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J’avais vingt et un ans en faisant le tour du globe, je pouvais aller presque partout. Aujourd’hui Bowie est mort et le monde fait la gueule. Ça ne m’empêchera pas d’envoyer ma fille se faire voir ailleurs, de préférence dans des pays où les gens sont accueillants, surprenants, différents. Ce sont eux qui font les voyages, eux qui font mes livres. L’altérité nous rend plus grands. Les femmes, les hommes que j’ai rencontrés au hasard de mes pérégrinations sont les seuls motifs d’espoir quant à notre devenir ensemble. Nous sommes partout les mêmes à rire avec un ami, pleurer avec une femme, aimer la même ou une autre, à avoir envie de se foutre en l’air parfois, et à ne pas le faire, parce qu’il y a justement autre chose à faire — tellement mieux…

Rêver, aimer, écrire et voyager, j’ai troqué mes lames de rasoir pour son fil, l’âme aiguisée comme un silex. Les monstres de l’Histoire sont toujours là, se réinventent sans cesse. Le capital financier n’a pas besoin de démocratie pour prospérer sans nous. Malgré leurs vœux pieux et leurs paroles inconséquentes, les vampires n’en finissent plus de rendre la terre exsangue, signant en grande pompe des traités qui ressemblent furieusement à ceux jadis promis aux Indiens d’Amérique, et je n’ai que cette plume pour sceptre d’or. Au-dessus du gouffre, la vie ne tient qu’à un fil — narratif ou pas, le seul équilibre qui m’aille pour goûter à la beauté du monde, encore et encore… Pourvu que ça brûle.