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— Messire Arnaud..., murmura-t-il... Le reverrons- nous un jour ?

Dieu nous fera-t-il miséricorde ?

— Nous ? Souhaitez-vous donc le servir encore... après ce que vous avez vu ?

— Oui ! À cause de vous, Dame Catherine. Vous l'aimez tant. Et cependant, pour moi, vous avez consenti à le quitter, sans même savoir s'il vivrait.

— Ce n'est pas à cause de vous, Bérenger. Le Damoiseau aurait trouvé un autre moyen de me contraindre.

— Vous dites ça pour que j'aie moins de peine, mais je suis coupable, moi aussi, car il est mon seigneur et je l'ai abandonné. S'il meurt... je retournerai chez les chanoines de Saint-Projet et je me ferai moine.

Le chagrin de l'enfant, ce besoin de sacrifice et aussi cette espèce de marché qu'il voulait passer avec Dieu, louchèrent Catherine au plus profond. Doucement, elle tourna la tête et posa ses lèvres sur la joue mouillée du page.

— Ne dites pas de sottises, Bérenger ! Vous n'êtes pas fait pour le cloître...

Mais quelque chose se serra dans son cœur. Landry, lui non plus, ne paraissait pas fait pour le couvent lorsqu'il avait l'âge de Bérenger...

L'appel du ciel emprunte parfois d'étranges chemins... Cependant, elle savait que Bérenger ne l'avait pas entendu. Il voulait seulement payer ce qu'il estimait être sa dette : entrer en religion pour expier la mort solitaire de son seigneur...

Elle regarda le ciel comme pour lui demander un signe. Il était beau et pur, si serein qu'il semblait ne pouvoir couvrir que le calme et le bonheur. Ce n'était pas du tout un ciel de désespoir mais, dans la chaude teinte dorée qui commençait d'envelopper la nature, Catherine croyait lire une sorte de promesse.

Elle crut entendre, par-delà l'espace, la voix de Sara qui, pleine de conviction, lui avait dit au premier soir du siège :

— Messire Arnaud reviendra à Montsalvy !

Hélas, elle n'avait pas précisé sous quelle forme et sa prédiction s'était bornée à lui affirmer qu'elle aurait encore à souffrir de lui...

La cloche de la chapelle sonna prime et le cœur engourdi du château, lentement, se remit à battre. Les cris des guetteurs se répondirent d'une tour à l'autre, tandis qu'une corne mugissait quelque part pour appeler les hommes à leur tâche quotidienne.

Gauthier, qui avait fini par s'endormir, s'étira et bâilla :

— Est-ce l'heure ? demanda-t-il.

Pour toute réponse, Catherine lui montra le soleil qui bondissait au-dessus de la grande mer verte des arbres. L'heure était venue, en effet

! La première d'une longue suite inconnue...

Quel avenir annonçait-il, ce soleil, pour la dame de Montsalvy ?

Celui de l'amour retrouvé, revécu, rénové, à l'abri d'une poitrine d'homme... ou bien celui, austère, d'une femme en noir, isolée sur sa montagne suzeraine, à mi-chemin du ciel devenu le dernier espoir et de la terre où s'élèverait l'héritier et où le petit peuple chaleureux, tenace et fier continuerait d'écrire avec sa sueur et son sang la belle histoire du pays arverne ?

La réponse n'appartenait pas à Catherine mais, cette fois, elle n'essaya pas de forcer le destin par de nouvelles supplications. Le temps en était révolu. Avec simplicité, avec humilité aussi, elle s'en remit enfin à plus puissant qu'elle :

— Que Ta Volonté soit faite, Seigneur..., murmura-t-elle.

Et, courageusement, elle détourna les yeux de la maison du notaire, tandis qu'avec un grondement de tonnerre descendait le grand pont-levis...