Выбрать главу

— Parfaitement bien.

— Je viens d'avoir un appel de Fischmayer. Voulez-vous me montrer son chèque ?

— Le voici, dit Alan. Avez-vous le mien ?

— Le voilà », répondit Price-Lynch.

Les deux chèques changèrent de main. Alan rangea le sien dans sa poche après en avoir vérifié le montant, 10 000 dollars.

« Correct, monsieur Pope ?

— Correct.

— Eh bien, parfait, dit Price-Lynch en lui rendant le chèque de 50 millions libellé au nom de Pope par Abel Fischmayer. Il ne vous reste plus qu'à l'endosser à une banque de Genève dont je vais vous indiquer le nom… »

Alan lui tourna le dos, tripota distraitement quelques bouteilles sur le bar. Le second chèque rejoignit le premier dans sa poche.

« Vous m'entendez, monsieur Pope ?

— Je vous entends.

— Vous allez donc l'endosser à…

— Je ne l'endosserai pas, le coupa Alan.

— Pardon ?

— Ce chèque est à mon nom. J'ai l'intention de l'encaisser pour mon propre compte. »

Price-Lynch eut un soubresaut.

« Je suppose que vous plaisantez ?

— Absolument pas, dit Alan d'une voix glaciale. Vous avez voulu me rouler. Vous vous êtes servi de moi pour dissimuler une faute professionnelle qui vous aurait rapporté 50 millions de dollars sur le dos d'un client que vous avez trahi.

— Vous vous croyez de taille à pouvoir me faire chanter ? cracha Ham Burger avec mépris.

— Hackett vous faisait confiance. Il en est mort.

— Tout le monde savait qu'il était cardiaque !

— Vous avez commis une action immorale, monsieur Price-Lynch. Je suis choqué.

— Votre prix ? grinça Hamilton.

— Je voudrais d'abord faire une brève mise au point pour que vous sachiez exactement où nous en sommes tous les deux.

— Au fait !

— Ce qui m'a frappé la première fois où vous m'avez parlé de votre O.P.A., c'est qu'elle était inéluctablement vouée à l'échec. Même si vous aviez réussi à ramasser la totalité des titres en circulation, vous n'en auriez possédé que 40 p. 100. Insuffisant pour prendre le contrôle de la Hackett. Pour réussir votre coup, il vous fallait remplir deux conditions. Un, trouver le moyen de contraindre Hackett à vendre. Vous êtes son banquier, il vous a suffi de lui couper son crédit pour le faire céder. Deux, intervention d'un tiers à la main innocente pour lui racheter son paquet majoritaire à un prix déprécié : moi ! Le pigeon idéal, monsieur Price-Lynch, surtout après ce qui venait de m'arriver !

— Je vous laisse une dernière chance, Pope ! Gardez vos 200 000 dollars, rendez-moi mes 50 millions et disparaissez ! »

Alan le considéra avec ironie.

« Il y a des mots malheureux, monsieur Price-Lynch. Le mot « disparition », par exemple. Si je n'ai pas disparu plus tôt, après mon premier refus, ce n'est effectivement pas de votre faute… »

Ham Burger se cabra.

« Que voulez-vous dire ?

— Rien, dit Alan sans le lâcher du regard. Absolument rien. Nous nous comprenons ?

— Pas du tout ! »

Alan enregistra qu'il avait baissé les yeux une fraction de seconde.

« Auriez-vous oublié ceci ? » demanda Price-Lynch en sortant de sa poche une feuille de papier.

Alan identifia la lettre qu'il lui avait signée quatre jours plus tôt lors de la conclusion de leur accord. Il y reconnaissait son rôle d'intermédiaire et de prête-nom pour le compte de Price-Lynch.

« Je n'ai qu'à la montrer à n'importe quel homme de loi pour dénoncer votre chantage ! » menaça Ham Burger.

Alan le regarda droit dans les yeux avec amusement.

« Chiche ?

— Ne me poussez pas !

— Ce document est la preuve de votre malhonnêteté, monsieur Price-Lynch. Nul banquier n'a le droit de lancer une O.P.A. pour son propre compte. C'est un délit !

