Выбрать главу

— Je suis impatient, lâcha CrackJack entre ses dents serrées, tandis que le collègue de Marnier lui pressait fermement l’épaule.

CrackJack > Je suis impatient.

Homme en noir > Désolé pour le retard, mais cette journée a été chargée.

CrackJack > Tant que vous êtes au rendez-vous.

Homme en noir > Nous allons poursuivre le Grand Projet.

Nicolas se tourna vers CrackJack.

— Le Grand Projet, tu connais ?

— Non.

Le flic regarda ses collègues.

— On l’a interrogé là-dessus, on pense qu’il ne connaît pas, confirma Marnier.

Nicolas revint au clavier. Il prit l’initiative de noter lui-même la phrase suivante :

CrackJack > Le Grand Projet ?

Homme en noir > Ce dont j’aimerais te parler ce soir même, oui.

CrackJack > Comment on fait ?

Homme en noir > La première fois, tu m’as demandé de déposer le virus en forêt de Saint-Germain. Je présume que tu habites dans la région parisienne.

CrackJack > Vous présumez bien.

Homme en noir > 49°3’49.98 N, 2°11’52.00 E. Sur place, pense aux ténèbres, tu sauras où aller. Je t’y attends dans deux heures. Ne sois pas en retard. Donne-moi un chiffre entre 1 et 10.

CrackJack > 5.

Homme en noir > 5 petits Nègres patientaient sur le banc du parc. L’un d’eux fuma une cigarette. Il n’en resta plus que 4.

Fin de connexion, déjà. Les flics soupirèrent presque à l’unisson. Nicolas utilisa la fonction GPS de son téléphone. La carte s’afficha.

— Ces coordonnées nous mènent à proximité de Méry-sur-Oise, au nord de Paris, à environ quarante minutes d’ici.

Renart consultait son propre écran.

— Au beau milieu d’une forêt. Pas une route, rien pour y accéder.

Sharko se tourna vers le hacker.

— Ça te dit quelque chose ?

Dambre secoua la tête. Nicolas fixa Marnier et Renart.

— Faut qu’on prenne une décision. Qu’est-ce qu’on fait ?

— Je préviens les équipes d’intervention, dit Marnier. Elles attendent mon coup de fil.

— Elles devront rester à proximité des routes et n’intervenir qu’au signal. L’Homme en noir sera extrêmement prudent, il va surveiller, peut-être même faire surveiller.

— On a lu les dossiers, on sait de quoi il retourne.

— Il a choisi cet endroit, ce n’est pas pour rien. S’il se doute de quelque chose, il va nous échapper. On ne peut pas se le permettre.

Le capitaine de police allait et venait, les yeux rivés au sol.

— Faut suivre les règles qu’il impose. Il est trop malin, c’est trop simple. Il y a peut-être un loup.

Nicolas saisit une infime lueur dans le regard de Dambre. Il l’agrippa par le col et l’arracha de sa chaise.

— Qu’est-ce que tu nous caches ?

— Je vous ai tout dit.

Nicolas le repoussa avec force.

— Je vais aller au point de rendez-vous. Je vais m’y coller. Suivre la procédure qu’il impose.

— Non, moi, répliqua Sharko. Il connaît sans doute ton visage, il…

— Tu pues le flic à vingt bornes. T’as tout sauf l’allure d’un hacker.

— Parce que tu trouves que ce connard a une allure ?

— Il fera noir, je vais mettre une veste avec une capuche. (Il hocha le menton vers Dambre.) C’est ce qu’il aurait fait, lui. On va communiquer, on sera ensemble.

Marnier fixa son collègue, puis Sharko.

— Je sais ce que vous pensez, mais j’ai la tête sur les épaules, je connais les enjeux, insista Nicolas. Ma compagne est entre les mains de ces hommes. Vous croyez que j’ai envie que l’opération foire ? On baigne dans le jus, on connaît nos adversaires, et on n’a pas le temps de préparer quelqu’un d’autre.

Marnier se passa la main sur le menton.

— Très bien. Mais on te suivra dans la forêt, on sera derrière toi. Je ne veux prendre aucun risque, et surtout pas celui qu’il s’échappe ou que tu te mettes à tirer sur tout ce qui bouge. Et on t’équipe. Gilet pare-balles, micro.

Le chef de l’Antiterrorisme empoigna Dambre avec fermeté.

— Allez, on fonce.

[67]

Assis sur le siège arrière, Sharko, qui était au téléphone, raccrocha, tandis que Nicolas conduisait à vive allure, doublant dès qu’il le pouvait.

Ils arrivaient à proximité de Méry-sur-Oise. Trois autres véhicules banalisés suivaient à plusieurs centaines de mètres. Ils pistaient le véhicule grâce à une balise GPS. À 22 heures, il y avait encore un peu de circulation, juste ce qu’il fallait pour se noyer dans le flux.

— Casu vient de faire des recherches, annonça Sharko. Il y a des dizaines et des dizaines d’hectares de carrières souterraines sous la forêt. Elles ont servi de base aux nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Il y a carrément une gare souterraine là-dessous, d’anciens sites de stockage de missiles. C’est très étendu.

— Des carrières… C’est dans ce genre d’endroit que ça avait commencé, l’année dernière, tu te rappelles ?

— Juste une coïncidence.

— Les égouts, les carrières, le Darknet… Toujours les sous-sols, les profondeurs.

— En marge de la société, là où personne n’irait les chercher. Sous la surface des apparences.

Nicolas crispa ses mains sur le volant. Le gilet pare-balles lui serrait la poitrine.

— Tu crois qu’elle est vivante ?

Sharko fixait la forêt qui défilait, tel un mur de ténèbres. C’était la question qu’il redoutait depuis qu’ils étaient montés dans le véhicule.

— J’aimerais te dire que oui. Mais je n’ai pas la réponse. Je suis désolé, Nicolas.

Bellanger soupira avec tristesse.

— Pourquoi j’ai continué à m’acharner ? J’aurais dû tout plaquer, l’année dernière. Ne jamais reprendre mon poste. Partir avec Camille, loin de tout ça. Changer de vie…

— Tu ne dois rien regretter. Jamais. T’es flic, t’y peux rien.

— C’est la femme de ma vie, Franck. Je ne supporterai pas de la perdre.

Le ruban de bitume se rétrécissait en même temps qu’ils s’enfonçaient dans une masse opaque de végétation. Le ciel noir n’apparaissait plus que par intermittence. L’éclat de leurs phares se voyait des centaines de mètres à la ronde et Nicolas jetait des coups d’œil réguliers dans son rétroviseur. Les équipes assuraient : elles étaient invisibles. Quant à Sharko, il était désormais couché à l’arrière, les mains sur son pistolet. Comme souvent dans ces moments-là, ceux où leur vie était en danger, Franck songeait à sa famille. À Lucie, à ses fils qu’il n’avait pas vus de la journée. Il avait dit à Nicolas de ne pas regretter… Mais si, bien sûr qu’il fallait regretter.

Nicolas conduisit la voiture aussi loin qu’il le put, bifurquant quand il pouvait pour se rapprocher de la destination. La petite route cahoteuse qu’ils avaient empruntée se termina en un minuscule parking vide. Il coupa le contact, mit sur sa tête la capuche d’une veste prise chez le hacker et vérifia que son Sig Sauer était bien en place, coincé dans la ceinture de son pantalon.