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« Et Einar est malade, très malade. Il a voulu me tuer lorsque je lui ai retiré la racine. Maintenant il est tombé dans le coma. Nous l’avons mis dans l’auto-docteur du vaisseau. L’auto-docteur a répondu : Données insuffisantes »… Ils entendirent une respiration hachée, et Luke crut voir des bleus qui commençaient à se foncer sur la gorge de Tina. « Nous voudrions avoir l’autorisation de le conduire à un médecin humain. »

Nick laissa échapper un juron et passa sur l’émetteur. « Ici Nick Sohl. Choisissez une route et partez. Achevez ensuite l’analyse de cette racine. L’odeur vous a-t-elle rappelé quelque chose ? Terminé pour Sohl. » Il éteignit. « Qu’est-ce qui lui a pris ? »

Luke haussa les épaules. « Il avait peut-être faim.

— Einar Nilsson ! Il a été mon patron pendant un an avant de renoncer à la politique. Pourquoi aurait-il essayé un truc comme ça ? Autant se suicider. Il n’est pas idiot, voyons ! » Nick tambourina sur les bras de son siège, puis chercha Cérès avec le com-laser.

Au cours de la demi-heure qui s’écoula avant que le Bœuf Bleu le rappelât, il reçut les dossiers des trois membres de son équipage. « Tina Jordan est une Terrienne. Voilà qui explique pourquoi ils attendaient les ordres, dit-il.

— Fallait-il une explication ?

— La plupart des Zoniers seraient partis dès le moment où Einar est tombé malade. L’engin de l’intrus est vide, et le retrouver ne pose aucun problème. Il n’y avait aucun intérêt à demeurer sur place. Mais Jordan est restée une Terrienne ; elle a encore l’habitude qu’on lui dise quand elle doit respirer, et La Pan manquait probablement trop de confiance en son propre jugement pour passer outre.

— L’âge, dit Luke. Nilsson était le plus âgé.

— Quel rapport avec le problème ?

— Je n’en sais rien. Il était aussi le plus gros Peut-être recherchait-il une nouvelle sensation de goût… Non, vraiment, je ne crois pas davantage cela…

— Bœuf Bleu appelle U Thant. Nous sommes sur le chemin du retour. Direction prévue : Vesta. Les analyses de la racine presque normales. Taux élevé d’hydrates de carbone, dont des sucres. Les protéines paraissent ordinaires. Pas du tout de vitamines. Nous avons trouvé deux composés dont Nate assure qu’ils sont nouveaux. L’un ressemble à une hormone, une testostérone, mais elle n’est certainement pas une testostérone.

« La racine n’a pas une odeur que je pourrais nommer, sauf peut-être une odeur de lait ou de crème aigre. L’air dans l’astronef de l’intrus était raréfié, avec une suffisante pression partielle d’oxygène, sans composés toxiques, au moins deux pour cent d’hélium. Nous avons procédé à une spectro-analyse de la matière du hublot et… » Elle énuméra un spectre d’éléments d’une teneur élevée en silicone. « L’auto-docteur continue de répondre « Données insuffisantes » pour la maladie d’Einar, mais maintenant un signal d’urgence s’est allumé. De toute façon, ce n’est pas bon. D’autres questions ?

— Pas pour l’instant, répondit Nick. Ne nous rappelez pas, parce que nous allons être trop occupés à atterrir. » Il coupa et se remit à tambouriner sur le pupitre avec ses longs doigts minces. « De l’hélium. Cela devrait signifier quelque chose.

— Un petit monde sans lune, hasarda Luke. De grosses lunes ont tendance à écumer l’atmosphère d’une planète. La Terre ressemblerait à Vénus sans son énorme satellite. L’hélium serait le premier à disparaître, n’est-ce pas ?

