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— Non, vous ne vous étiez pas donné la peine de réfléchir. Il faudra vous habituer à réfléchir, en vivant dans la Zone », dit gentiment Einar. Maudit bonhomme !

La poussière de Mars est unique.

Son unicité est le résultat de la cimentation du vide. Il fut un temps où la cimentation du vide était le croque-mitaine des industries de l’espace. De petits composants de sonde spatiale, qui dans l’air glisseraient aisément les uns sur les autres, se soudaient solidement dans le vide, dès que les gaz absorbés par leurs surfaces pouvaient s’évaporer. La cimentation du vide a fondu des éléments dans les premiers satellites américains et dans les premières sondes interplanétaires soviétiques. La cimentation du vide empêche la Lune d’être profondément enfouie sous la poussière des météores. Les particules se soudent en une roche craquante, en un ciment naturel, sous la même attraction moléculaire qui soude les blocs de Johanssen et transforme la vase des fonds marins en roches sédimentaires.

Mais sur Mars, il y a juste assez d’atmosphère pour arrêter ce processus et pas tout à fait assez pour arrêter un météore. Une poussière de météores recouvre presque toute la planète. Les météores peuvent fondre la poussière en cratères, mais elle ne se cimente pas, bien qu’elle soit assez fine pour couler comme de l’huile visqueuse.

« Cette poussière va être notre plus gros problème, dit Luke. L’Intrus n’a même pas eu besoin de se creuser un trou. Il a pu s’enfoncer n’importe où. »

Nick coupa l’émetteur laser qui, après deux jours d’usage, était brûlant. « Il aurait pu se dissimuler n’importe où dans le Système, mais il a choisi Mars. Il devait avoir une raison. Peut-être s’agit-il de quelque chose d’impossible à faire sous la poussière. Ce qui le situerait dans un cratère ou sur une montagne.

— Il aurait été repéré. « Luke regarda une photographie tirée de la mémoire du pilote automatique et prise par un groupe près du piège à contrebandiers. Elle représentait un œuf métallique vaguement luisant dont le petit bout était pointu. L’œuf se déplaçait le gros bout en avant, et il filait comme s’il était propulsé par une fusée. Mais il n’y avait pas de jet de propulsion, du moins aucun qui aurait pu être détecté par un instrument.

« Il est assez gros pour être aperçu de l’espace, dit Luke, et facilement reconnaissable avec cette coque argentée.

— Oui. Eh bien, il est sous la poussière ! Il faudra beaucoup d’astronefs avec des radars de profondeur pour le trouver, et encore sans garantie. » Nick promena ses mains sur son crâne dégarni. « Nous pourrions repartir maintenant. Votre gouvernement de Terriens s’est finalement décidé à nous envoyer quelques vaisseaux. J’ai eu l’impression qu’ils n’étaient pas tellement contents de nous voir participer à leurs investigations. » Il s’était exprimé d’une voix neutre, diplomatique.

« J’aimerais bien continuer. Quel est votre sentiment ?

— J’en suis ! La chasse aux choses bizarres est le sport que je pratique en vacances.

— Par où commenceriez-vous vos recherches ?

— Je ne sais pas. La poussière la plus épaisse sur la planète est dans le Tractus Albus.

— De sa part, ç’aurait été idiot de choisir la plus épaisse. Il serait allé là par hasard.

— Vous avez d’autres idées ?

— Solis Lacus, par exemple.

— Oh ! L’ancienne base des Terriens ? Bien raisonné. Il pourrait avoir besoin d’un système de survie pour Brennan.

— Je n’avais même pas pensé à cela. S’il a besoin de quoi que ce soit là-bas – technologie humaine, eau, n’importe quoi – c’est le seul coin où il peut aller sur la planète. S’il n’y est pas, nous pourrons au moins remplir quelques récipients de poussière martienne…

— Bœuf Bleu appelle U Thant. Ici Bœuf Bleu. Bœuf Bleu appelle U Thant par Death Valley Port. »

Ce message contiendrait un signal de cap. Nick régla le pilote automatique pour diriger son propre com-laser. « Cela prendra quelques minutes », dit-il. Puis : « Je me demande ce qui se passe pour Brennan.

