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— Dites, vous pensez que je peux les mettre à la crèche ?

— Il vaut mieux éviter. Isoler la mère, laisser les petits dans les autres pièces, afin…

— … d’empêcher le virus de se propager. J’ai bien intégré le refrain.

— L’isolement est la clé, la vraie solution. Comme le masque. N’oubliez jamais de le porter si vous entrez dans la chambre.

Sharko acquiesça, se dirigea vers la cuisine et versa de l’eau du robinet dans le réservoir de la cafetière.

— Je vous propose quelque chose ? Un café ? Un thé ?

Amandine secoua la tête.

— Je retourne vite à Pasteur pour les analyses. On se revoit bientôt. Et j’utiliserais de l’eau en bouteille, si j’étais vous.

Sharko devina qu’elle lui souriait derrière son masque.

Elle sortit avec le médecin. Sharko laissa tomber le café et alla sur le seuil de la chambre. Il resta là, quelques minutes, immobile, à observer sa Lucie tremblotante. Il pensa alors au type à la casquette. À ses yeux qui transperçaient les objectifs des caméras. À ce visage sec et dur.

Il avait tellement la haine.

Le flic retourna dans le salon et se sentit rapidement débordé. Il avait appelé au bureau ; personne n’avait répondu. Qui y restait-il, à part Bertrand Casu ? Malade, lui aussi, ou juste en retard ? Dans un autre bureau, peut-être, à aider d’autres équipes ? Sharko avait également laissé un message sur le portable de Nicolas, entre deux cris des jumeaux, lui expliquant qu’il essaierait de venir dès que possible au 36, mais que ce n’était pas gagné.

Les enfants avaient faim. Il fallait les habiller. Franck avait beau les voir tous les jours, il ne savait pas vraiment quels habits choisir dans les placards. Pull, sweat ? De quelle couleur ?

— C’est pire que tenir un flingue, bon sang.

Il piocha au hasard, se demanda comment Lucie arrivait à leur enfiler leurs chaussettes : elles étaient si petites, et ses mains si grosses. Direction la cuisine. Où étaient les bouteilles de lait ? Combien de temps au micro-ondes, déjà ? Et puis, ils buvaient quelle quantité ?

Il put enfin respirer après les avoir installés devant un dessin animé. Une montagne de linge attendait devant la salle d’eau. Des chemises, des cravates, des tonnes de vêtements des enfants. Il fourra le paquet dans la machine et choisit le programme qui lui parut adéquat. Heureusement, il avait encore quelques reliquats de sa vie de veuf, avant de connaître Lucie.

Ensuite, il retourna dans la chambre.

— Je vais aller chercher tes médicaments à la pharmacie. J’emmène les enfants.

Lucie grelottait.

— Faut que tu appelles ma mère. Elle va venir passer quelques jours pour nous aider.

— Je ne sais pas, Lucie, je ne sais pas. On ne peut pas l’appeler chaque fois qu’on a un souci.

— C’est pas juste un souci… J’ai l’impression de mourir à cause d’une… ordure qui… s’en est pris à nous… Fais-le, appelle-la…

Après un aller-retour à la pharmacie, Sharko se mit à tourner en rond dans la maison, incapable de prendre une décision. Nicolas l’appela vers 10 heures, il était désolé pour Lucie. Très vite, il expliqua les découvertes de Camille, cette histoire d’Apocalypse, le lien entre les deux affaires et la possibilité que les SDF n’aient servi que de cobayes pour tester le microbe. Sharko intégra cette nouvelle donnée, qui lui fit l’effet d’une bombe.

Il avait une haine plus grande encore lorsqu’il raccrocha. L’affaire se compliquait. Même du fin fond de sa nébuleuse, Lucie avait raison. Rester ici, c’était laisser des coups d’avance à la horde de hyènes qui s’en étaient pris à eux. C’était leur ouvrir grandes les portes. D’un autre côté, il y avait sa famille. Ne devait-il pas veiller sur eux ? Les protéger ?

Mais, pour les protéger, il fallait agir et non pas rester là, le cul sur une chaise. Il n’y avait rien de pire que la passivité. Sharko n’était pas fait pour ça.

