Allons-y ! »

Ils dévalèrent les escaliers. En voyant apparaître Terry, le chauffeur fit un clin d'œil triomphal à Alan :

« Qu'est-ce que je vous avais dit ?

— On retourne à Cannes, dit Alan avec froideur. Au port Canto.

— Qu'est-ce qu'il veut dire ? demanda Terry à Alan pendant que la voiture démarrait.

— A l'aller, il m'a exposé ses théories sur le thème des femmes et de la patience.

— Et alors ?

— Je lui expliquais, intervint le chauffeur qui n'en avait pas perdu une miette, que si elles ne s'en vont pas immédiatement, elles sont capables d'attendre dix ans ! Mademoiselle, j'ai raison ou pas ?

— Tout à fait, décréta Terry.

— Vous le pensez vraiment ? s'étonna Alan.

— Non. Lucy est restée chez les Mac Dermott. Une maison sensationnelle. On a envie de s'y installer et de ne plus bouger. Ça ne vous fatigue pas, New York ?

— Si.

— Ça vous sert à quoi d'être millionnaire ? Qu'est-ce qui vous y retient ? »

Alan se remémora l'éblouissant miracle : il était désormais à flot et possédait plus de 800 000 dollars à la First National !

« Rien, dit-il avec un sourire. Plus rien !

— Le Canto… annonça le chauffeur.

— Comment fait-on pour retrouver un bateau ? demanda Terry.

— Il s'appelle comment ?

— Je ne sais pas.

— Vous avez le nom du propriétaire ?

— Mac Dermott.

— OK ! On va demander à la capitainerie… »

Il engagea la voiture sur les quais où s'accrochaient les coques profilées qui depuis toujours, faisaient rêver les hommes.

« Vous m'attendez une seconde ? »

Il entra sans se presser dans un bâtiment. Alan observa en profil perdu le visage de Terry qui regardait les yachts. Il n'avait pas osé lui dire qu'il en avait un. Il craignait de faire une gaffe, comme avec la Rolls, sentant obscurément que l'étalage de la richesse risquait de la choquer.

« Vous savez comment il s'appelle ? clama le chauffeur. La Fête ! Tout un programme ! »

Il démarra pour s'arrêter deux cents mètres plus loin devant un gros hors-bord peint en blanc avec de larges bandes rouges. Un marin s'affairait sur le cockpit. En les voyant, il sauta sur le quai à leur rencontre.