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— Qué ? elle murmure… Si ! Oune minoute !

« Oune maestro ! » elle me virgule en obstruant l’émetteur.

— Quoi, un maestro ?

— Jé n’é pas réténou son nom. Cracricrac ! On trouc commé ça.

— Krackzyblum ?

— Si !

Je me déplante de Maria, me relève comme tu déplies un mètre de charpentier. Harassé, je vais prendre le combiné.

— San-Antonio, j’écoute.

Oui, j’écoute. Ça, pour écouter, j’écoute, mais je ne perçois qu’une espèce de râle, même pas : un gargouillis très faible avec, en surimpression sonore, des coups secs qui vont en diminuant d’intensité.

— Allô ! égosillé-je comme un con. Allô !

L’image classique, si souvent vue dans les films « B » d’un gonzier refroidi dans une cabine téléphonique, avec le combiné brutalement lâché qui fait le pendule… Oui, ça, exactement ça. Ou alors une mise en scène pour le donner à accroire que.

Je dépose le combiné à côté du poste.

— Touchez pas à ça ! lancé-je aux femelles.

A poil, je m’élance hors de ma piaule pour descendre au salon où se trouve notre deuxième ligne, celle qui me sert uniquement à appeler Félicie. Un acte d’amour !

Je tube le service des écoutes. Me nomme. Ça devait pioncer là-dedans. C’est ébaubi, embrumé, mêlécasseux.

— Notez mon numéro, enjoins-je. Je suis présentement en ligne avec quelqu’un qui ne répond pas. Essayez de déterminer le lieu d’appel de ce correspondant muet. Quand vous y serez parvenu, si vous y parvenez, téléphonez-moi au second numéro que je vais vous donner. Et remuez-vous le cul, sinon vous allez encore aggraver le graphique du chômage.

Je me laisse tomber dans un fauteuil.

Epuisé, je pars en sucette !

Une omelette de six œufs !

T’as déjà bouffé une omelette de six œufs, tout nu dans une cuisine, les roustons pendants du tabouret, avec trois frangines qui te regardent claper ? Ça fait une curieuse impression. Tu te crois revenu à l’âge du feu ou de la pipe taillée, quelque chose comme ça. Chef de tribu, tu te sens. Grand sorcier à la bite en or ! Guérisseur d’écrouelles. Masseur de clitos ! Roi, quoi ! Pouvoir discrétionnaire. Lettres de cachets (d’aspirine). Bon plaisir. Toutim ! Les couilles pendantes, ça provient. Plus rien à cacher : elles ont fourni leurs preuves, prestations. Réputées irremplaçables, tu saisis ? Alors, qu’est-ce qu’il fait, l’être irremplaçable, malin ? Hmm ? Ben oui : il laisse flotter. Puisqu’il n’y a que lui dans sa catégorie, qu’il craint aucune concurrence, il peut péter à table, se torcher avec la nappe, se branler dans le plat de macaronis si le paf lui en chante.

— Vous voulez dou pimiente, señor  ? que bêle la Maria, en pure extase, le pot endolori, défoncé à bloc comme un vieux sommier de bordel.

Elle a retrouvé sa vitesse de croisière, la pécore. Rétablie, sa supériorité sur ses frangines friponnes : oui, oui, c’est bien elle la queen  ! Elle qu’a le droit exclusif de faire dégorger le seigneur. Ce qui précédait, c’était juste des amuse-gueules, un prélavable (Béru dixit), des gammes, comme qui dirait… Les jumelles ? Une simple mise en train du mec. Mais la troussée épique c’était pour les miches à qui ? A Maria ! Elle sent le feu du guiseau dans la moniche surchauffée, la gentille Espingote. Le bonheur complet, c’est la señorita Carcavello Maria qui se l’est octroyé plein cadre. La celle qui peut plus arquer, qu’a le fignedé frotté au piment de Cayenne, c’est toujours bien elle.