En fin de matinée, il contacta Marie Henebelle. Elle fut choquée d’apprendre que sa fille souffrait de cette grippe dont on parlait à la télé, mais une fois l’émotion passée, elle attrapa le premier TGV en partance de Lille et à destination de Paris. Sharko l’accueillit devant la gare du Nord aux alentours de 16 heures. Elle mit ses deux valises dans le coffre, embrassa Jules et Adrien sans prêter attention au masque que lui tendait Franck.

— Hors de question que j’embrasse mes petits-enfants avec cette chose sur le nez. Je n’ai jamais attrapé la grippe, et ce n’est pas demain la veille.

Elle s’installa à côté de Sharko qui, lui, portait un masque.

— Ça vous va comme un gant. Vous devriez le porter plus souvent.

Sharko ignora si elle plaisantait ou pas. Marie Henebelle avait l’énergie et le répondant de deux Lucie. Fatigante, mais le flic l’aimait bien. Elle ne les avait jamais laissés tomber et savait être présente quand il le fallait.

Une fois à la maison, elle se présenta devant la chambre de sa fille. Lucie somnolait à moitié, semblable à une bête fragile tapie au fond de son terrier.

— Salut, m’man… Vaut mieux pas que t’approches…

— Ma pauvre.

Elles échangèrent quelques mots et Marie ferma la porte. Alors qu’elle s’installait dans la chambre d’amis, le téléphone de Sharko sonna. C’était Nicolas Bellanger. Surexcité.

— La diffusion du portrait dans les services a été efficace, on a quasiment logé le pourri à la casquette qui a répandu le virus.

Le rythme cardiaque de Sharko s’accéléra. Sa main droite se crispa sur son portable.

— Quasiment ?

— Je t’expliquerai. T’en es ?

Sharko se précipita vers sa veste anthracite accrochée au portemanteau.

— Je ne manquerais ça pour rien au monde.

Avant de sortir, il fixa Marie dans les yeux.

— Je vous les confie encore une fois. Prenez bien soin d’eux.

[51]

En attendant Sharko, Nicolas Bellanger raccompagna Camille jusqu’au bas du 36.

— Je risque de rentrer très tard. Tu t’enfermes, tu ne réponds à personne.

La jeune femme l’observa avec gravité.

— Tu ne veux toujours pas me dire pourquoi ?

— Je te raconterai, OK ? Fais-moi confiance.

— Tu feras très attention. Je n’aime pas quand tu pars comme ça.

Nicolas embrassa sa compagne et la regarda s’éloigner le long du Palais de justice. Son cœur battait si vite chaque fois qu’ils se séparaient…

Une demi-heure plus tard, Sharko l’avait rejoint, ainsi que deux collègues de l’équipe antiterroriste, dont Marnier, le nouveau chef par circonstances forcées. Les quatre hommes se mirent en route dans deux voitures séparées.

— Qui est-ce ?

Nicolas suivait le premier véhicule.

— On n’en sait encore rien. C’est un collègue du commissariat de Bobigny qui a identifié le portrait diffusé par Sarbacane. Il croise notre homme régulièrement à un club de fitness de Pantin, le Wellform, aux horaires du soir, vers 20 heures, 21 heures. Il l’a formellement reconnu. On file au club, on récupère son identité dans un premier temps.

Sharko regarda sa montre. Pas loin de 19 heures.

— Une chance qu’il y soit ce soir ?

— Bien possible. On est jeudi, et ça fait partie des jours et des horaires où le collègue va s’entraîner. On lui a demandé de ne pas venir ce soir, afin que son comportement n’éveille pas les soupçons.

Les deux hommes étaient tendus. L’excitation crépitait dans l’habitacle de la 306.

— Au fait, on a reçu la liste des égoutiers et du personnel qui descend là-dessous. Vu l’état actuel de nos effectifs, je ne sais pas quoi faire de cette liste. J’ai informé Lamordier qu’on avait besoin de monde pour l’analyser. Je l’ai également mise entre les mains de Camille, elle peut faire des recherches et passer des coups de fil depuis son bureau.