— Pourrons-nous sortir de ce fatras le radar de profondeur ?

— Espérons que oui. Je ne vois pas quel autre instrument nous pourrions utiliser comme chercheur.

— Un détecteur de métal. Il doit y en avoir un à bord. »

« Ici Nicholas Brewster Sohl à bord d’U Thant. J’appelle Bœuf Bleu. Quelles nouvelles ? Je répète. Ici Nicholas… »

Einar passa sur l’émetteur. « Einar Nilsson, commandant du Bœuf Bleu. Nous avons rattrapé l’astronef de l’intrus. Tina Jordan se prépare à l’aborder. Je vous branche sur Tina. » Ce qu’il fit.

Et il se rejeta en arrière sur son siège pour attendre.

Il aimait bien Tina. Il était à moitié certain qu’elle trouverait le moyen de se faire tuer. Nate avait protesté avec véhémence, mais les arguments d’Einar étaient sans réplique. Il regarda attentivement le film transmis par la caméra du casque de Tina.

L’astronef de l’intrus avait l’air déserté, avec son attitude oblique et ses câbles mous de remorque qui commençaient à faire des boucles. Tina ne distingua aucun mouvement dans la lentille de la grosse pupille de l’œil. Elle s’arrêta à quelques mètres du hublot, et elle remarqua avec satisfaction que ses mains ne tremblaient pas sur les commandes d’allumage des jets.

« Ici Tina. Je suis à l’extérieur de ce qui ressemble à un module de commande. J’aperçois par la vitre – si c’est du verre – un siège d’accélération et des commandes tout autour. L’Intrus doit être hominien.

« Le module de service est trop radioactif pour que je m’en approche. Le module de commande est une sphère lisse avec un grand hublot et des câbles qui traînent dans les deux sens. Vous devriez voir tout cela, U Thant. »

Elle tourna lentement autour de la grosse pupille. Elle prenait son temps. Les Zoniers ne se hâtaient qu’en cas de nécessité absolue. « Je ne trouve aucune trace d’un sas. Il faudra que je me fraie un passage au pistolet thermique. »

« Passez par le hublot. Inutile de mettre le feu à un explosif quelconque », lui dit derrière son oreille la voix d’Einar.

La matière transparente avait un point de fusion de deux mille degrés Kelvin, et un laser était évidemment hors de question. Tina se servit d’un pistolet thermique pour tracer et retracer un cercle. Petit à petit, elle réussit à couper la matière transparente. « Je reçois du brouillard par les fentes, raconta-t-elle. Ah ! Je vais pouvoir passer ! »

Un disque transparent d’un mètre fut éjecté par le reste de l’air ; une sorte de brume blanche l’accompagnait. Tina se saisit du disque et l’envoya vers le Bœuf en vue d’une récupération ultérieure.

La voix d’Einar grésilla : « N’essayez pas encore d’entrer !

— Bien sûr. » Elle attendit que les bords du trou se refroidissent. Un quart d’heure, pendant lequel il ne se passa rien. Elle pensa qu’on devait commencer à s’agiter à bord de l’U Thant. Toujours aucun signe de mouvement à l’intérieur du module. Ils n’avaient rien décelé quand ils l’avaient sondé avec le radar de profondeur ; mais les parois étaient épaisses, et il était possible que quelque chose d’aussi peu dense que de l’eau, par exemple, eût échappé à l’examen.

Assez de temps perdu. Elle plongea à travers le trou.

« Je me trouve dans une petite cabine de commande », dit-elle en tournant le buste pour que la caméra montre l’ensemble. Des vrilles de brouillard glacé dérivaient vers le trou du hublot. « Très petite. Le tableau de bord est d’une telle complexité que j’incline à penser que l’intrus n’avait pas d’autopilote. Aucun homme ne pourrait se débrouiller avec toutes ces commandes et ces réglages. Je ne vois qu’un seul siège, et il n’y a pas d’autres extra-terrestres que moi.