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« Ils moururent. Les reproducteurs se reproduisirent alors sans contrôle. Ils disposaient de toute la place imaginable, et les protecteurs avaient liquidé toutes les dangereuses formes de vie. Ce qui se produisit après relève de la spéculation. Les protecteurs étaient morts, mais les reproducteurs étaient habitués à ce qu’ils les tirassent d’embarras, et ils restèrent autour des vaisseaux.

— Et ensuite ?

— Ensuite, les piles chauffèrent sans protecteurs pour veiller à leur équilibre. Vu l’état de la science, ce devait être des piles à fission. Peut-être ont-elles explosé. Peut-être pas. Les radiations ont provoqué des mutations qui ont abouti à des lémures, à de grands singes et aux chimpanzés, à l’homme ancien et moderne.

« Voilà une théorie, poursuivit le monstre-Brennan. Selon une autre, les protecteurs auraient commencé de propos délibéré à créer des mutations, afin que les reproducteurs aient une chance de survivre sous une forme ou une autre en attendant l’arrivée des secours. Les résultats auraient été les mêmes.

— Je ne crois pas cela, dit Nick.

— Vous le croirez. Vous devriez le croire maintenant. Les preuves ne manquent pas, en particulier dans les religions et les contes populaires. Quel pourcentage d’humanité espère sincèrement en la vie éternelle ? Pourquoi tant de religions nous parlent-elles d’une race d’immortels qui se battent constamment entre eux ? Comment justifier le culte des ancêtres ? Vous savez ce qui arrive à un homme qui ne bénéficie pas de la gériatrie moderne : à mesure qu’il vieillit, les cellules de son cerveau commencent à mourir. Et cependant les gens ont tendance à le respecter, à l’écouter. D’où viennent les anges gardiens ?

— Une mémoire de race ?

— Probablement. Il est difficile de croire qu’une tradition ait pu survivre aussi longtemps.

— L’Afrique du Sud, dit Luke. Ils ont dû atterrir en Afrique du Sud, quelque part à proximité du Parc national de la Gorge d’Olduvai. Tous les primates y sont.

— Pas tous. Il est possible qu’un vaisseau ait atterri en Australie, pour les métaux. Vous savez, les protecteurs ont fort bien pu répandre tout autour de la poussière radioactive et en rester là. Les reproducteurs se seraient multipliés comme des lapins sans ennemis naturels, et les radiations auraient facilité leur évolution. Une fois tous les protecteurs disparus, ils ont été obligés de développer des fonctions nouvelles. Les uns ont acquis de la force, d’autres de l’agilité, d’autres enfin de l’intelligence. La plupart moururent, bien sûr, comme font les mutants.

— Je crois me rappeler, dit Luke, que le processus du vieillissement chez l’homme peut se comparer à l’épuisement du programme dans une sonde spatiale. Une fois que la sonde a accompli son travail, peu importe ce qui lui arrive. De même, une fois que nous avons dépassé l’âge auquel nous pouvons avoir des enfants…

— « L’évolution en a terminé avec vous. Vous n’avancez que par inertie, en poursuivant votre course sans mécanismes correcteurs. » Le monstre-Brennan opina de la tête. « Évidemment, la racine pourvoit au programme pour la troisième phase. Bonne comparaison.

— Vous n’avez pas une idée sur ce qui n’a pas marché avec la racine ? demanda Nick.

— Oh ! Ce n’est pas un mystère. Et pourtant ce problème a terriblement tourmenté les protecteurs Pak. Mais il n’y a rien d’étonnant à ce qu’une petite colonie n’ait pas su le résoudre. Un virus vit dans la racine. C’est lui qui transporte les gènes pour le changement du reproducteur en protecteur. Il ne peut pas vivre hors de la racine ; il faut donc qu’un protecteur mange de temps à autre de cette racine. S’il n’y a pas de thallium dans le sol, la racine pourra pousser mais n’entretiendra pas le virus.

