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— Je reviens dare-dare, fais-je à mes compagnons.

Et je quitte l’apparte pour retourner à la bagnole où poireautent un mort et un enchaîné.

TROISIEME PARTIE

LA MAISONNETTE NOIRE

CHAPITRE XII

Pour une fois, il se ramasse un bide mémorable, le Mastar. Malgré sa chopine phénoménale et son coup de reins champêtre, il la circonvient pas sa Belle Utérus. Qu’il l’embroque à la forçat, elle veut bien, Ninette. C’est une matrone qui n’est pas à un coup de zob près, une méchante vachasse que la vie n’impressionne plus, et encore moins les hommes. Elle les mène à la baguette, cette sous-maîtresse du terrorisme. N’importe les situations, elle fait front, cul ou le coup de poing. Là, comme nous l’avons terrassée d’entrée de jeu, alors, bon, elle subit, tout en déclenchant, mine de rien, le dispositif d’alerte. Elle a confiance, le temps marne pour elle. Il peut brosser comme un cireur de parquets, le Mastar, elle lui laisse passer son tempérament en attendant des heures meilleures.

Alors, tu parles, quand, en pleine tringlée héroïque, M. Gradube disjoncte sciemment, se dresse sur les coudes et lui déclare que, bon, c’est pas tout ça, mais que si elle veut le reste, faut qu’elle en croque, sinon elle restera en rideau de fade, ça la fait plutôt poirer, la mère. Son sensoriel, y a lulure qu’il lui a dit bye-bye. Elle s’est convertie à d’autres plaisirs. La blonde, la mouillance lui vient d’ailleurs. Cheftaine dans l’âme, éprise d’aventures et de coups tordus bien noirâtres, elle t’en fait cadeau du beau paf à Alexandre-Benoît. Il peut y mettre un ruban de pâtissier et courir l’offrir à la reine Fabiola s’il le veut.

Heureusement pour sa vanité masculine, Béru ne se sait pas télévisé. Son prestige n’est en cause que vis-à-vis de sa partenaire. Alors, il s’énerve, fait sautiller l’objet sur sa main.

— Hé ! dis poupée, tu vas pas laisser perdre ce morcif de roi, j’espère ? Y a des dévergondées qui s’massacreraient pour s’offrir un bijou pareil. C’est du calibre, non ? T’en as déjà récolté des manches à gigot pareils, Trognon ? Soye franche ? La pointure au-dessus, t’éclates !

Mais la dame lui répond qu’elle en a vu d’autres, des plus habiles, des que leur heureux propriétaire manœuvrait comme Paganini son archet. Et que s’il ne sait plus quoi en foutre, de son trognon de chou, le gros sac à merde, il a qu’à l’utiliser comme pilon pour se confectionner un ailloli (car elle connaît la cuisine provençale pour avoir fait le tapin à Marseille, jadis).

C’est sur cette réplique que je décide d’intervenir.

Quand un remède reste inefficace, faut jamais se décourager et vite tâter d’un autre. La femme au peignoir bleu, je vais la récupérer sur le terrain de leurs exploits inaboutis et lui enjoins de me filocher dans une autre pièce, en l’occurrence un bureau sans histoire et de faibles dimensions.

J’ai avec moi deux éléments matériels : le fusil mystérieux et la mallette aux explosifs que je suis descendu prendre dans l’auto.

— Je ne vais pas vous faire perdre davantage de temps, madame. Voici l’arme que vous recherchiez. Vous, vous détenez ses plans. Ce qui revient à dire que nous avons tous les deux une moitié de l’orange. Je pourrais vous menacer d’utiliser ce drôle de tromblon contre vous, mais l’ayant expérimenté sur l’un de vos sbires, je puis vous affirmer que ses effets sont tels que je préfère user d’autres arguments. Vous reconnaissez cette mallette : elle sort d’ici. Les explosifs qu’elle renferme sont d’une efficacité exemplaire. Si vous ne me dites pas où se trouvent les plans, je fais sauter votre installation si sophistiquée. Quelle perte pour votre organisation, n’est-ce pas ! Sans parler des ennuis qui en découleraient. Je ne vous donne même pas trois secondes pour réfléchir, j’exige une réponse immédiate. Vous êtes, j’en suis convaincu, suffisamment psychologue pour comprendre que je ne plaisante pas. Cela dit, je vous écoute.