— Peut-être. Il serait aussi le premier à quitter une petite planète. Réfléchissez à la force de l’intrus. Ce n’était pas d’une petite planète qu’il venait. »

Nick et Luke étaient des hommes qui réfléchissaient toujours avant de parler. La conversation à bord de l’U Thant s’interrompit donc pendant quelques minutes avant de repartir juste au point où elle s’était arrêtée.

« D’où, alors ?

— De quelque part dans un nuage de gaz avec beaucoup d’hélium. Le noyau galactique se trouve dans la direction d’où il venait. Il y a quantité de nuages de gaz et de nuages de poussière par là.

— Mais c’est à une distance invraisemblable. Voudriez-vous ne plus tambouriner ?

— Cela m’aide à réfléchir. Comme, pour vous, fumer.

— Dans ce cas, tambourinez à votre aise.

— Je ne vois pas de limites à la distance d’où il a pu venir. Plus rapidement un statoréacteur Bussard se déplace, plus il récolte de carburant.

— Il faut qu’il y ait une limite où la vitesse d’éjection égale la vitesse à laquelle le gaz frappe l’ouverture d’admission.

— Possible. Mais ce doit être ainsi qu’il est venu. Ce réservoir d’air était immense. L’intrus se trouve très loin de chez lui. »

L’auto-docteur était installé dans la paroi du fond, au-dessus de l’une des trois couchettes amortisseuses de catastrophe. Einar était dans cette couchette. Il avait le bras enfoncé presque jusqu’à l’épaule dans l’auto-docteur.

Tina surveillait son visage. Son état empirait régulièrement. Mais pas sous l’effet d’une maladie : à moins que la sénescence ne fût une maladie. Einar avait vieilli de plusieurs dizaines d’années en une heure. De toute urgence, il lui fallait un médecin humain… mais une poussée supérieure à celle du Bœuf l’aurait tué, et ils ne disposaient d’ailleurs que du Bœuf.

Auraient-ils pu l’en empêcher ? Si elle avait crié tout de suite… mais aussitôt Einar avait cherché à l’étrangler, et c’était trop tard. D’où Einar avait-il une force pareille ? Il avait failli la tuer.

Sa poitrine ne bougea plus.

Tina leva les yeux vers les cadrans de l’auto-docteur. D’ordinaire un panneau les recouvrait ; un vaisseau spatial possède assez de gadgets à surveiller sans que des distractions supplémentaires soient utiles. Tina, depuis des heures, avait regardé les cadrans toutes les cinq minutes. Cette fois, ils étaient tous rouges.

« Il est mort », dit-elle. Elle entendit l’intonation de surprise dans sa voix et elle s’en étonna. Les parois de la cabine commencèrent à se brouiller et à reculer.

Nate dégringola du siège de commande et se pencha au-dessus d’Einar. « Et c’est seulement maintenant que vous vous en apercevez ! Il est sans doute mort depuis une heure !

— Non, je vous jure… » Tina se débattit contre l’anesthésie croissante qui bloquait ses veines. Son corps n’était plus que de l’eau. Elle manqua s’évanouir.

« Regardez sa tête, et osez me dire cela ! »

Tina se redressa sur ses jambes flageolantes. Elle considéra le visage ravagé. Einar, mort, avait l’air vieux de plusieurs siècles. Avec un mélange de chagrin, de culpabilité et d’aversion, elle se pencha pour caresser la joue sans vie.

« Il est encore chaud.

— Chaud ? » Nate toucha le cadavre. « Il est brûlant. La fièvre. Il devait être encore vivant il y a quelques secondes. Pardon, Tina. J’ai conclu trop vite. Hé ! Vous n’allez pas vous trouver mal, j’espère ? »

« Jusqu’à quel point ces approches sont-elles dangereuses ?

— Faites disparaître de votre voix cette petite note tremblée », répondit Nick. C’était pure calomnie. Luke n’était qu’intéressé. « J’ai effectué au moins deux cents manœuvres semblables dans ma vie. En ce qui concerne les sensations fortes, je n’ai rien trouvé de mieux que de vous laisser me piloter vers Death Valley Port.