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Un conseil d’expert : si tu t’intéresses sérieusement au négoce de la protection, le mieux est de dépenser quelques crédits pour un petit investissement initial auprès de l’agent responsable de la logistique au Commandement. Il te remettra lui-même un gilet en kevlar, ainsi qu’une arme non enregistrée. Et à un prix moins élevé qu’il n’y paraît si tu y réfléchis un peu. Pense que tu éviteras ainsi qu’un coup de feu tiré en dehors du service laisse une trace dans l’ordinateur central auquel sont connectées nos mini-mitrailleuses, comme on te l’a appris à l’Académie.

Les commerçants récompenseront ton effort par une prime très juteuse. Un vigile qui peut faire usage de son arme sans souci est toujours plus efficace qu’un autre ne pouvant y recourir qu’en cas extrême, tu ne crois pas ?

Après l’homme sans l’uniforme, une petite explication à propos de l’uniforme sans l’homme. Et là, nous nous éloignons de la Loi. Au cas où tu serais ambitieux et où tu aimerais jouer les caïds.

De temps en temps, un de ces entrepreneurs à son compte, comme notre ami Ahimasa, t’approchera et te proposera une somme considérable pour le prêt de ton uniforme-armure en kevlar. Une somme vraiment importante. N’hésite pas une seconde, donne-le lui. Sans le moindre remords, ni sans te sentir traître à notre corporation.

Il n’y aucun mal à accéder à sa requête : il est rare qu’ils utilisent nos uniformes autrement que pour des règlements de comptes internes. Et si le grabuge est trop important et que nous devons intervenir… un uniforme en kevlar ne constitue pas une assurance-vie pour ceux qui nous affrontent. Tout exécuteur qui se respecte sait que nos balles à tête creuse peuvent traverser nos propres cuirasses. Par chance, aucune autre arme terrestre ne possède la puissance de feu nécessaire.

C’est la raison pour laquelle nous poursuivons avec une telle hargne les trafiquants d’armes qui vendent des masers et des projectiles à charge explosive. Si ces trucs-là circulaient au marché noir, nous perdrions complètement le contrôle de la situation.

Ah, et encore quelques détails. Lorsque tu loues ton uniforme, n’oublie pas deux précautions importantes. Premièrement, et c’est presque une lapalissade, retire la vibro-plaque d’identification et tout insigne de la corporation, au cas où tes « clients » seraient capturés. Deuxièmement, demande un nouvel uniforme pour vol de l’ancien. Et assure-toi que la date de ta demande soit au moins trois jours antérieure à celle où tu le « prêtes ». Si on te rend ton gilet sans problème, annule la demande. Mais si tes « clients » sont capturés ou tués, ce sera ton meilleur alibi : on m’a volé mon uniforme, ce n’est pas ma faute, je m’en suis rendu compte à temps, il n’y a plus de morale, on a dû le prendre sur mon étendoir à linge lorsqu’il séchait, sûrement un type de mon quartier qui me déteste et qui l’a ensuite revendu à des assassins…

Et ne proteste pas si l’officiel chargé de l’intendance te fait payer ton nouvel uniforme-armure de kevlar un peu plus cher. Il n’est pas idiot, et comme il a peu de contacts réguliers avec l’extérieur, il doit assurer ses extras comme il peut, n’est-ce pas ? Nous avons tous le droit de vivre.

Ah, à propos des commerçants en alimentation…

Bien que tu m’aies l’air d’être un de ces obsédés des légumes cultivés naturellement, de la viande sans hormones synthétiques et de tout ce vieux discours écologique, je vais te dire une chose : ça fait des années que je ne dépense quasiment rien en nourriture. Mon four à microondes brille comme un sou neuf. Mais, chaque jour, je mange comme un roi. À tous les repas. Regarde le ventre que je commence à prendre, bien que quotidiennement je passe une demi-heure dans le simulateur de jogging.