Du coup, sa pudeur a baissé culotte et pavillon. Elle leur a montré, à ces cadettes de merde, sottes pécores inexpérimentées et vantardes ce qu’était une vraie partie de trou ! Elles ont pigé, Conchita et Isabella, qu’au jeu du radada en folie, elles étaient pas encore de taille à lui tenir cul, Maria. qu’elles pouvaient continuer l’école du soir, ces glandeuses. Se jouer des solos de clito à deux doigts avant de lui arriver à la cheville ! Un piège à pafs comme le sien, fallait encore quelques mois de nourrice avant de le rendre performant. La secouée qu’elle vient de déguster, c’est pas avec des petits dargifs en pomme qu’on l’assume. Faut du bon gros pétrousquin velu pour s’aligner au départ de l’épreuve. Y a eu des phases de la compétition nous deux, où ni l’une ni l’autre des jumelles aurait pu tenir la route. Ç’allait vite devenir le Paris-Dakar dans le Ténéré. Elles allaient droit aux tonneaux dans les dunes, les pauvrettes. Y a que des 4×4 comme Maria pour se risquer dans le sans-piste, à la découverte.

Tout ce que je te résume, elle l’exprime à sa manière, ma soubrette. Ses regards hautains, ses sourires de statue pieuse, ses silences pleins de sous-entendus le prouvent.

Je clape comme bouffe un clébard affamé, la tête dans le guidon, l’avant-bras qui tient la fourchette porte sur le bord de la table, contrairement aux règles de bienséance les plus alimentaires. Du bout des doigts, je pousse mon verre. Maria s’empresse de le remplir. Un pacha, te dis-je !

— Vous voulez dou froumage, señor  ?

— Camembert ?

— Si, à point.

— O.K.

— Avec dou mantequilla  ?

— Non, pas de beurre ; les calories en rang par quatre, merci bien !

Elle rit sous sa moustache de saint-cyrien d’avant-guerre. J’attaque le calendos.

Le bigophone retentit. Je bondis.

Le mec des écoutes, service de noye.

— Vous avez pu retapisser l’appel ?

— Tout à fait ! exulte le mec.

— Bravo ! Alors ?

— Une cabine téléphonique de la gare des Brotteaux, à Lyon.

— Bravo, bravo ! Et je dirais même plus : Bravo ! Joli travail, mon vieux. Vous vous appelez comment ?

— Lavertu Albert.

— Eh bien, je peux vous dire que Lavertu sera récompensé. Bien entendu, le poste de ladite cabine est toujours en ligne avec moi ?

— Toujours !

Je le largue pour appeler la P.J. de Lyon, rue Marius-Berliet que les poulets de là-bas ont surnommée « Fort Apache » à cause, je pense, de son architecture crénelée. Le commissaire Ricardin, qui la dirige, est du genre flic intransigeant, boulot boulot. La presse, lui, il s’en torche. Ce qui l’intéresse, c’est son job, pas la une du Progrès.

Bosseur effréné, il est là encore, malgré l’heure tardive, mobilisé par des giries féroces dans le mitan lyonnais. Il me « prend » illico. Je lui expose mon problo nocturne. S’agit-il d’un canular ou d’un coup tordu ? Il me promet de dépêcher l’un de ses archers en catastrophe et de me rappeler pour m’informer « du suivi ». Banco !

— Bon, les nières, faut aller vous zoner, à présent, les fêtes du couronnement se sont terminées, je leur annonce, péremptoire.

Et ma jolie basse-cour de s’égailler sans protester.

Quelle soirée ! Que dis-je : quelle nuit !

Il est exactement minuit quand le commissaire Ricardin me turlute.

Il me fait, rapidement, en homme qui a une chatterie à fouetter :

— Je vous passe l’officier de police Varissel.

Là, l’organe diffère. Pas du tout la voix beaujoleuse qu’on pourrait attendre d’un poulardin lyonnais, violacé sous le harnais, mais une voix presque encore frêle d’homme jeune.

— Pierre-André Varissel, se présente-t-il. Bonjour, monsieur le commissaire.

— Du nouveau ? m’impatienté-je.

— Et comment ! J’ai fait les cabines téléphoniques de Lyon-Brotteaux et dans celle qui se trouve le plus en retrait, j’ai découvert un homme mort.

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