Les bouteilles d’air comprimé étaient déjà en bas.
Adam Salad Adam se laissa glisser le dernier le long de l’échelle, pas rassuré ; il n’avait vraiment pas le pied marin.. Il ne fut rassuré qu’en se laissant tomber dans le canot secoué par la houle. Très vite, les deux embarcations s’éloignèrent du « Buruh Océan ».
L’homme de barre de la première barque avait un petit compas lui indiquant le cap à suivre pour rattraper le « Venus Star ». Comme ils étaient très bas sur l’eau, ils ne le voyaient pas encore, mais le super-gazier ne se trouvait qu’à une dizaine de miles devant eux. Vingt minutes de mer.
Adam Salad Adam se tassa à l’arrière, mal à l’aise. Les deux barques « tapaient » de façon effroyable dans la houle et le Shebab se demanda comment ils allaient pouvoir aborder un navire aussi énorme que le « Venus Star ». En dépit du soleil radieux, il grelottait.
C’est le cri de joie d’un des pirates qui attira son attention. Il se souleva à demi et aperçut devant lui un énorme navire noir qui semblait très bas sur l’eau.
Le « Venus Star ».
Ds arrivaient par son arrière et déjà, l’homme chargé de lancer le harpon, s’activait autour de sa bouteille de gaz comprimé. Les autres vérifiaient leur armement. Le silence était absolu. Plus la coque noire grandissait à l’horizon, plus le Shebab se sentait mal à l’aise : cela semblait impossible qu’ils arrivent à grimper à bord de ce mastodonte !
Désormais, ils étaient derrière lui, et, à cause de la houle, le perdaient parfois de vue. Il se demanda si les marins du « Venus Star » les avaient repérés. Ce n’était pas certain : très bas siir l’eau, ils étaient presque invisibles, à cause de la forte houle.
Les deux barques naviguaient désormais côte à côte, moteurs à fond, rebondissant sur les vagues. Tous leurs occupants étaient trempés, mais n’avaient d’yeux que pour le monstrueux navire qu’ils étaient en train de rattraper. Bientôt, ils furent assez près pour déchiffrer l’inscription du tableau arrière :
« Venus Star. MONROVIA »
La première barque accéléra, s’écartant du sillage du super-gazier. Adam Salad Adam la vit arriver à hauteur du navire dont le pont semblait vide. Il devait filer 16 nœuds environ, traçant son sillon dans la mer démontée.
Soudain, un des pirates se leva, braqua son lance-harpon à 45° sur le super-gazier et lâcha l’air comprimé. Le Shebab vit le harpon décrire une courbe gracieuse et retomber sur le pont. Aussitôt, l’homme de barre changea violemment sa course, venant se coller contre l’énorme coque noire.
Celui qui avait lancé le harpon tirait sur la corde afin de s’assurer que le crochet était bien pris. Les deux échelles dé spéléologue tapaient contre la coque. Le cœur battant, Adam Salad Adam vit un des pirates se mettre debout dans une position acrobatique sur l’avant de la première barque et attraper l’échelle. Plaqué contre la coque, il se mit à grimper comme un singe, la Kalach accrochée dans le dos. Déjà, un second lui succédait.
Aucun signe de vie sur le pont du super-gazier.
Le premier pirate enjamba le bastingage et disparut. En moins de deux minutes, tous étaient à bord : l’embarcation s’écarta pour laisser la seconde s’approcher du « Venus Star ». Adam Salad Adam leva les yeux et eut le vertige en voyant l’énorme mur noir et lisse, qui semblait ne jamais finir. On l’aida et, comme les autres, il finit par attraper les filins de l’échelle, grimpant maladroitement, mais ivre de fierté.
Dans quelques minutes, ses hommes seraient maîtres de l’énorme super-gazier et pourraient l’emmener où bon leur semblerait.
Il se retourna et aperçut derrière eux une petite tache blanche, à une dizaine de miles : un autre navire, beaucoup plus petit que le « Venus Star ».