Le secret ? C’est très facile…

L’un des cours que je trouvais les plus difficiles, à l’Académie, c’était l’hygiène alimentaire. Toi aussi ? Je ne sais pas pour toi, mais j’ai eu toutes les peines du monde à apprendre les normes élémentaires du transport, de la conservation, de la préparation et de la vente des matières comestibles. Mais je dois admettre que ce cours s’est révélé le plus utile de ma formation. Parce que, surprise ! Presque aucune de ces normes n’est appliquée dans la vie réelle. Comme pour tout, sur Terre.

Si les commerçants suivaient au pied de la lettre chacune des mille et une spécifications de la Loi, ils seraient ruinés. Ils le savent, nous le savons… la Loi le sait. Auparavant, il existait un corps d’inspecteurs sanitaires qui encaissaient des pots-de-vin pour fermer les yeux. Par chance, il y a cinq ans, la Directive 538 nous a donné les pleins pouvoirs sur le contrôle sanitaire de la planète. D’après moi, on nous a rendu justice.

Si tu vois un détaillant en train de vendre des légumes à l’odeur de dextrine, ou des poulets un peu gonflés aux stéroïdes synthétiques, et qu’il t’invite à déjeuner… N’hésite pas. Accepte. Oui, il s’agit d’un pot-de-vin… Mais tu peux être sûr qu’il ne met pas sur sa table les cochonneries qu’il vend. Il les réserve très probablement aux extraterrestres, et tu ne nuis donc à aucun humain en laissant faire.

Et je t’assure qu’en échange de ta tolérance tu mangeras des légumes exquis. Voilà les grands plaisirs de la vie, les plus élémentaires : le sexe et la bouffe. On a le droit de respecter son propre palais, non ? Nous ne sommes pas des xénoïdes à l’estomac d’acier. Parce que ces aliens, ils se fichent de bouffer de la merde ou du caviar, tant que le chef leur jure que c’est un plat exotique terrien. Les imbéciles.

Au-delà de l’épicurisme, je te conseille, si tu envisages de devenir père un jour, de ne pas manger ces succulents légumes produits en serre ou de ne pas te laisser tenter par l’aspect juteux et bon marché de ces poulets de dix jours qui en paraissent quarante, tant ils sont grands et gros. Bien qu’inoffensives pour les métabolismes de ces créatures bizarres venus d’autres mondes, les hormones synthétiques peuvent causer de grands dommages au tien… ou à celui de tes enfants, si ta femme et toi vous décidez d’en avoir de façon naturelle. Bien que, si c’était moi, je mettrais un paquet de crédits dans un bon design génétique. C’est propre, sûr et efficace.

Il faut être dur avec ces commerçants et ces petits industriels qui contaminent l’environnement en déversant directement dans les égouts leurs résidus pourris et cancérigènes, leurs déchets non biodégradables et leurs eaux résiduelles non traitées. Ils méritent des amendes ! Et autant de fois que nécessaire ! Pour qu’ils finissent par comprendre qu’à la longue, cela leur coûtera moins cher d’installer une station d’épuration que de continuer à violer les Lois de protection écologique.

Comme tu le vois, bien que je taquine, je me préoccupe, moi aussi, d’écologie et de conservation. Par simple pragmatisme, par instinct de survie, plus que par passion pour les bestioles et les plantes.

La Terre est notre planète, non ? Que des quidams de la grande banlieue de Pluton soient les maîtres aujourd’hui ne signifie pas que tout nous soit égal, ni que nous devions nous suicider en nous laissant contaminer par notre propre merde. Sans compter que nous perdrions ces touristes qui profitent tant de nos forêts vierges, et du reste, et qui nous maintiennent encore à flot.

Qu’est-ce que j’ai oublié ?

Ah oui ! Le plus important. À l’Académie, on a dû te parler de la rotation du personnel. Trois mois ici, aux Patrouilles, trois à la Force dissuasive, trois aux Homicides, et ça, à l’infini. Cet amusant système est venu à l’esprit d’un petit chef… Je suppose qu’il voulait éviter que les pauvres agents et sergents de rue ne soient trop tentés de tomber dans l’horrible péché véniel de la corruption… Sûrement que cet imbécile s’est pris pour un génie avec son idée.