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La Sécurité Planétaire la connaît également, et la surveille constamment.

LA SURVEILLANCE : LA SÉCURITÉ PLANÉTAIRE

La Sécurité Planétaire n’existe que pour contrôler.

Contrôler signifie, entre autres choses, empêcher le Voyage par tous les moyens possibles grâce à un système divisé en plusieurs niveaux.

Le premier niveau inclut la recherche de cachettes où se construisent des vaisseaux artisanaux via un important réseau d’informateurs grassement rémunérés et l’organisation de descentes surprise, ainsi que la vente très contrôlée de tout matériau ou instrument susceptible d’être transformé en pièces d’ingénierie spatiale.

Le deuxième niveau est constitué par un réseau de radars basés sur Terre. Jour et nuit, ils scrutent l’atmosphère de leurs yeux invisibles pour repérer, au milieu des vols commerciaux des aérobus, tout objet volant non identifié quittant la planète.

Le troisième niveau comprend les radars orbitaux qui cherchent à détecter, au milieu des lanceurs apportant leur cargaison aux hyper-vaisseaux arrimés aux points d’accouplement, tout objet volant non identifié atteignant la deuxième vitesse cosmique.

À ces deux niveaux, les vaisseaux patrouilleurs à haute technologie fournis par les xénoïdes à la Sécurité Planétaire jouent un rôle primordial. Avec six membres d’équipage, hyper-aérodynamiques, capables d’atteindre des vitesses trisoniques et de résister à des transitions atmosphériques répétées, les patrouilleurs suborbitaux sont très bien armés. Si l’objet volant non identifié cesse de l’être et devient un vaisseau de fabrication artisanale qui se dirige vers le Tunnel de fuite, les membres d’équipage de tout patrouilleur ont l’ordre de communiquer avec lui par radio et de l’obliger à se rendre par tous les moyens. S’ils n’y parviennent pas, ils doivent ouvrir le feu et le détruire.

En général, les équipements de communication primitifs des vaisseaux de fabrication artisanale sont totalement incapables de fonctionner durant leur ascension vers l’orbite qui les soumet à des accélérations de plusieurs g et à des perturbations statiques. C’est pourquoi, bien souvent, ceux de la Sécurité Planétaire négligent de s’annoncer et tirent sans sommation.

Si les vaisseaux parviennent à tromper les trois premiers niveaux du système de surveillance, il reste encore le quatrième et dernier. Le plus difficile.

Après certaines modifications, les patrouilleurs suborbitaux, conçus pour opérer dans l’atmosphère ou dans ses environs, deviennent également capables de fonctionner dans l’espace profond. Avec un équipage réduit à trois membres pour emporter davantage de combustible, réalisant des gardes de plusieurs semaines, ces patrouilleurs modifiés tournent autour du Tunnel de fuite, le fouillant continuellement.

La surveillance se révèle, de toute évidence, très difficile à contourner. Mais c’est toujours possible.

Friga, Adam et Jowe ont tout misé sur cette possibilité.

Et sur leur analyse des autres tentatives pour préparer la leur.

LES AUTRES TENTATIVES : LE FOLKLORE DU VOYAGE

Après des décennies d’essais ratés et de tentatives réussies – une fois sur cinquante –, les aspirants au Voyage ont à leur disposition une masse importante de données techniques. Une information qui, bien sûr, ne se transmet que sous le manteau. Inutile de dire que tout commentaire sur le Tunnel de fuite est interdit et ultra censuré.

Les données proviennent de trois sources principales. Premièrement, les récits des quelques fortunés qui sont parvenus à atteindre les mondes xénoïdes et peuvent ensuite raconter comment ils y sont arrivés. Deuxièmement, l’information issue des membres de leurs « équipes de soutien » qui sont restés sur Terre et font circuler, sous forme de rumeurs, les techniques et modèles de vaisseaux les plus susceptibles de réussir. Et, troisièmement, les histoires de tous ceux qui ont échoué et la façon dont ils s’y sont mal pris.

Si on réunissait tout le folklore du Voyage et de ses véhicules, il faudrait plusieurs milliers de gigabits de mémoire pour en stocker les informations.

Il y a de tout.

Des vaisseaux déguisés en aérobus commerciaux pour tromper la surveillance terrestre.

Des voiles solaires, un moyen de propulsion passif presque indétectable par les instruments des patrouilleurs, pour s’approcher du Tunnel de fuite en passant inaperçu.

Des vaisseaux équipés de plusieurs hyper-moteurs « jetables » afin d’augmenter leur probabilité d’arriver quelque part en réalisant plus d’un saut hyper-spatial.

Des véhicules blindés artisanalement et armés de technologies illégales comme les lasers et les masers, pour résister et riposter à toute attaque des vaisseaux de la Sécurité Planétaire.

Des vaisseaux modulaires qui se séparent en de petits navires indépendants, pour tromper la poursuite des patrouilleurs ou, si c’est impossible, s’échapper et revenir en vie vers la Terre pour réessayer plus tard.

Des véhicules équipés de systèmes d’anabiose pour rester en suspension animée, éternellement, si la chance n’est pas au rendez-vous et qu’on ne quitte pas l’hyper-espace près d’un territoire xénoïde.

Oui, il y a de tout.

Face à tant de solutions aussi inventives que désespérées, Friga, Adam et Jowe ont conçu et fabriqué avec une ingénuité et une patience infinies leur passeport pour le bonheur.

Leur véhicule de fuite, qu’ils ont baptisé L’Espoir.

L’ESPOIR : LE VÉHICULE

L’Espoir est une merveille d’improvisation.

Sur sa proue méritante, est inscrite en lettres d’or la maxime : « La nécessité aiguise l’intelligence ».

Le plan conçu pour l’amener jusqu’au Tunnel de fuite est également un prodige de dissimulation, d’astuce… et d’optimisme.

L’Espoir décollera, caché à l’intérieur d’un aérostat météorologique de grande taille, pour tromper les radars terrestres.

Les quatre kilomètres carrés de syntho-plast réfléchissant, nécessaires à un tel mimétisme, proviennent du butin d’un hold-up perpétré par Friga, des années plus tôt, dans les entrepôts d’une entreprise importatrice gordienne. Par chance, elle n’a jamais trouvé aucun acheteur pour une telle quantité de ce matériau…

À son arrivée dans l’ionosphère, L’Espoir abandonnera son enveloppe de camouflage et prendra une route commerciale vers l’orbite. Son aspect extérieur est presque similaire à celui d’un lanceur classe Tornado, de fabrication cétienne, l’un des plus utilisés dans les astroports terrestres.

Bien qu’ils n’aient travaillé qu’avec des matériaux de récupération, Adam et Jowe sont parvenus à une imitation très acceptable du fini parfait des coques de technologie xénoïde. L’apparence de L’Espoir est pour moitié un miracle de bidouillage technologique, et pour moitié une œuvre d’art sculptural.

Grâce à ses contacts et à une quantité raisonnable de crédits, Friga a mis la main sur l’équipement de communication d’un authentique lanceur classe Tornado en cours de démantèlement. Adam l’a réparé à la perfection. Le vaisseau pourra établir une connexion avec plusieurs astroports.

Prévoyant, Adam a passé plusieurs dizaines d’heures à écouter les conversations entre les contrôleurs et les pilotes des lanceurs. Le moment venu, il est sûr de parvenir à imiter leur jargon…