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—  Mais vous reviendrez me voir, n’est-ce pas ?

—  Non, inutile d’attirer l’attention sur cette taverne.

—  Le cadavre du soldat n’attirera-t-il pas l’attention ?

—  Non, il arrive tous les jours que nous soyons obligés d’en abattre un ou deux, pour meurtre, mutinerie, etc.

—  Alors, dites simplement à l’oncle David que vous confirmez notre rendez-vous.

—  Si tout va bien, quand vous me verrez dans la salle pendant votre tour de chant, sortez par la porte latérale immédiatement après. Je vous y attendrai. »

Tinkar se pencha sur l’homme qu’il venait de tuer, sans bruit. Un visage banal de soldat anonyme, que le destin avait placé au mauvais endroit au mauvais moment. La pluie croulait sur l’astroport, noyant les rare lumières.

« Allons, venez ! Sortons d’ici ! »

Ils laissèrent le cadavre dans la baraque de garde, filèrent sous l’averse, pataugeant dans les flaques accumulées dans les trous du béton défoncé. Lentement, une forme plus obscure apparut sur le fond de ténèbres, luisant faiblement par moments sous le pinceau d’un phare tournant, là-bas à l’autre bout du terrain.

« Qui va là ? chuchota une voix.

—  Tinkar !

—  Avancez vite ! Ils ont changé les heures de relève. Malvert vient de me le dire. Nous avons peut-être un quart d’heure !

—  Bigre ! Venez ! »

Le bref éclair d’une torche montra un trou béant dans le flanc du navire, au haut d’une échelle métallique.

« Tout le monde à bord ! »

Le sas se referma avec un claquement qui leur parut retentir jusqu’à la ville.

« Ici, Iria, suivez-moi.

—  C’est la première fois que je pénètre dans un navire de guerre.

—  Voici votre poste. Vous voyez cette batterie de lampes rouges, actuellement éteintes. Il y en a huit, six pour les alignements spatiaux, deux pour l’alignement temporel, le phasage. Elles sont disposées en quatre groupes, avec sous chacun un volant. Si dans un groupe la lampe de droite s’allume, vous tournez le volant vers la droite. Si c’est celle de gauche, vous tournez le volant vers la gauche, jusqu’à ce que la lampe s’éteigne. Au moment où la lampe s’allume, un sifflet se fait entendre pendant cinq secondes. Si au bout de ces cinq secondes vous n’avez pas obtenu l’extinction, vous tirez ce levier rouge à fond : il met les hytrons hors circuit, si l’alignement n’est pas trop dérangé. Sinon …

—  Et si plusieurs lampes s’allument à la fois ?

—  Deux au plus. Vous faites de votre mieux. N’ayez pas peur, c’est plus long qu’on ne croit, cinq secondes. Mais il est très rare que le dérangement se fasse dans deux plans. Jamais dans trois. Quand les hytrons seront en service, la lampe verte s’allumera. À partir de ce moment, vous ne devez quitter des yeux les lampes rouges sous aucun prétexte ! Attachez-vous bien dans votre fauteuil, car si vous êtes obligée de tout couper, le choc sera rude. Vous avez compris ! Répétez ce que j’ai dit … Bon, très bien. À tout à l’heure, et bonne chance !

—  Bonne chance à nous tous, Holroy ! »

Il pénétra dans le poste de commandement d’où, si souvent, il avait dirigé le Scorpion. Erikson y était déjà, installé dans le fauteuil du navigateur. Malvert était invisible, enfermé dans la tourelle de contrôle de l’artillerie.

« Tu crois qu’il tiendra ?

—  Mon Scorpion ? Bien sûr. Tout est prêt ? La liste ! Circuit pilotage ?

—  Clair !

—  Circuit vision ?

—  Clair.

—  Circuit artillerie ?

—  Clair.

—  Gravitons ?

—  En charge.

—  Hytrons ?

—  En charge. État neutre. Alignés.

—  Inertrons ? »

Ils entendirent le ronflement d’un moteur. Tinkar activa l’écran de nuit. Quatre camions roulaient vers eux à toute allure, des hommes couraient vers le croiseur, à cent mètres à leur gauche.

« Au diable le reste de la liste. Lève-le, Tinkar, lève-le !

—  Ne t’affole pas, nous avons le temps. Attention, nous partons ! »

Le Scorpion se releva lentement de terre, son nez pointant vers le ciel couvert, prit de l’altitude. À l’endroit où il avait reposé explosèrent des grenades. Tinkar appuya à fond sur la manette de puissance. L’accélération, mal compensée par les inertrons en mauvais état, les enfonça dans leurs sièges. Par le communicateur interne leur arriva un gémissement.

« Tenez bon, Iria ! À peine hors de l’atmosphère j’activerai les hytrons, et ce sera fini !

—  Je tiendrai !

—  As-tu calculé le saut, Eriks ?

—  Deux A L.

—  Ça suffira. Altitude ? Mon altimètre semble déréglé.

—  Quarante kilomètres. Le croiseur décolle !

—  Envoie-lui une chimique, Malvert ! Montre-leur que le Scorpion a encore son dard ! Altitude ?

—  Cinquante !

—  Je passerai dans l’hyper quand nous serons à cent.

—  Dangereux, ça !

—  Trop tard pour reculer ! La torpille ?

—  Pas encore arrivée. Ah ! la voilà ! Touché ! »

Sur l’écran arrière, une fleur de feu trouait la nuit.

« Il en faut plus d’une pour tuer un croiseur ! Mais ça va les retarder. Altitude ?

—  Quatre-vingt-deux !

—  J’aurais cru davantage. Le Scorpion n’est plus ce qu’il était ! Pourtant, la coque doit être rouge, si j’en crois les thermos ! Avertis-moi à cent !

—  Ça y est !

—  Attention, Iria, j’active ! Bougre de salaud ! Tu avais bloqué mon altimètre pour que je ne voie pas que nous sommes déjà à deux cent dix !

—  Nous avions le temps ! Pas particulièrement recommandé de passer dans l’hyper à moins de deux cent kilomètres d’une planète !

—  Ça va ! Sept minutes de saut. Attention : Trois, deux, un, zéro ! »

Ils ressentirent la nausée familière.

« Espérons qu’avec leur équipages de recrues, ils ne pourront pas nous suivre.

—  J’ai inspecté le croiseur cet après-midi. Ils auront du mal à faire marcher leur traceur. Quelle route dois-je calculer, Tinkar ?

—  Deux AL. 180 degrés !

—  Tu veux retourner à la Terre ? Pour quoi faire ? Allons plutôt tout droit vers le monde où tu as vécu !

—  J’ai rendez-vous derrière la Lune, il n’y a pas de planète ! Toutes mes excuses pour vous avoir raconté des histoires, mais si je vous avais dit la vérité, vous ne m’auriez pas cru. Nous devons rencontrer une cité du Peuple des étoiles. Après, nous verrons. Si vous ne voulez pas restez avec eux, ils vous déposeront sur le monde de votre choix.

—  Le Peuple des étoiles ?

—  Oui, des descendants des scientistes qui ont fui sous le règne de Kilos II.

—  Et tu es venu espionner pour eux ?

—  Non. Ils se moquent pas mal de la Terre. C’est plus compliqué. Je vous raconterai à loisir, plus tard. Je ne vous ai pas trahis, croyez-le ! »

« Tinkar ! Tu es revenu ! Qui sont ces hommes ?

—  Des amis qui m’ont aidé, tout en ignorant votre existence.

—  Et celle-là, c’est aussi une amie ?