— J'élève votre commission à 500 000 dollars.

— Ce n'est pas à vous de faire des offres. J'ai un autre projet en tête. Devenir majoritaire de la Hackett. »

Price-Lynch le dévisagea, suffoqué.

« Vous êtes fou à lier !

— Hackett me l'avait déjà dit quand j'avais émis la prétention de racheter ses titres. Maintenant, voulez-vous m'écouter ? J'ai une proposition à vous faire.

— A lier !… répéta machinalement Ham Burger.

— Si vous l'acceptez, et entre nous, je ne vois pas comment vous pourriez la refuser, c'est moi qui vous offre une commission. Pas de 500 000 dollars, mais de 5 millions.

— Qu'est-ce que vous me chantez ? se révolta Hamilton.

— Je suis prêt à passer l'éponge. Je vous rends votre chèque, vous me restituez les 6 millions de titres que j'ai remis entre les mains de Fischmayer.

— Qui va les payer ? rugit Price-Lynch.

— Vous. Bien entendu, pas de votre poche. Vous êtes directeur de la Burger. Je veux que votre banque m'accorde un prêt à long terme de 75 millions de dollars garantis sur les titres que vous allez me rendre. 70 pour racheter les actions Hackett, 5 pour la commission que je vais vous verser. »

Alan regarda sa montre avec nonchalance.

« Je vous laisse très exactement cinq minutes pour vous décider. »

Il se confectionna un whisky et sortit tranquillement sur la terrasse. Pendant quelques secondes, Ham Burger resta immobile. Puis, il s'empara de la bouteille abandonnée sur la desserte, s'en servit à ras bord un verre à dégustation et le but d'un trait. Cinq millions placés en Suisse à 12 p. 100 lui rapporteraient 600 000 dollars par an nets d'impôts… Peut-être pas de quoi faire des folies, mais retrouver la liberté, quitter Emily et voler de ses propres ailes valaient bien quelques petits sacrifices. Il acheva pensivement son whisky, hésita un instant et se dirigea vers la, terrasse.

Ce qui était épatant dans ce pays, c'était la lumière, ce bleu du ciel immuable. En bas, virevoltait toujours le carrousel permanent des filles dorées en mini-maillot, des garçons tournoyant entre les tables du bar, des clients du Majestic appelés par haut-parleur et fonçant vers les cabines téléphoniques.

Alan Pope était accoudé au parapet, le regard fixé droit devant lui. Ham Burger toussota.

« Monsieur Pope… »

Alan se retourna lentement, sembla le découvrir.

« J'ai réfléchi à votre proposition », dit Price-Lynch. Il alluma une Muratti d'une main tremblante.

« Je l'accepte. »

On avait enlevé le lit de la chambre de Marina. A sa place, une planche recouverte d'un drap noir, posée sur deux tréteaux. Au-dessus de la planche, la bière où gisait le cadavre d'Arnold Hackett. Après les constatations du médecin légiste, Victoria avait refusé que le corps de son mari fût conduit à la morgue.

Leur fille, Gertrud, en vacances dans la région et arrivée en hâte, avait émis la même exigence. Après les condoléances d'usage et l'assurance réitérée de la part qu'il prenait à leur chagrin, Marc Gohelan leur avait discrètement demandé quels étaient leurs projets. Un cadavre dans un palace pose certains problèmes d'évacuation incompatibles avec la bonne ambiance de l'établissement.

Victoria et Gertrud avaient décidé de rapatrier dans les plus brefs délais le corps du disparu aux États-Unis. Gohelan s'était chargé de toutes les démarches pour affréter un avion spécial, prévenir les pompes funèbres et régler les formalités officielles. Il avait vivement conseillé à la veuve et à l'héritière d'attendre la nuit pour sortir le cercueil de l'appartement. Il s'était vu opposer un net refus de la part de Victoria.

« Mais, madame, songez que nous sommes au cœur de la saison… L'hôtel grouille de monde… Il fait grand jour… Comprenez-moi…