— Les plans ne sont pas ici, répond-elle. C’est l’un de nos correspondants qui les détient.

— Pour quelle raison ?

— Parce qu’il s’agit d’un savant à qui nous les avons donnés à étudier. C’est lui qui a découvert qu’ils étaient incomplets et qu’un prototype existait.

— L’adresse de cet homme ?

— Die Häuslein, à Salbochegaden.

— Eh bien ! allons-y !

— Moi aussi ?

— Naturellement. C’est à combien de temps d’ici ?

— Une demi-heure environ.

— Parfait. Je vais donc régler le dispositif qui se trouve dans le double fond de la mallette pour que tout saute dans une heure un quart. Trente minutes pour aller. Disons cinq minutes pour me remettre les plans ; ensuite il vous faudra trente autres minutes pour rentrer, ce qui vous en laissera dix pour désamorcer.

Mon calme me surprend moi-même. Je m’exprime lentement, à voix presque basse. Sans marquer de sentiments. Un robot. Une mécanique.

Je la prie de m’accompagner dans la cabine où Pinaud continue de batifoler avec le matériel.

— Tu tombes bien ! exulte l’aimable bonhomme. Regarde !

Je me penche sur l’écran où Béru continue de s’escrimer. Ce possédé du chibre a changé de partenaire. Cette fois, c’est avec Carson qu’il s’explique. L’impudeur de la môme me cisaille le moral. Tu la verrais jouer à la girouette, sur le braque au Formide ! Il est couché sur le dos, le Mammouth, les mains croisées derrière la nuque, tandis que cette fabuleuse enfant le monte à cru. Quelle fougue ! Quel déferlement ! Elle y va de toutes ses forces, ma sublime « conquête » ! A dada, à dada ! Quand je te disais que, depuis nos amours nocturnes, je ne la voyais plus pareille. Elle a perdu de sa magie et sais-tu pourquoi, Burnecreuse ? Parce que j’ai eu soudain la révélation qu’elle était nympho. Hystéro, la mère ! Elle essaie de camoufler ça derrière ses grands airs de biche hors d’atteinte ! En fait, elle a la rage du fignedé, la belle créature !

— Elle est partie rejoindre Béru comme une folle, m’explique Pinuchet ; on aurait dit qu’elle se trouvait en état second. Tu parles d’une dévorante !

— Coupe, ça m’écœure, grommelé-je.

Je suis tout froid, tout dévasté de l’âme. L’impression de me retrouver seul dans la foule, comme jadis, dans une fête foraine où m’avait conduit maman. Pendant que je tourniquais sur un manège, Félicie avait rencontré des amis et fait quelques pas avec eux. Quand le manège s’était arrêté, je m’étais cru abandonné. L’horreur !

Avec une rage froide, et sous le regard attentif de la blonde, je règle le détonateur de la valoche aux explosifs.

— Vous pouvez constater, ma chère dame : une heure quinze !

Qu’ensuite je dépose délicatement les explosifs sous les consoles et les écrans, point névralgique du local.

Si ça doit péter, j’espère que tout l’immeuble n’ira pas à dame !

— Viens, Pinuche !

— Et les deux polissons ?

— On les laisse. J’ai glissé un mot sous leur porte pour leur dire de décaniller tout de suite après leurs ébats.

— Tu es jaloux ? demande l’Ineffable.

— Non, c’est autre chose… Ecœuré et peut-être même désespéré quelque part…

— Tu aimais cette fille ?

— J’ai été fou d’elle.

— Il ne faut jamais être fou d’une femme, déclare le Docte. Moi, vois-tu, j’aime beaucoup Mme Pinaud, mais c’est plutôt de la tendresse que de l’amour et en tout cas pas de la folie.

Je l’ai embarquée avec son peignoir, la cheftaine et ses mules bordées de cygne. Pinuche avait une paire de menottes dans sa poche-revolver, alors on les lui a passées, pour être peinards, éviter ces vilaines surprises. Je conduis la voiture, Mémère à mon côté. Pinuche complète sa nuit en se délayant un peu de sommeil en poudre à l’arrière.