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Comme si Pope avait voulu lui parler de sa fille alors qu'il ne cherchait qu'à avoir sa peau ! Il réprima son envie de lui taper dessus, lui sourit et prononça d'une voix calme :

« Voyons Emily… Un peu de classe. Laisse-moi encaisser le premier choc. Quand je l'aurai entendu, nous aviserons et tu pourras agir. D'accord ?

— Ne sois pas long », dit-elle d'une voix sèche.

La moitié du hall du Majestic était louée par des joailliers qui présentaient les plus belles pièces de leurs collections dans des vitrines blindées. Avec soulagement, Ham Burger compta une douzaine de gaillards athlétiques facilement repérables à la bosse qui gonflait leur veston et à leur souci de ne dévisager personne en particulier. On les engageait le temps de la saison pour veiller sur ces merveilles.

Alan Pope était déjà là, installé dans un fauteuil bleu canard sous un palmier en pot. S'il voulait le tuer sur place, les gorilles ne lui en laisseraient peut-être pas lei temps.

« Asseyez-vous, monsieur Price-Lynch. »

Ham Burger s'exécuta du bout des fesses, prêt à plonger si Alan sortait une arme.

« Est-ce que votre proposition tient toujours ?

— Vous avez changé d'avis ? questionna Price-Lynch avec méfiance.

— J'ai réfléchi. Je me demande si je ne vais pas vous rendre le service que vous avez sollicité. Mais pas à vos conditions. »

Hamilton se détendit légèrement : il ne faisait pas allusion à Sarah, pas davantage à l'attentat.

« Je vous écoute.

— Vous m'avez offert 100 000 dollars. J'en veux 200 000. »

Le cœur de Ham Burger bondit d'espoir.

« C'est beaucoup d'argent, monsieur Pope.

— Il ne m'appartient pas d'en juger, monsieur Price-Lynch. »

La paie de la Hackett avait lieu le lendemain, 28 juillet. Les minutes étaient comptées. Il se jeta à l'eau.

« Supposons que j'accepte.

— Je ne traite pas une affaire avec des suppositions, monsieur Price-Lynch. Dites-moi oui ou non. »

Hamilton feignit d'être en proie à un grand trouble intérieur.

« Vous me mettez le couteau sur la gorge… lâcha-t-il dans un soupir.

— Quand me verserez-vous cet argent ?

— La moitié dès que nous nous serons mis d'accord. L'autre moitié à la fin de l'exécution. Il va d'abord falloir que je vous fasse verser de nouveau les 2 millions de dollars que je vous avais transférés. Bien entendu, après votre refus de ce matin, j'avais donné des instructions pour qu'on les retire de votre compte.

— Bien entendu. A quelle banque avez-vous l'intention de me virer mes 200 000 dollars ? »

Ham Burger le regarda, une expression choquée sur le visage.

« Mais à la mienne. A la Burger ! »

Alan secoua fermement la tête de droite à gauche.

« Non, non, non, monsieur Price-Lynch. Je n'ai aucune confiance dans une banque dont l'ordinateur n'est pas fiable. Pas davantage d'ailleurs en un banquier qui trahit son meilleur client. Par conséquent, je liquide mon compte chez vous. Vous voudrez bien m'adresser la somme à la First National. Maintenant, vous allez m'expliquer de A à Z le mécanisme de l'opération. Après quoi, vous me direz exactement ce que vous attendez de moi en contrepartie de vos 200 000 dollars. Je vous écoute. »

L'œil rond de stupéfaction, Ham Burger observa un long silence. Puis, il croisa ses mains sur ses genoux et commença à parler.

CHAPITRE 26

« Alors, Murray, où en sommes-nous ?

— Tout va parfaitement bien, monsieur Hackett !

— Les licenciements, pas trop de remous ?

— Très salutaires, monsieur Hackett. Malgré les vacances, le rendement n'a jamais été aussi élevé !

— Bien, bien… dit Hackett. Nous sommes le 28 demain. Tout est prêt pour l'échéance ?

— J'ai rendez-vous à neuf heures avec Abel Fischmayer, monsieur Hackett. Comme d'habitude. A ce propos, je dois vous signaler qu'il m'a appelé hier. Il voulait des renseignements sur un de nos employés mis à pied…

— Nous ne sommes pas une officine de police ! » s'emporta Hackett.