CHAPITRE XXV
Le « Mac Arthur » n’avançait plus qu’à quelques nœuds. Ivre de rage, Malko, de la dunette, observait les marins entourant le « Bell 206 », sur la plage arrière. Deux missiles « Hellfîre » étaient accrochés sous son fuselage, prêts à servir, l’équipage était dans le cockpit, les filins le retenant au pont avaient été largués, mais la turbine refusait de démarrer !
Cela, depuis vingt minutes.
Fiévreusement, un mécanicien auscultait l’appareil, sous le regard désolé des autres membres dé l’équipage.
— Qu’est-ce qui se passe ? lança Malko.
— On n’en sait rien, avoua Malcolm. Avec l’air marin, on a parfois des pépins bénins, mais il faut les trouver...
Malko en aurait hurlé de fureur. Il se retourna vers l’avant et aperçut assez loin devant eux un petit navire qui s’éloignait vers l’est. Ils avaient vu s’en détacher deux barques qui étaient parties à l’abordage du « Venus Star », une demi-heure plus tôt. Normalement, ils auraient eu dix fois le temps de faire décoller le « Bell 206 » pour les intercepter. En plus des « Hellfire », l’hélico avait deux mitrailleuses légères, largement suffisantes pour neutraliser les pirates.
Hélas, le « Bell 206 » était toujours cloué au pont et, dans les jumelles ils avaient pu assister à l’attaque du « Venus Star », menée en quelques minutes !
Désormais les pirates étaient à bord et contrôlaient le super-gazier. Celui-ci continuait sa course à la même allure et les deux barques qui avaient servi à l’aborder avaient regagné leur « mothership ». Pour ce dernier, la mission était terminée.
Un sifflement aigu lui fit tourner la tête.
Les pales du « Bell 206 » tournaient enfin ! Les hommes s’écartèrent de l’hélico qui décolla verticalement puis s’éloigna en direction du « Venus Star ».
Un peu tard, hélas.
Malko se tourna vers Malcolm.
— Contactez le « Venus Star » en VHF.
— Ce sont les pirates qui vont répondre...
— On va voir.
Désormais, il fallait échafauder un autre plan de bataille.
Adam Salad Adam sortit de sa poche un papier plié et le posa sur la table des cartes à côté de la barre. Le commandant du super-gazier n’en revenait pas. La plupart de ses vingt-six hommes d’équipage se reposaient lorsque l’attaque avait eu lieu, et, d’ailleurs, à part un pistolet rangé dans le coffre de bord, il n’y avait aucune arme sur le super-gazier.
Son équipage, des Yéménites, des Nigérians et des Saoudiens, ne savait même pas encore que le bateau avait été arraisonné.
En arabe, Adam Salad Adam désigna son papier au capitaine.
— Tu vas suivre ce cap et tout se passera bien. Le commandant leva la tête, étonné.
— Tu veux que je revienne dans le Golfe Persique ?
— Exactement.
— Pourquoi ?
— Tu n’as pas à le savoir. Obéis.
Dompté, le commandant répercuta l’ordre au Yéménite qui tenait la barre et le « Venus Star » amorça un très lent virage destiné à le faire revenir sur ses pas.
Laissant un de ses hommes surveiller la dunette, Adam Salad Adam gagna le pont, grand comme un terrain de football. Ses hommes s’y affairaient déjà, ouvrant les sacs qui contenaient les explosifs. Il interpella leur chef, un moudjahid qui avait combattu en Afghanistan, formé au maniement des explosifs dans un des camps de l’organisation Laskhar e Taiba.
— Tu as plusieurs heures pour mettre ton dispositif en place, lança-t-il, mais il vaut mieux être prêt le plus vite possible. Au cas où nous croiserions un navire de guerre américain.
— Je pense que, dans deux heures, nous aurons disposé les charges aux endroits stratégiques, répondit le milicien.