— Cela m’a l’air bien compliqué !

— Vous n’avez jamais eu affaire à un jardin hydroponique ? Les relations dans une écologie stable peuvent être compliquées. Dans le monde Pak, aucun problème ne s’est posé. Le thallium est rare sur la Terre, mais il doit être assez répandu sur toutes les étoiles de la Population II. Et la racine pousse partout.

— Que vient faire là-dedans l’Intrus ? » s’enquit Nick.

Un sifflement et un claquement du bec : « Phssthpok. Phssthpok a trouvé de vieux documents, y compris l’appel au secours. Il a été le premier protecteur en deux millions et demi d’années à se rendre compte qu’il y avait un moyen de découvrir Sol, ou du moins de limiter les recherches. Et il n’avait pas d’enfants : il lui fallait donc trouver rapidement un but, avant que le besoin de manger l’abandonne. C’est ce qui arrive à un protecteur quand ses descendants sont morts. Un manque de programmation. Soit dit en passant, vous pourriez remarquer l’épaisse protection contre les mutations dans l’espèce Pak. Une mutation n’a pas l’odeur correcte. Cela pourrait être important dans le noyau galactique, où des radiations sont fortes.

— Il est donc venu ici à toute allure avec une cale remplie de semences ?

— Et de sacs d’oxyde de thallium. L’oxyde était d’un transport plus facile. La conception de son astronef m’avait étonné, mais vous comprenez pourquoi il traînait son compartiment de fret derrière son système de survie. Les radiations, en petites quantités, ne le gênaient pas. Il ne pouvait plus avoir d’enfants.

— Où est-il à présent ?

— J’ai dû le tuer.

— Quoi ! s’écria Garner scandalisé. Vous a-t-il attaqué ?

— Non.

— Alors… Je ne comprends pas. »

Le monstre-Brennan sembla hésiter. « Garner, Sohl, écoutez-moi bien, dit-il. À une vingtaine de kilomètres d’ici, à une quinzaine de mètres sous le sable, il y a la capsule de fret d’un astronef étranger remplie de racines, de graines et de sacs d’oxyde de thallium. Les racines que je peux faire pousser à partir de ces graines peuvent conférer à l’homme une quasi immortalité. Alors, qu’allons-nous en faire ? »

Les deux hommes se regardèrent. Luke ouvrit la bouche, la referma.

« Question délicate, n’est-ce pas ? Mais vous devinez bien maintenant ce que Phssthpok espérait, je suppose ? »

Phssthpok rêvait.

Il savait à un jour près dans combien de temps Brennan s’éveillerait. Il pouvait s’être trompé, évidemment dans le cas où la race de Brennan aurait effectué une mutation trop éloignée de la forme Pak.

Puisqu’il savait de combien de temps il disposait, Phssthpok pouvait organiser ses rêveries en conséquence. Les Martiens ne constituaient plus une menace, même s’il faudrait quelque jour s’occuper d’eux. Pour un protecteur, rêver était l’un des beaux-arts. Il avait une dizaine de jours devant lui. Pendant une semaine il rêva à son passé, jusqu’au jour où il avait quitté la planète Pak. La stimulation sensorielle avait été maigre pendant le voyage. Il se tourna vers l’avenir.

Phssthpok rêvait…

Tout commencerait quand son prisonnier s’éveillerait. À première vue, le cerveau du prisonnier serait plus grand que celui de Phssthpok ; il y avait ce bombement frontal qui détruisait la pente de la face. Il apprendrait vite. Phssthpok lui enseignerait comment être un protecteur et quoi faire des racines et des semences de l’arbre de vie.

Le reproducteur avait-il des enfants ? Si oui, il ferait profiter les siens du secret, et il utiliserait l’arbre de vie pour faire de ses propres descendants des protecteurs. Ce serait parfait. S’il avait assez de bon sens pour agrandir sa famille en évitant la consanguinité, sa descendance comprendrait presque toute la race Pak de ce système.