L'attitude ingrate de Marina lui restait en travers de la gorge. Pas une privauté, pas un mot gentil, pas un remerciement, rien ! Si Poppie avait été à Cannes, elle aurait passé ses journées agenouillée devant lui, à l'écouter, à le boire des yeux. Elle ne se serait pas affichée avec un Arabe !

« Vous n'avez pas à répondre aux questions concernant l'entreprise !

— Justement, monsieur Hackett, je…

— Taisez-vous ! Vous avez bien dit Fischmayer ? Je vais immédiatement en référer à Ham Burger !

— Bien, monsieur Hackett.

— Et n'approuvez pas comme un perroquet tout ce que je vous dis ! J'aime les collaborateurs qui ont leur franc-parler ! J'aime qu'on me résiste, pour le plus grand bénéfice de la Hackett !

— Monsieur Hackett…

— Il suffit que je parte huit jours pour que tout dégénère ! Méfiez-vous, Murray ! Ne prenez pas le risque de gâcher mes vacances ! »

Il raccrocha brutalement. Il était en peignoir, sur la terrasse, attablé devant un club sandwich qu'il n'avait pas touché et dont la mayonnaise commençait, sous l'effet de la chaleur, à filtrer sournoisement d'entre les tranches de pain. Victoria était chez le coiffeur. Il aurait pu prendre du bon temps avec Marina. Il observa ses fenêtres pour la centième fois. Elles étaient grandes ouvertes. Il n'y avait personne dans la chambre. Peut-être la verrait-il ce soir, à la fête que donnait cette femme aux yeux violets, Nadia Fischler.

Ils se regardaient comme deux idiots, n'arrivant pas à décrocher leur regard l'un de l'autre, incapables de bouger, de parler. Par la fenêtre ouverte, leur parvenaient les piaillements suraigus des hirondelles, des bribes de conversations tenues par des commères dans la rue, une odeur de safran et de beignets s'échappant du restaurant.

« J'avais peur que tu ne reviennes plus », dit Terry.

Alan fit les deux pas qui la séparaient d'elle, la prit doucement dans ses bras, enfouit la tête dans ses cheveux, en respira profondément le parfum.

Ils demeurèrent collés l'un à l'autre, debout, deux naufragés se retrouvant dans l'île intime d'une chambre close. Il sentait contre sa poitrine le relief troublant de ses seins et, sous sa main, la courbure douce et ferme de sa hanche.

« J'ai eu si peur… murmura-t-elle.

— C'est fini, Terry. »

Il eut envie de lui dire des choses dingues, définitives, des mots qu'il avait toujours cru débiles quand d'autres que lui les avaient prononcés. Elle le sentit.

« Dis-moi, Alan… Parle-moi… J'ai besoin de t'entendre. Je veux savoir si tu ressens la même chose que moi…

— Oui.

— Aussi fort ?

— Oui.

— Raconte-moi… Dis-moi… »

La boule qui lui mangeait la gorge l'empêcha de répondre. Il la serra plus fort contre lui.

« Dis-moi, Alan…

— Je ne suis pas préparé à ce qui m'arrive.

— Moi non plus. Ça me flanque la frousse.

— Je n'aurais pas cru que les choses se passeraient comme ça… J'imaginais que j'allais te sauter dessus et te dévorer toute crue… C'est autre chose. »

Elle le fixa d'un regard qu'il ne lui avait jamais vu, fit passer sa blouse par-dessus sa tête et entreprit de lui déboutonner sa chemise. Contre sa peau, il sentit la tiédeur de la pointe de ses seins. Il les caressa du bout des doigts, le corps hérissé de brefs frissons glacés, submergé d'un désir qui lui coupait le souffle, d'une envie éperdue de la garder, de la protéger, de boire son odeur sur chaque centimètre carré de sa peau. Il la souleva dans ses bras, la porta jusqu'au lit recouvert de patchwork. Les pupilles agrandies, comme droguée, elle ne le quittait pas des yeux. Ils furent allongés l'un contre l'autre.